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Matzneff : les signataires d'une pétition pro-pédophilie de 1977 ont-ils émis des regrets ? – Libération

Matzneff : les signataires d'une pétition pro-pédophilie de 1977 ont-ils émis des regrets ? – Libération ✍Highlight–2024:06:14:10:56:26

Nous avons reformulé votre question, qui était à l'origine : «Les signataires de la lettre ouverte dans le Monde du 26 janvier 1977, dont l'auteur est le pédophile Gabriel Matzneff, ont-ils regretté ce soutien à des pédophiles ?»

Vous faites référence ici à l'écrivain Gabriel Matzneff, âgé de 83 ans, prix Renaudot essai en 2013, et qui revient dans l'actualité ces derniers jours (Libération y consacrait lundi son événement).

La raison : un livre publié aujourd'hui par Vanessa Springora, par ailleurs éditrice, intitulé le Consentement. Dans cet ouvrage, elle raconte sa relation traumatisante avec Gabriel Matzneff, alors qu'elle était âgée de 14 ans et lui 50. A l'époque, l'écrivain ne cachait rien de ses pratiques pédophiles, tant dans ses livres qu'à la télévision, où il pouvait être reçu avec complaisance. Ces derniers jours, un extrait de l'émission littéraire Apostrophes, datant de 1990, a ainsi été exhumé par l'INA. On y voit Bernard Pivot demander à Matzneff pourquoi il s'était spécialisé dans «les lycéennes et les minettes». Et l'écrivain de lui répondre qu'une fille «très très jeune est plutôt plus gentille». Autour du plateau, seule la journaliste québécoise Denise Bombardier s'indigne des propos tenus.

Votre question fait référence à un autre épisode : une pétition datant de janvier 1977. Elle fut d'abord publiée dans le Monde le 26 janvier, puis dans Libération le lendemain.

Elle avait été rédigée alors que s'ouvrait à Versailles, devant la cour d'assises des Yvelines, le procès de trois hommes, jugés pour «attentats à la pudeur sans violence sur mineurs de [moins de] 15 ans», et placés en détention préventive depuis trois ans. Les victimes étaient âgées de 12 ou 13 ans, frère et sœur notamment, et avaient été photographiées et filmées par les accusés lors de différents jeux sexuels. L'un des accusés justifia ainsi ses pratiques durant le procès : «Ce qui m'intéressait, c'était de voir la sexualité des enfants.» Les trois personnes furent condamnées à cinq ans de prison avec sursis.

Pourtant, dans la pétition publiée à la veille de l'ouverture du procès, il était écrit : «Nous considérons qu'il y a une disproportion manifeste, d'une part, entre la qualification de “crime” qui justifie une telle sévérité, et la nature des faits reprochés ; d'autre part, entre le caractère désuet de la loi et la réalité quotidienne d'une société qui tend à reconnaître chez les enfants et les adolescents l'existence d'une vie sexuelle (si une fille de 13 ans a droit à la pilule, c'est pour quoi faire ?).»

Ce texte, qui défendait donc le droit d'avoir, en tant qu'adulte, des relations sexuelles avec des enfants, se concluait ainsi : «Trois ans de prison [préventive, ndlr] pour des caresses et des baisers, cela suffit. Nous ne comprendrions pas que le 29 janvier Dejager, Gallien et Burckhardt ne retrouvent pas la liberté.»

«Je la connais bien puisque c’est moi qui l’ai écrite»

Parmi la soixantaine de signataires de cette pétition, qui n'a pas attendu 2019 pour refaire débat, plusieurs noms très célèbres, déjà à l'époque : Jean-Paul Sartre, co-fondateur de Libération, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Gilles et Fanny Deleuze, Philippe Sollers, Jack Lang, Bernard Kouchner… Et Gabriel Matzneff qui, dans un article publié en 2003 sur son blog, revendique la paternité de cette pétition.

