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| - | ====== Accord UE-Nouvelle-Zélande : « l’agneau est sacrifié sur l’autel de la politique », selon la présidente de la Fédération nationale ovine ====== | ||
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| - | Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine, revient pour EURACTIV sur les conséquences de l’arrivée imminente de 38 000 tonnes d’agneaux néo-zélandais, | ||
| - | Grogne dans le monde agricole. Le 30 juin dernier, ultime jour de la présidence française de l’UE, la Commission européenne annonce vouloir signer un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. | ||
| - | En négociation depuis plusieurs années déjà, ce texte doit encore subir un " | ||
| - | Ce qui coince ? La Nouvelle-Zélande est une puissance exportatrice redoutable, en particulier agricole, qui risque d’inonder nos grandes surfaces de produits moins chers - en particulier de la viande - et ainsi concurrencer le marché intérieur. | ||
| - | Et ce, sans respecter certaines normes sanitaires, sociales et environnementales européennes. Les filières laitières, bovines et ovines, sont donc vent debout contre ce qu’elles considèrent être une « concurrence déloyale ». | ||
| - | De son côté, l’exécutif européen se félicite de cet accord dont les retombées commerciales seront substantielles (30 % d’échange supplémentaires), | ||
| - | EURACTIV : Qu’est-ce que cet accord de libre-échange UE-Nouvelle-Zélande implique-t-il pour la filière ovine ? | ||
| - | Michèle Boudoin : Cet accord prévoit d’envoyer en Europe dans les sept prochaines années 38 000 tonnes de viande ovine supplémentaire tous les ans. En plus des 114 000 actuelles. Nous savons comment cela va se passer, notre filière a été mondialisée très tôt, dès les années 1990. L’affaire du Rainbow Warrior, dans la baie d’Auckland, | ||
| - | Le mouton est un animal très politique. Une monnaie d' | ||
| - | En quoi les néo-zélandais sont-ils des concurrents redoutables pour les producteurs européens ? | ||
| - | Ils ont un climat favorable – il ne fait jamais moins de deux degrés -, disposent de 19 millions de brebis qui évoluent dans d’immenses prairies artificielles tout au long de l’année. Les Maoris, travaillant dans les exploitations, | ||
| - | Aussi, comme les saisons sont inversées, lorsque les agneaux naissent chez eux au printemps, nous sommes en automne en Europe. En novembre-décembre, | ||
| - | Les agneaux arrivent au moment des fêtes de Pâques… | ||
| - | C’est le moment le plus important pour notre filière. L’agneau est œcuménique, | ||
| - | Vous avez laissé entendre dernièrement sur Twitter que la Commission européenne n’est pas cohérente avec le Pacte vert, et la stratégie « de la ferme à la table ». Pourquoi ? | ||
| - | Nous allons nous vendre des agneaux qui auront parcouru 22 000 km, sans respecter nos normes sociales et environnementales. Les éleveurs utilisent par exemple un insecticide sur leurs prairies, le Diflubenzuron, | ||
| - | Cet accord est, en tout cas, incohérent avec la stratégie « de la ferme à la table » voulue par l’Europe. On parle de souveraineté alimentaire et de circuits courts, alors que le marché intérieur n’est pas compétitif dans cette situation. Qu’a-t-on à vendre à la Nouvelle-Zélande, | ||
| - | Quel bénéfice en tire la Nouvelle-Zélande ? | ||
| - | Il faut savoir que la Nouvelle-Zélande ne parvient pas à fournir à l’Europe les 114 000 tonnes de viande annuelles autorisées. À peine la moitié. La Commission nous rassure en disant qu’il n’y a donc rien à craindre. Pourquoi, alors, offre-t-elle 38 000 tonnes supplémentaires ? En réalité, la Nouvelle-Zélande privilégie les morceaux nobles pour l’UE (gigot, épaule, premières côtes), et le reste est distribué à la Chine, plus proche, capable d’optimiser les autres morceaux. | ||
| - | En 2020, lorsque la Chine a fermé ses frontières à cause de la pandémie, la Nouvelle-Zélande a rapidement dérouté ses bateaux vers l’Europe. Résultat, les envois de produits y ont augmenté de 38 % au premier trimestre. La Nouvelle-Zélande s' | ||
| - | Les produits néo-zélandais passent aussi depuis longtemps par le Royaume-Uni. Quelles en sont les conséquences ? | ||
| - | Ce qui se passe au Royaume-Uni nous inquiète beaucoup. Le territoire a déjà signé un accord avec l’Australie et s’apprête à en signer un autre avec la Nouvelle-Zélande. Il est très ouvert à ces marchés. Le danger est que le Royaume-Uni consomme les produits néo-zélandais qui lui arrivent en masse et nous renvoie sa production, en profitant des accords commerciaux avec l'UE. C'est un potentiel cheval de Troie des produits de l’Océanie en Europe. | ||
