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« Si on refuse d’en parler, l’histoire nous roulera dessus » : l’alerte de Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance sur la dette sociale de la France [ElseNews]

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« Si on refuse d’en parler, l’histoire nous roulera dessus » : l’alerte de Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance sur la dette sociale de la France

En 1980, la dette finançait 1 % de nos dépenses sociales. Aujourd’hui, ce sont 10 % et ces dépenses représentent les deux tiers de notre endettement. Les gouvernements successifs ont-ils selon vous manqué de courage ou de vision ?
Je pense qu’il y a eu en réalité un aveuglement collectif. Personne n’a souhaité cela. Même après 1995, quand pour la première fois on décide de voter une loi annuelle de finances pour la sécurité sociale, on ne vote pas la dette sociale de l’État. On vote un budget, et on le vote en déficit. On accepte donc de facto qu’une tranche supplémentaire de déficit vienne augmenter le déficit cumulé depuis 1974, qui lui-même est financé par la dette. Il n’y a donc pas de débat. Chacun produit ses meilleurs efforts et dit, à la fin de son mandat : « J’ai fait ce que je pouvais ». Le successeur dit qu’il va mettre un terme à tout cela. Mais il se dit aussi l’héritier de toute tradition politique, de droite comme de gauche, qui consiste à offrir au peuple français une marche supplémentaire dans sa trajectoire vers l’émancipation par les droits sociaux.
Les gouvernements nous mentent et se mentent à eux-mêmes en expliquant que tout sera effacé par une croissance, qui n’arrive pas ou peu ?
Le régime politique français est keynésien et idéaliste. Keynésien car on estime que le point de croissance viendra des plans de relance. Mais on ne veut pas voir qu’aucun plan de relance ne fonctionne. Et idéaliste parce que la République sociale - c’est comme cela qu’elle est qualifiée dans la Constitution - doit toujours engendrer du progrès social, c’est-à-dire permettre d’être de plus en plus couvert par la redistribution et la solidarité. Voilà pourquoi le régime de protection sociale français est beaucoup plus redistributif aujourd’hui qu’il ne l’était dans les années 1960-1970.
Les alternances politiques n’ont servi à rien ?
Face à ce problème que je cite, elles n’ont en effet servi à rien.
Votre constat ne nourrit-il pas les discours populistes, les extrêmes ?
Non parce que les extrêmes font exactement la même erreur. Aucun parti ne se situe en dehors de l’État-providence. Et même, plus l’État-providence croît, plus les extrêmes croissent, plus les radicalités montent, riches de nouvelles promesses infinançables.
Au fil de l’histoire, il y a quand même eu quelques oasis faisant exception en matière de rigueur budgétaire : 1989, 2000, 2006 et 2018. Quel est le point commun de ces années ?
Je dirais un croisement entre un ministre des finances volontaire et une situation macroéconomique globale très favorable.
La France est aujourd’hui dans une situation comparable à celle du Portugal en 2009. Les solutions de nos voisins pour s’en sortir ont été radicales : moratoire sur les nouveaux droits, augmentation de l’âge de départ en retraite, suppression des jours fériés… Mais on sait que le moindre « bougé » en France peut faire exploser la marmite.
Jusqu’au jour où ça ne fera pas un petit « bougé », mais un énorme « bougé ».
Que voulez-vous dire par là ?
Je veux dire que ça finira par arriver. On sait que quelque chose arrivera pour que l’on stoppe la croissance vertigineuse de la dette. Rendez-vous compte, nous sommes partis pour atteindre les 4 000 milliards !
À quoi faut-il s’attendre ? Une crise sociale sans précédent ?
Personne ne sait quelle forme cela prendra en France, mais cela arrivera comme c’est arrivé dans tous les pays européens. On connaît les curseurs : l’âge de la retraite, le reste à charge de la maladie et la générosité relative des retraites versées aujourd’hui par rapport à la moyenne européenne. On est 20 % au-dessus des Allemands. Les Italiens ont supprimé plusieurs jours fériés catholiques en 1977, il y a 50 ans.
Cette perspective n’est-elle pas terrifiante ?