«Cette révoltante pétition, je la connais bien puisque c'est moi qui l'ai écrite», explique-t-il à ce moment-là, lorsqu'il revient sur ce texte, regrettant qu'avec le temps, les commentaires à son égard aient évolué : «J'en suis très fier et, si je l'écrivais aujourd'hui, je n'en modifierais pas le moindre mot, car elle est encore plus actuelle, nécessaire aujourd'hui qu'en 1977. Nous en avions parlé, quelques amis (dont un avocat, Alexandre Rozier) et moi, puis je l'ai rédigée, pesant chaque substantif, chaque verbe, chaque adjectif, chaque virgule, chaque point-virgule.»

Il explique ensuite, toujours sur son blog : «Comme à l'époque le mail n'existait pas, nous avons pris notre téléphone et téléphoné à celles et ceux dont nous espérions le soutien. Guy Hocquenghem s'est chargé d'appeler les philosophes, moi les écrivains, lui et moi, aidés de quelques copains, les autres. Nous avons essuyé de rares refus (pour ma part, je me souviens du refus de signer de Marguerite Duras, d'Hélène Cixous, de Xavière Gauthier, de Michel Foucault), mais reçu d'infiniment plus nombreuses signatures enthousiastes, 67 en tout, plus les deux nôtres, ce qui n'est pas mal, eu égard au temps très bref dont nous disposions pour les réunir.»

Pour répondre à votre question, peu de signataires de cette pétition, à notre connaissance, ont exprimé leurs regrets de l’avoir signée. Une raison évidente à cela d’abord : bon nombre des signataires en question sont décédés quelques années après la publication de la pétition. C’est le cas par exemple de Louis Aragon (mort en 1982) ou de Simone de Beauvoir (1986), pour ne citer qu’eux.

2001, la pétition revient

Il a fallu attendre, en réalité, janvier 2001, pour que se fassent entendre des regrets, mais aussi des explications aux raisons qui avaient pu pousser quelques signataires à se joindre à ce texte légitimant la pédophilie.

Pourquoi 2001 ? Parce qu'à l'époque, Daniel Cohn-Bendit, alors député européen, vient d'être rattrapé par l'exhumation d'un texte de jeunesse, publié en 1975, où il évoquait son activité d'éducateur dans un jardin d'enfants «alternatif» à Francfort.

«Il m'était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : “Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi m'avez-vous choisi, moi, et pas les autres gosses ?” Mais s'ils insistaient, je les caressais quand même», écrivait-il dans ce livre.

Libé fait alors sa une sur le sujet, titrant sur une «génération provoc», pour revenir sur «l'esprit soixante-huitard, avec ses utopies et ses erreurs».

Dans ce même numéro, dans un difficile exercice d'introspection collective intitulé «Libé en écho d'un vertige commun», Sorj Chalandon revenait sur la manière dont Libération avait traité la question de la pédophilie, n'éludant rien du passé. Il rappelait ainsi qu'en juin 1981 était publiée dans Libé une interview d'un certain Benoît, titrée «Câlins enfantins». Dans celle-ci, il racontait : «Je faisais un cunnilingus à une amie. Sa fille, âgée de cinq ans, paraissait dormir dans son petit lit mitoyen. Quand j'ai eu fini, la petite s'est placée sur le dos en écartant les cuisses et, très sérieusement, me dit “à mon tour, maintenant”. Elle était adorable. Nos rapports se sont poursuivis pendant trois ans.» Précédée d'une phrase d'un journaliste, qui écrivait alors : «Quand Benoît parle des enfants, ses yeux sombres de pâtre grec s'embrasent de tendresse.»

«C’est plus qu’une période, c’est un laboratoire»

Dans ce même texte, Chalandon tente de mettre des mots pour expliquer ce qui avait permis cela. L'époque, peut-être. «L'ordre moral. Voilà l'ennemi. Et Libération de cette époque n'est rien d'autre que l'écho particulier du vertige commun. Nous sommes à la fin des années 70. Les traces du mai des barricades traînent sur les murs et dans les têtes. “Interdit d'interdire”, “contestons toute forme d'autorité”», écrit-il, avant de développer : «C'est plus qu'une période, c'est un laboratoire. Accoucheur d'espoirs, de rêves, de combats insensés. Et de monstres. […] Dans ce tumulte, ce retournement des sens, cet ancrage de repères nouveaux, dans cette nouvelle préhension de la morale et du droit, cette fragilité et cette urgence, tout ce qui se dresse sur le chemin de toutes les libertés est à abattre.»