| - | Par ailleurs, Boris Johnson s’était engagé auprès de l’Europe à contrôler les normes des produits importés en Irlande du Nord, à la frontière de l’UE, ce qui n’a pas été respecté pour l’instant. | ||
| - | Attendez-vous des modifications de cet accord ? | ||
| - | La Nouvelle-Zélande pourra importer quand elle veut, comme elle veut. Notre marché intérieur est menacé. Nous demandons donc des verrous, comme d' | ||
| - | Lorsque le projet sera soumis au Parlement, nous espérons que les élus français et européens entendront notre volonté de protéger le marché intérieur, l’emploi, les paysages, les activités rurales. Voulez-vous vraiment transférer notre souveraineté alimentaire à l’autre bout de la planète ? Nous n' | ||
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| - | ====== L’ordre juridique international entre tradition et innovation - De la réparation constructive du préjudice immatériel souffert par un État ====== | ||
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| - | 11. Présidé par Eduardo Jiménez de Aréchaga, le tribunal arbitral qui, siégeant à New York, a rendu la sentence du 30 avril 1990 dans le litige opposant la Nouvelle-Zélande à la France au sujet des deux agents français qui avaient commis l’attentat contre le Rainbow Warrior1, a inséré dans sa décision un élément inattendu et inhabituel. Il s’agit d’une recommandation sur laquelle les derniers développements des considérants fournissent des éclaircissements2, | ||
| - | « […] 9) à la lumière des décisions qui précèdent, | ||
| - | 2On peut se demander si cette recommandation doit être considérée comme exceptionnelle, | ||
| - | 3Assurément, | ||
| - | 4Comme l’indique le texte lui-même (« […] à la lumière des décisions qui précédent […] ») la recommandation doit être comprise dans le contexte du prononcé arbitral complet.4 | ||
| - | 52. L’action entreprise par les deux agents de la DGSE française qui, le 10 juillet 1985, sur ordre, firent couler à l’explosif le Rainbow Warrior dans le port d’Auckland, | ||
| - | 6Ayant reconnu sa responsabilité, | ||
| - | 7Restait le contentieux entre la France et la Nouvelle-Zélande. Entre ces deux Etats, les choses furent bien vite claires quant au principe de la responsabilité de la première pour violation de la souveraineté de la seconde. Dès lors, il apparut à l’évidence que la question la plus délicate, qui allait faire singulièrement monter la tension, était celle du sort réservé aux deux agents français, le Commandant Alain Mafart et le Capitaine Dominique Prieur. Ils avaient été condamnés en Nouvelle-Zélande à dix ans de prison. La France, estimant que la responsabilité de l’Etat absorbe celle de ses agents, ne pouvait accepter qu’ils dussent purger leur peine, alors que, de son côté, le Gouvernement de Wellington s’en tenait fermement au principe voulant qu’une peine judiciaire régulièrement prononcée fût exécutée. | ||
| - | 8On sait que les choses s’envenimèrent au point qu’il fut question de mesures commerciales préjudiciables aux intérêts néo-zélandais pouvant être prises, à l’instigation de la France, par la Communauté économique européenne, | ||
| - | 9En acceptant que le Commandant Mafart et le Capitaine Prieur fussent remis aux autorités françaises, | ||
| - | 103. Ce dispositif comprend neuf paragraphes. Les cinq premiers se prononcent sur les griefs articulés par la Nouvelle-Zélande. L’un de ces griefs est écarté, mais à quatre reprises le tribunal déclare que la France s’est rendue coupable d’une violation substantielle de ses obligations. Il estime cependant, à teneur des deux paragraphes suivants (6 et 7) qu’il ne peut pas faire droit à la requête de l’Etat demandeur tendant à obtenir le retour des deux agents sur l’île de Hao, de sorte qu’en conséquence des violations substantielles qu’il a dénoncées il se borne (paragraphe 8) à déclarer « […] que la condamnation de la République française à raison des violations de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande, | ||
| - | 11On doit bien reconnaître que le dernier paragraphe, consacré à la recommandation, | ||
| - | 12Ce déséquilibre a bien été ressenti par les arbitres, puisqu’ils laissent clairement entendre que, si la Nouvelle-Zélande avait conclu, à titre subsidiaire, | ||
| - | 13Si telle est l’analyse qu’il convient de faire, la question plus générale est posée de savoir si le préjudice immatériel souffert par un Etat, celui que le dispositif de la sentence désigne des termes classiques « dommages légaux et moraux », ne devrait pas faire l’objet, en certains cas, d’une réparation qui irait au-delà de la satisfaction constituée par la déclaration d’illicéité. | ||
