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Un déploiement de Tupolev Tu-160 au Venezuela, tel qu'effectué en 2018 lors de la dernière crise entre Caracas et Washington, inquiète l'occident. Cela paraît toutefois aujourd'hui moins probable, au vu du manque de ressources de Moscou.
Des bombardiers stratégiques russes dans les Caraïbes ? Si cette hypothèse n'est pas officiellement envisagée par le Kremlin, elle fait son chemin dans les médias affiliés au pouvoir. Le média Lenta, basé à Moscou, rapporte ainsi que des publications occidentales - nommément Military Watch Magazine - s'inquiètent d'une arrivée potentielle de bombardiers stratégiques Tupolev-160 au Venezuela pour protéger Nicolas Maduro, partenaire de Moscou, dans un contexte de graves tensions entre Caracas et Washington.
Cette crise en cours entre les États-Unis et le Venezuela, brusquement envenimée en septembre, n'est pas une première. En août 2017, lors de son premier mandat, le président américain Donald Trump affirmait qu'il “n'excluait pas l'option militaire” face à Nicolas Maduro. “Le Venezuela n'est pas très loin, et la population souffre et meurt. Nous avons de nombreuses options pour le Venezuela, y compris une éventuelle option militaire, si nécessaire”, avait souligné à l'époque le locataire de la Maison Blanche.
La destruction revendiquée le 2 septembre par Donald Trump d'une embarcation vénézuélienne en eaux internationales, transportant selon lui onze “narcoterroristes du [gang] Tren de Aragua”, marque cependant une claire escalade. Washington, qui renforce ses positions dans les Caraïbes avec le déploiement d'une force navale, ainsi que de F-35 à Puerto Rico, assure lutter contre une “menace immédiate” des organisations “narcoterroristes”, dans les mots du secrétaire d'État américain Marco Rubio.
Le président vénézuélien, inquiet d'une intervention militaire américaine, tient de son côté à montrer les muscles depuis cet incident, envoyant deux F-16 survoler un destroyer américain et mobilisant des forces militaires sur “284 fronts de bataille” pour sanctifier le territoire “le long des côtes caribéennes du Venezuela, à la frontière avec la Colombie, dans les Andes, dans l'est et le sud du pays”.
Cette opération américaine, au-delà de galvaniser le régime vénézuélien, a été critiquée par une partie des poids lourds d'Amérique Latine, comme le Brésil, le Mexique et la Colombie. Mais comme le note Lenta, elle fournit également une opportunité à Moscou de montrer son soutien au régime de Caracas, alors qu'après une période d'accalmie, les relations entre la Russie et les États-Unis se tendent à nouveau, à la suite de l'échec du sommet d'Anchorage.
L'hypothèse spécifique d'un envoi de Tupolev Tu-160 peut paraître irréaliste, au vu de la focalisation russe dans sa lutte contre l'Ukraine au prix de ses intérêts dans d'autres parties du monde, comme la Syrie ou le Caucase. Mais Moscou a déjà déployé deux Tu-160 en 2018, dans le sillage des tensions entre Caracas et Washington ; ces derniers avaient notamment patrouillé en décembre 2018 au-dessus de la mer des Caraïbes, escortés par des F-16 ou des Su-30 vénézuéliens.
Selon Defense Express, la Russie dispose cependant aujourd'hui d'un nombre insuffisant de Tu-160 : entre douze et dix-huit, dont cinq d'entre eux en réparation au cours du printemps dernier. Envoyer un ou plusieurs précieux Tu-160 au Venezuela serait donc une opération risquée, d'autant que l'Ukraine a déjà détruit ou endommagé d'autres vecteurs nucléaires russes lors de l'opération Toile d'Araignée, comme des Tu-95, bombardiers stratégiques dont la production s'est arrêtée il y a plusieurs décennies.
Le Venezuela dispose par ailleurs de systèmes antiaériens d'origine soviétique et russe, tels que des S-300 ou Bouk-M1-2, mais aussi de systèmes portatifs de défense antiaérienne (MANPAD), comme le Mistral français ou le RBS-70 suédois.
Ces derniers devraient être mobilisés pour défendre les Tupolev Tu-160, forçant Caracas à disperser ses moyens antiaériens contre une armée américaine profitant de nombreuses bases à proximité du territoire vénézuélien. De quoi remettre en cause l'utilité de l'envoi de bombardiers russes, qui serviraient un rôle de propagande et de communication plutôt que de moyen de dissuasion réel.
GEO
© Guillem Sartorio/Bloomberg via Getty Images
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