A plusieurs reprises, CheckNews s'est appuyé sur ce texte pour répondre aux internautes qui nous demandaient si, un temps, Libération avait soutenu la pédophilie.

Référence est également faite dans l'article de Chalandon à la pétition de 1977. Un texte qui ne «laisse aucune place à l'ambiguïté», selon le journaliste, qui note que, pour les signataires, les enfants n'ont subi «aucune violence» et qu'ils étaient «consentants».

Dans le même numéro, trois soixante-huitards dénoncent quant à eux un «procès stalinien» fait à Cohn-Bendit. Parmi eux, Philippe Sollers, signataire de la pétition de 77, et qui revient alors pour la première fois sur cette signature, en ces termes : «Dans le texte que j'ai signé et qui doit dater des années 1974-1975, considérer que “l'entière liberté des partenaires d'une relation sexuelle est la condition nécessaire et suffisante de la licéité de cette relation” est effectivement extraordinairement naïf – car qui juge de l'entière liberté des partenaires ? C'est ne pas envisager qu'il peut y avoir un rapport de force ou de pouvoir.»

«Je signe ce texte sans vraiment le lire»

Il continue : «Ce qui me frappe le plus est que le problème des violences exercées sur des enfants n'était pas un problème de société à l'époque. Ça l'est devenu. Probablement à cause d'une extension sans précédent de la prostitution enfantine et du tourisme sexuel à haute dose. A l'époque où je signe ce texte sans vraiment le lire, parce que ça fait partie des revendications libertaires, je suis au courant de Freud et je vais écouter Lacan. Il est impossible d'avoir une conscience un peu éveillée sans s'apercevoir que les enfants prépubères ne parlent pas le même langage que les adultes.»

Un peu plus tard, dans l'Express, dans un article d'un numéro daté du 1er au 7 mars 2001, consacré au «devoir de mémoire» concernant la libération sexuelle, Philippe Sollers répétera peu ou prou la même chose. «Il y aura bien­tôt trente ans que je l'ai si­gnée et j'avoue n'en avoir aucun sou­ve­nir pré­cis. Il y avait tel­le­ment de pé­ti­tions à cette époque-là qu'on ne fai­sait plus très at­ten­tion à ce qui était écrit.» Selon lui, «il est dé­li­cat de res­sor­tir cette pé­ti­tion au­jour­d'hui sans par­ler du contexte de cette époque. La pédophilie est un pro­blème ré­cent. On n'en parle que de­puis quelques an­nées. A l'époque, ce n'était pas évident et il me semble que le texte n'était pas cen­tré sur la ques­tion adulte-en­fant».

Toutefois, tient-il à préciser dès 2001, «cer­tains as­pects de la pé­ti­tion sont com­plè­te­ment in­dé­fen­dables. Au­jour­d'hui, je ne la si­gne­rais pas et je pè­se­rais mes mots».

«Je l’ai signée dans un contexte précis»

Dans ce même numéro de l'Express, un autre signataire de la pétition s'exprime. Il s'agit de Bernard Muldworf, médecin psychiatre et psychanalyste, décédé depuis. Il expliquait, comme Chalandon et Sollers, que c'est le contexte, et l'époque, qui avaient permis cette signature, jugée impossible depuis : «En mai 1968, on a assisté à une véritable fracture de la civilisation humaine. Toutes les règles traditionnelles de la morale se dissolvaient comme de l'eau dans le sable. La sexualité était vue comme subversive. C'était une crise culturelle au sens profond du terme. Il fallait être opposé à tout ce qui pouvait être de l'ordre de la contrainte, prendre parti pour ceux qui cherchaient une voie nouvelle. C'est dans ce contexte que j'ai signé la pétition.»