| - | 144. A cet égard, il n’est pas sans intérêt de signaler qu’il s’agit peut-être d’une idée qui fait son chemin et mérite d’autant plus d’être examinée attentivement. | ||
| - | 15On peut rappeler, par exemple, que dans cette même affaire du Rainbow Warrior, le règlement du Secrétaire général des Nations Unies ordonnait le versement d’une somme d’argent par la France à la Nouvelle-Zélande, | ||
| - | 16Quant à la doctrine, et sans qu’il soit utile de l’examiner ici en détail, elle se fait également parfois l’écho d’une orientation voulant que l’on dépasse, si les circonstances le justifient, certaines formes traditionnelles de satisfaction.15 | ||
| - | 17Notre présent propos, dans le sillage de la recommandation énoncée par la sentence de New York, est limité à la question de la compensation pécuniaire qui pourrait être due au titre de la réparation d’un préjudice immatériel. Il est inspiré par les deux traits essentiels qui caractérisent le contenu de cette recommandation, | ||
| - | 185. A peine est-il nécessaire de rappeler l’importance que peut revêtir, dans les relations entre deux Etats, le préjudice immatériel, | ||
| - | 19Dans la première phase, celle de l’attentat dans le port d’Auckland, | ||
| - | 20Dans la deuxième phase, consécutive au rapatriement des deux agents français, la Nouvelle-Zélande, | ||
| - | 21Ce préjudice immatériel est distinct du préjudice matériel, en ce sens qu’il intervient indépendamment de celui-ci. Les deux types de préjudice peuvent se présenter simultanément dans un cas d’espèce, | ||
| - | 226. Nous retenons l’expression « préjudice immatériel » dans un sens relativement large, qui englobe les divers types de dommages dont on rencontre généralement la mention : préjudice juridique, dommage moral ou dommage politique.20 | ||
| - | 23On observera que dans son dispositif (paragraphe 8) la sentence de New York retient l’expression « les dommages légaux et moraux », en anglais « the legal and moral damage », lorsqu’elle décide que la condamnation de la République française constitue « […] une satisfaction appropriée pour les dommages légaux et moraux causés à la Nouvelle-Zélande ; […] ». Cependant, le sens de l’expression n’est pas différent de celui que l’on peut reconnaître à la notion de préjudice immatériel. On en trouve d’ailleurs la confirmation dans les considérants de cette même sentence, dont le paragraphe 110 se lit comme suit : | ||
| - | « 110. Le Tribunal doit constater en l’espèce que la violation du régime particulier, | ||
| - | 24L’expression préjudice ou dommage immatériel nous paraît donc mériter d’être retenue comme concept opérationnel, | ||
| - | 257. Une précision importante doit cependant être soulignée sur le terrain des notions. Elle a trait au dommage moral. | ||
| - | 26Comme on l’a déjà fait observer, et très particulièrement le Rapporteur spécial de la Commission du droit international sur la responsabilité des Etats, le Professeur G. Arangio-Ruiz, | ||
| - | 278. Bien distincte, en revanche, est la question du préjudice moral subi par l’Etat lui-même. Il tient aux circonstances dans lesquelles celui-ci a été victime, de la part d’un autre Etat, d’une violation du droit international. Il peut se produire parallèlement au dommage moral de l’agent ou du ressortissant, | ||
| - | 28Cette distinction, | ||
| - | 299. L’appréciation, | ||
| - | 30Sans doute, il y a lieu de prendre en considération des critères objectifs. Ainsi, par exemple, la violation de la souveraineté territoriale d’un Etat ne prend pas le même relief selon qu’elle est le fait d’une patrouille de douaniers ou de gendarmes qui ont franchi une frontière par inadvertance, | ||
| - | 31Cependant, | ||
| - | 32Quant à l’élément subjectif dans le chef de l’Etat responsable, | ||
| - | 33C’est précisément en raison du caractère très particulier du préjudice immatériel, | ||
| - | 3410. La question qui retient maintenant notre attention est celle de savoir si, à teneur du droit international, | ||
| - | 35Nous l’avons déjà vu, le tribunal arbitral qui a rendu la sentence de 1990 a donné à cette question une réponse affirmative : | ||
| - | « 118. Le Tribunal considère ensuite qu’une injonction de paiement de compensation monétaire peut-être faite dans le cas de la violation d’obligations internationales impliquant, comme c’est le cas ici, de sérieux dommages moraux et légaux, et bien qu’il n’y ait pas de dommages matériels. » | ||