Ça ne l’est pas. Il y aura forcément un prix politique à payer à ce moment-là. Ce qui s’est passé ensuite, aux Pays-Bas, au Portugal, en Espagne, en Italie, au Danemark ou en Allemagne a été dur, mais on n’utilisera pas le mot de « terrifiant ». Ils l’ont fait, au prix d’efforts dont tout le monde se souvient. Il faut absolument que cela se fasse, dans l’intérêt patriotique du pays.
Vous dites que la gauche a du mal à porter la croix du sérieux budgétaire quand elle est dans l’opposition. Quand vous voyez le débat budgétaire à l’Assemblée nationale en ce moment, cela vous conforte dans cette idée ?
Il n’y a pas que la gauche. De manière générale, les oppositions ont du mal à la porter.
S’agissant des retraites, vous soulignez l’importance d’accélérer, en fixant l’âge de départ à 65 ans avec 45 années de cotisations. Comment convaincre les Français et leurs représentants au Parlement ?
En martelant tous les jours le fait que l’espérance de vie continue à monter, que la société du soin, qui est un accomplissement d’émancipation inouïe, conduit à l’allongement de la vie. Et que, par ailleurs, la chute drastique du nombre de naissances fait que les constantes mathématiques en matière de protection sociale sont profondément changées.
Sauf que les 35 heures ont fait de la société du loisir une sorte de dogme dans notre pays.
Les dogmes n’existent pas dans l’histoire. L’histoire roule sur les dogmes. Si on refuse d’en parler, de traiter le sujet, de le documenter, de se mettre d’accord, de faire un travail parlementaire, l’histoire nous roulera dessus.
En 1983, Michel Sapin avait parlé, au moment de la rigueur, d’un « tournant du sérieux ». Qui, aujourd’hui, amorcera ce virage ?
C’est l’histoire qui le dira. Ce sont les Français qui le diront puisqu’ils voteront. Mais je pense que les Français ne sont pas dupes de ce qui est en train de se passer. Ils souhaitent que le débat soit posé de manière équitable et d’une certaine manière avec bienveillance et j’ai même envie de dire avec une forme de gentillesse. Tous les éclats de voix qu’on entend sur le conflit de générations, les « boomers », vont à l’encontre de l’objectif de se mettre d’accord de manière transpartisane sur les voies et moyens. Pas pour une destruction de l’État-providence. Il n’en est absolument pas question, c’est notre civilisation, c’est notre mode de vie. Mais de son adaptation au vieillissement très profond et durable de la société française.
Vous parlez de gentillesse mais vous ne pouvez pas nier la radicalité dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
Parmi tous les problèmes à traiter, nous devons avoir une explication sur la raison pour laquelle plus on a de droits protégeant les Français, plus les radicalités montent. Il faut permettre à la société française de faire un travail sur elle-même, dans lequel on va reconnaître que les protections qui nous sont accordées collectivement, qui sont des immenses libertés, nous imposent le devoir de travailler plus, de nous dépasser, d’être innovants. C’est presque un devoir d’optimisme, qui est en réalité un devoir patriotique. On ne peut pas être les passagers clandestins du système.
Reste que tout le monde semble s’accorder pour dire qu’il y a aussi un problème de justice fiscale en France. Dans ces conditions, c’est compliqué d’entraîner les Français.
Je ne suis pas sûr du tout qu‘il y ait un problème général de justice fiscale en France. Là aussi, il faut désidéologiser la question et l’objectiver. La redistribution française est considérable.
C’est peut-être alors un problème de rémunération. Vous avez sans doute lu le rapport de l’Insee sur les plus riches ?
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Le rapport dit qu’entre le premier décile et le dernier, la distance s’est légèrement creusée de 1 %. Ce n’est quand même pas énorme. Il dit aussi que le décile le plus favorisé paye un pourcentage d’impôts considérable. Cela représente une part quatre fois supérieure à leur part dans l’ensemble des revenus. Une fois qu’on a enlevé les très hauts revenus, les 9,9 % des foyers les plus aisés contribuent autour de 61 % aux recettes fiscales. Il n’y a pas beaucoup de pays où la cotisation d’assurance maladie est déplafonnée. Il n’y a pas beaucoup de pays où le régime de base de la retraite est aussi redistributif. Mettre la justice fiscale en préalable, c’est refuser de traiter le drame de la dette sociale.

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