Ajoutant : «Cela me paraissait malhonnête de ne pas signer car il y avait un enjeu idéologique : soyons plutôt du côté des contestataires que du côté des flics. J'ai signé la pétition par solidarité avec le mouvement, non par adhésion aux idées.» A la question «auriez-vous signé la pétition aujourd'hui ?», posée en 2001, il répondait, comme Sollers : «Non, certainement pas. Je l'ai signée dans un contexte précis.»

A notre connaissance, il n’existe pas d’autres prises de position publiques de signataires de cette pétition, regrettant depuis d’y avoir été associée. Cet article pourra être mis à jour en fonction de nouveaux éléments.

Dans une chronique de février 2001, intitulée «Autre temps…», le Monde revenait également sur cette pétition initiée des années plus tôt dans son journal, regrettant à demi-mot de l'avoir publiée, alors que l'audience publique démontra qu'il ne s'agissait pas «de caresses et de baisers» mais bien «d'une affaire sordide».

Le texte du Monde, signé par Pierre Georges, qui avait à l'époque couvert le procès des trois hommes accusés de pédophilie, et condamnés pour cela, justifiait ainsi ce «retour sur» : «Si l'on est revenu sur cette affaire, et sur l'incroyable imprudence intellectuelle de l'époque en ce domaine, c'est bien sûr par référence aux mésaventures de Daniel Cohn-Bendit pour des écrits de 1975, cités par L'Express. Ces citations sont incontestables. Et incontestablement condamnables. Le premier à le faire en est l'auteur, qui au motif, jadis, de choquer le bourgeois et au nom de la libération sexuelle, reconnaît avoir écrit des imbécillités et s'en repent. Dont acte.»

«Un portrait sans doute trop désinvolte qu’on avait fait de Matzneff…»

Plus récemment, c'est un portrait de Gabriel Matzneff, publié en 2004 dans Libération, et écrit par Luc Le Vaillant, qui est remonté à la surface, critiqué sur les réseaux sociaux pour son caractère jugé au mieux complaisant. L'écrivain y est notamment décrit comme un «amateur de jeunes filles en fleur, qu'il couche aussi dans son journal» et qui «irrite une société au moralisme de plus en plus sourcilleux».

Dans un portrait de Vanessa Springora, victime de Matzneff, publié lundi dans Libé, Luc Le Vaillant revient sur son texte de 2004 : «On lui raconte un portrait sans doute trop désinvolte qu'on avait fait de Matzneff en der de Libé voici quinze ans, en regrettant avoir négligé le côté touriste sexuel qu'il avait mis sous le tapis. Ce Narcisse académique ne nous exaltait pas spécialement et l'on se demandait d'ailleurs ce que pouvaient bien lui trouver toutes ces demoiselles. Nous intéressait en revanche l'habileté surannée de ce dézingueur des familles les plus éclairées et les plus compréhensives. Le portrait est un travail d'artisan, où les informations personnelles se mêlent à l'analyse de caractère, aux impressions recueillies, aux sensations éprouvées. On se confronte à l'humaine nature, au risque de l'erreur d'appréciation. Cela fait la beauté de l'exercice, et aussi sa limite.»

Cordialement

Mise à jour du 2 janvier 2020 à 13h : ajout de Jean-Paul Sartre dans la liste des signataires de la pétition.

L’ancien PDG d’EDF Henri Proglio jugé pour favoritisme, le procès d’un homme aux larges réseaux

L’ancien PDG d’EDF Henri Proglio jugé pour favoritisme, le procès d’un homme aux larges réseaux ✍Highlight–2024:06:14:10:29:35

L’homme d’affaires comparaît à partir de mardi devant le tribunal correctionnel de Paris. Il est accusé d’avoir signé, à la tête de l’électricien public, pour 21 millions d’euros de contrats de conseil sans mise en concurrence. Au profit de figures de l’ombre du monde des affaires, comme Alain Bauer ou Jean-Marie Messier, également convoqués.

