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L’Europe doit saisir son moment « DeepSeek »

Par Jean-Baptiste Bouzige, président d'Ekimetrics.
C’est par un ouf de soulagement que les marchés ont accueilli les bons résultats trimestriels de Nvidia. Des résultats interprétés par une partie des observateurs comme la validation de la stratégie des « deals circulaires » à laquelle Silicon Valley se livre frénétiquement depuis plus de deux ans. Un mode opératoire qui a pour conséquence d'accélérer l'écart entre valeur boursière et valeur créée dans l'économie réelle.
Désormais l'IA dépasse le simple stade de la fiction. Pour reprendre le concept de Nick Land, un des idéologues star de la Silicon Valley, elle est même devenue une hyperstition : un récit performatif qui structure les croyances et détermine les comportements. Hypnotisée, l’UE a tenté, pendant un temps, d’émuler le modèle américain. Aujourd’hui elle semble revenir à la raison en prenant conscience que la prochaine frontière de l'IA, c'est celle de la valeur.
L’UE a un nouvel « avantage comparatif »
Désireuse d’avoir son moment DeepSeek - en référence à l’effet de sidération produit par l’entreprise d’IA éponyme - elle s’affranchit donc de plus en plus de la philosophie de la Silicon Valley, capitalise davantage sur ses singularités et tente de saisir les opportunités. Sa plus grande opportunité, c'est Eric Schmidt, l’ancien patron de Google, qui en parle le mieux : « l’Europe a la possibilité de tirer des gains économiques en réfléchissant à la manière d’appliquer l’IA aux entreprises grâce à la création d’applications construites au-dessus des grands modèles de langage. L’Europe doit se ressaisir ».
Un conseil que la Commission européenne semble entendre. Il y a quelques semaines, cette dernière a annoncé le plan Apply AI. Un investissement d’un milliard de dollars pour développer des modèles d’IA « adaptés à des secteurs » et « aider les industries à intégrer l’IA dans leurs activités ». L’UE capitalise également davantage sur ses atouts. Il y a l’excellence scientifique, la culture de la résolution de problèmes, l’interdisciplinarité et aussi le marché unique. C’est à la faveur de cet espace commun que ses champions peuvent additionner leur complémentarité et renforcer leurs liens pour créer de la valeur au sein des organisations.

C’est notamment le sens du partenariat entre SAP et Mistral AI, annoncé à Berlin, lors du sommet franco-allemand. Il ne s’agit donc pas de soutenir artificiellement un écosystème à coups de milliards d’euros mais d’amplifier le potentiel de ses champions au service de sa compétitivité.

Dans le sillage des préconisations du rapport Draghi.

L'impact plutôt que la hype
Il y a quelques semaines David Sacks, tsar de l’IA de Donald Trump était l'invité du podcast de l'investisseur Marc Andreesen. Interrogé sur l’innovation en Europe, il a déclaré que « lorsque l’Europe parle de leadership dans l’IA, elle veut dire qu’elle prend la tête dans la définition de la régulation. C’est son seul avantage comparatif ». Ce constat correspond de moins en moins à la réalité. Désormais les choses changent en Europe. Mais pour que le moment DeepSeek s’ancre, il faut aller au-delà des intentions du sommet franco-allemand. Avec un modèle européen fondé sur la matérialité (l'impact plutôt que la hype), la primauté aux scale-up d'IA européennes et la valorisation de l'excellence. Quant à la souveraineté, elle doit dépasser la nécessaire stratégie défensive pour être aussi pensée comme un levier pour la compétitivité.
Comme le démontre l'annonce récente du départ de Yann Le Cun, les LLMs ne sont pas la fin de l'histoire. Loin s'en faut. Continuons donc à creuser notre sillon, à cultiver nos spécificités et à assumer nos convictions. C'est à ce prix que nous deviendrons des leaders de l'IA.
latribune.fr
https://www.latribune.fr/article/idees/29036312774496/l-europe-doit-saisir-son-moment-deepseek

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