Par  Abdelhak El Idrissi et Jérôme Lefilliâtre

PDG d’EDF entre 2009 et 2014, Henri Proglio était un patron particulièrement entouré, bénéficiant des conseils tarifés d’une multiplicité de personnes ou de sociétés spécialisées dans la communication, la stratégie ou l’intelligence économique. Pendant son mandat à la tête de l’énergéticien public, l’homme d’affaires de 74 ans, ancienne gloire de l’industrie française ayant également dirigé Veolia, avait signé une quarantaine de contrats de ce genre, pour un montant cumulé d’environ 21 millions d’euros hors taxes.

Des missions passées sans mise en concurrence ni appel d’offres, qui valent à Henri Proglio de comparaître à partir de mardi 21 mai devant le tribunal correctionnel de Paris, où il sera jugé pour « favoritisme », de même qu’EDF en tant que personne morale. Egalement convoqué, l’ancien secrétaire général de l’entreprise, Alain Tchernonog, ne devrait pas être jugé en raison de son état de santé. Le procès doit durer jusqu’au 6 juin.

Il fait suite à une enquête préliminaire lancée en septembre 2016, après un signalement de la Cour des comptes, par le Parquet national financier (PNF). Selon l’analyse de ce dernier, Henri Proglio et son secrétaire général avaient mis en place une procédure spécifique de passation de marchés pour certains contrats, de gré à gré, en violation des règles de commande s’imposant à une entreprise publique.

Ces contrats étaient validés directement par le PDG d’EDF, sans être toujours examinés par le service des achats, alors même qu’ils portaient sur des montants très importants. « Le choix direct des consultants sans mise en concurrence à la seule condition de “bien connaître le consultant” [selon les termes d’une note interne à l’entreprise rédigée en 2010 par Alain Tchernonog à la demande d’Henri Proglio] était clairement autorisé et systématisé », écrit le PNF dans une synthèse consultée par Le Monde.

« J’ai fait comme avant »

Pour les avocats d’Henri Proglio, Mes Jean-Pierre Mignard et Pierre-Emmanuel Blard, la mise en place de cette procédure, « assumée par la direction d’EDF et connue de tous en interne », répondait à une volonté de « recentrer ces contrats au sein du secrétariat général pour avoir une meilleure visibilité et supprimer certains abus ». Ils estiment aussi que l’ordonnance de 2005 régissant la commande de marchés pour EDF ne prévoyait pas à l’époque des faits dénoncés d’infraction pénale en cas de non-respect. La première journée du procès devrait être consacrée à l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité et aux conclusions d’avocats demandant l’annulation des poursuites.

Au procès Proglio, le bal des avocats

Au procès Proglio, le bal des avocats ✍Highlight–2024:06:14:10:27:32

Ce qui est amusant dans les audiences au tribunal judiciaire de Paris, c'est la succession d'affaires qui s'entrechoquent. Ce mardi 21 mai, alors qu'Henri Proglio était déjà assis dans les travées du tribunal correctionnel, celui-ci rendait un jugement. Une sombre affaire de corruption. Mais, dans la salle, personne ne semble s'intéresser aux deux prévenus, dont l'un porte un jean et l'autre un costume trop large. Il y a tant de têtes connues dans la salle que ces deux délinquants en col blanc, dont l'affaire n'a pas fait trois lignes dans les journaux, sont presque comme snobés.

Lecture faite du jugement par le président, ils échappent de justesse à la prison ferme mais seront assignés à résidence et tous deux devront porter un bracelet électronique pendant une année. Leurs biens immobiliers sont saisis. Et notamment une villa à Saint-Raphaël ainsi qu'une parcelle de terrain dans une chic villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigPopUp Text

[arthur]
de banlieue parisienne, fruit de leurs larcins.

Favoritisme

La salle d'audience est comble. Mais ce n'est donc pas pour cette « petite » affaire que les plus grands avocats parisiens sont présents. Mais pour Henri Proglio et pour les prestigieux consultants dont il a loué les services pendant sa présidence à EDF (2009-2014).

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C'est la Cour des comptes, en épluchant les comptes de l'entreprise publique, qui a levé le lièvre voici plusieurs années. Ses investigations, puis celle de la brigade financière et du Parquet national financier valent aujourd'hui un procès à celui qui a aussi dirigé Veolia entre 2000 et 2009 pour « favoritisme », un délit passible de deux ans de prison et 200 000 euros d'amende. Pendant son mandat à la tête d'EDF, Proglio a en effet embauché 44 consultants pour une facture salée : plus de 20 millions d'euros. A-t-il respecté les procédures internes de l'entreprise publique ? C'est ce que la cour devra trancher.

Who's Who

Si, au final, seule une dizaine de prestataires doivent être jugés (ceux qui ont bénéficié des plus gros émoluments, d'autres ayant choisi de plaider coupable et ont donc déjà été condamnés), le catalogue de ces consultants est une sorte de Who's Who qui en dit long sur l'étendue du réseau de l'ancien PDG d'EDF nommé par Nicolas Sarkozy.

Ce mardi, pourtant, à l'exception de Jean-Marie Messier, qui ne s'est pas déplacé, chacun reste dans son coin. L'ancien PDG de GDF Loïk Le Floch-Prigent, l'ancien journaliste Jean de Belot, l'ancienne conseillère de Jacques Chirac, l'ancien grand maître du Grand Orient Alain Bauer, etc. s'évitent soigneusement. Ce n'est pas l'ambiance des retrouvailles autour d'Henri Proglio, installé au second rang. Pas question d'apparaître comme un clan. Ce sont leurs avocats qui feront front, tous ensemble.

Ruban rouge et passementerie

Leurs conseils, les stars du barreau, se serrent, eux, en rang d'oignons : Jean Reinhart, Olivier Baratelli, Jean Veil, Jean-Marc Fedida, Jean-Pierre Mignard, Caroline Toby sont là… avec quelques autres dont le patronyme ne déparerait pas dans le classement des meilleurs cabinets d'avocats réalisé chaque année par Le Point.

Les vieilles querelles d'ego, les fâcheries et les procès perdus par les uns et gagnés par les autres semblent enterrés pour l'occasion. Et, malgré les recommandations du barreau de Paris, les décorés affichent fièrement leur Légion d'honneur ou l'ordre du Mérite sur leur robe. Mais le plus jalousé est sans contestation possible un avocat du barreau de Milan qui défend un consultant italien (il a touché 4 millions d'honoraires de l'entreprise publique française) et a choisi d'apparaître dans une robe sur laquelle sont cousus plusieurs pompons blancs et éléments de passementerie qui vont et viennent au fil de ses mouvements.

Se chauffer la voix

« Tu sens le compteur des honoraires qui tourne comme jamais », s'amuse un chroniqueur judiciaire. Le temps des plaidoiries n'est pas venu (ce sera dans 15 jours). Mais chacun y va de ses incidents de procédure avec gourmandise. Après tout, il faut se chauffer la voix.

Avant de commencer à défendre son point, l'un d'eux prévient le président qui, derrière ses lunettes carrées, ne laisse échapper ni sourire ni compassion : « J'espère, Monsieur le Président, qu'avec ce dossier et son grand nombre de prévenus mes chers confrères talentueux ne provoqueront pas chez vous d'indigestion. » Réplique du président : « À vous de voir si, lors de ces audiences, vous préférerez le talent ou l'indigestion. »

Espions

Maître Jean-Marc Fedida entame le bal avec une question préalable de constitutionnalité. Elle est rapidement rejetée. Maître Olivier Baratelli s'enflamme pour son client, une mystérieuse société, Eurotravia, dont il décrit les missions comme dans un polar. « Dans cette société de renseignement, pardon, d'intelligence économique comme on dit, ce sont d'anciens espions, des anciens des services secrets français. Ils espionnaient pour le compte d'EDF pour savoir ce que préparaient ses concurrents. Il ne pouvait pas y avoir d'appel d'offres, ils sont les seuls en France à faire ce genre de travail. »

Un autre conseil demande qu'un prévenu, l'ancien secrétaire général d'EDF, dont l'état de santé est critique, ne soit pas jugé. Un autre vient avec de grands panneaux A3, comme dans les séries télévisées ou un procès aux assises, pour montrer qu'un point de procédure n'a pas été, selon lui, respecté. La prescription, le délai raisonnable pour juger, le caractère « non occulte » des contrats passés sous la présidence EDF d'Henri Proglio…, tout y passe.

À la barre, Henri Proglio n'a prononcé que trois mots pour confirmer son identité. Mais, sur son banc, il grommelle, il secoue la tête pour marquer son désaccord. Contrairement aux avocats, il fait sentir à tout le monde qu'il n'a aucune envie d'être là. Il s'exprimera sur le fond plus tard dans la semaine.

EDF et son ancien PDG Henri Proglio jugés pour des soupçons de favoritisme | TF1 INFO

EDF et son ancien PDG Henri Proglio jugés pour des soupçons de favoritisme | TF1 INFO ✍Highlight–2024:06:14:10:25:36

Le procès du géant de l'électricité, de son ancien PDG et de douze autres personnes, s'ouvre ce mardi à Paris.

La firme et ses anciens dirigeants sont poursuivis pour des soupçons de favoritisme concernant des contrats de consultants signés entre 2010 et 2016.

Le procès s'ouvre ce mardi 21 mai, en début d'après-midi, et doit durer deux semaines. Le géant de l'électricité EDF est jugé pour des soupçons de favoritisme autour d'attribution de contrats de consultants entre 2010 et 2016. En tout, 44 contrats litigieux ont été identifiés au terme de l'enquête du Parquet national financier (PNF), pour un total d'environ 22 millions d'euros. 

Concrètement, des communicants, politiques, magistrats, journalistes ou encore anciens dirigeants d'entreprises ont, à l'époque, signé pour des missions de conseil en communication, conseil stratégique, gestion des risques, renseignement ou lobbying. Le tout sur plusieurs années et pour des montants allant de 40.000 à quatre millions d'euros. Selon les autorités, ces accords n'auraient pas dû être conclus de gré à gré et auraient dû faire l'objet d'une mise en concurrence. 

Treize personnes jugées

Treize personnes figurent sur le banc des accusés, parmi lesquelles l'ancien PDG de la firme Henri Proglio. Il encourt deux ans d'emprisonnement et 200.000 euros d'amende. Il est “innocent des faits qui lui sont reprochés”, clament Mes Jean-Pierre Mignard et Pierre-Emmanuel Blard, qui vont plaider la relaxe. 

À ses côtés figurent l'ancien secrétaire général d'EDF, Alain Tchernonog, ainsi que onze ex-consultants, cités devant le tribunal, soit directement, soit via leur société, pour recel de favoritisme. La société de l'ex-PDG de Vivendi Jean-Marie Messier (pour des contrats pesant 1,42 million d'euros), Loïk Le Floch-Prigent (contrats de 1,36 million d'euros), ancien patron de GDF et de la SNCF, et le criminologue Alain Bauer (contrats de 650.000 euros) sont les principaux concernés. Durant l'enquête, tous ont contesté avoir commis une infraction. 

À noter que le PNF a décidé de ne pas poursuivre les consultants ayant bénéficié de marchés inférieurs au seuil de “procédure formalisée” (environ 400.000 euros à l'époque). Cela concerne notamment l'ex-ministre Claude Allègre et l'ancienne secrétaire d'État Jeannette Bougrab, qui ont bénéficié d'un classement sans suite. Par ailleurs, parmi ceux concernés par des montants supérieurs, six ont déjà été condamnés à des amendes via des procédures de plaider-coupable (CRPC), à commencer par le fondateur de Havas Stéphane Fouks (165.500 euros) et de la société de communication Image 7 d'Anne Méaux (150.000 euros).

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ens/daily_notes.txt · Dernière modification: 09/06/2024 de jeannot