| - | 36Seul le fait que la Nouvelle-Zélande n’avait pas conclu à l’attribution d’une compensation monétaire explique que la sentence n’en alloue point. Ce type d’abstention est d’ailleurs fréquent.26 Il faudra y revenir. Peut-être en trouve-t-on une explication partielle dans le fait qu’une des jurisprudences parmi les plus célèbres, mais déjà relativement ancienne, consacre le refus d’allouer une telle compensation. Il s’agit des affaires du Carthage et du Manouba.27 Dans ces deux arbitrages, la France demanda que lui fussent accordées « 1. la somme de un franc pour atteinte portée au pavillon français » et « 2. la somme de cent mille francs pour réparation du préjudice moral et politique […] », mais le tribunal refusa de donner suite à ces demandes en motivant sa décision comme suit : | ||
| - | « Considérant que, pour le cas où une Puissance aurait manqué à remplir ses obligations, | ||
| - | que cette sanction est renforcée, le cas échéant, par le paiement de dommages-intérêts pour les pertes matérielles ; | ||
| - | que, en thèse générale et abstraction faite de situations particulières, | ||
| - | que, également en thèse générale, l’introduction d’une autre sanction pécuniaire paraît être superflue et dépasser le but de la juridiction internationale ; | ||
| - | Considérant que, par application de ce qui vient d’être dit, les circonstances de la cause présente ne sauraient motiver une telle sanction supplémentaire : que, sans autre examen, il n’y a donc pas lieu de donner suite aux demandes susmentionnées ».28 | ||
| - | 37On peut observer que ce prononcé arbitral n’exclut pas fondamentalement l’hypothèse de principe de l’attribution d’une compensation pécuniaire en réparation du préjudice immatériel, | ||
| - | 38Une autre raison des hésitations que l’on observe à l’égard du principe de la compensation pécuniaire du préjudice immatériel peut être trouvée dans le fait que parfois elle est associée à la notion de dommages-intérêts punitifs, ce qui est une erreur.29 | ||
| - | 39A notre avis, il faut reconnaître l’exactitude du dictum de la sentence de New York, qui peut au demeurant trouver certains appuis dans la jurisprudence internationale30, | ||
| - | 40A vrai dire, il nous paraît que ce n’est pas tant la question du pouvoir du juge ou de l’arbitre en cette matière qui mérite la discussion, que les circonstances et les modalités de son exercice. Ce pouvoir existe, dans son principe, sauf indication contraire dans le compromis. Il s’agit dès lors d’identifier la place que prend la compensation pécuniaire dans le régime de la réparation du préjudice immatériel, | ||
| - | 4111. Il est généralement admis que le préjudice immatériel souffert par un Etat trouve dans la satisfaction un mode de réparation approprié.32 Assurément on peut reconnaître à la satisfaction, | ||
| - | 42Dès lors, si l’on reconnaît le principe d’une compensation pécuniaire du préjudice immatériel, | ||
| - | 4312. C’est généralement à propos des diverses formes que peut revêtir la satisfaction que la question de la compensation pécuniaire du préjudice immatériel est évoquée. Ce n’est cependant pas toujours le cas, et l’on peut en rencontrer une analyse distincte de celle de la satisfaction, | ||
| - | 44Il faut tout d’abord se garder d’établir en cette matière une analogie quelconque avec les principes qui gouvernent la réparation du dommage moral souffert par des individus. Nous avons vu déjà qu’en ce qui concerne la substance même du préjudice moral, il y a, quant à la victime, une différence sensible entre l’individu et l’Etat. Il en va de même de la réparation. Pour l’individu, | ||
| - | 45Il en va bien différemment du préjudice immatériel souffert par un Etat. Il est plus diffus, plus fréquent sans doute, car on reconnaît un préjudice juridique, à vrai dire, dans toute violation du droit international. C’est l’intensité du préjudice immatériel qui varie considérablement d’un cas à l’autre, mais en tout état il n’est pas quantifiable, | ||
| - | 46En effet, c’est précisément parce que le préjudice immatériel se présente sous divers visages et avec une intensité très variable que la satisfaction revêt diverses formes, davantage d’ailleurs dans la pratique diplomatique que dans les décisions judiciaires et arbitrales. La satisfaction doit être appropriée, | ||
| - | 47Le versement d’une somme d’argent à l’Etat lésé constitue l’un des éléments figurant dans la panoplie des instruments satisfactoires. | ||
| - | 48Le Rapporteur spécial de la Commission du droit international propose cette conception. Dans son Projet d’articles, | ||
| - | 49Encore faut-il pouvoir penser qu’il est opportun, judicieux, dans certains cas, de recourir à cet instrument. Les hésitations que l’on peut ressentir à cet égard méritent l’attention. | ||
| - | 5013. De telles réticences vis-à-vis de la forme pécuniaire de la satisfaction se manifestent notamment lorsque est évoquée l’idée qu’il s’agirait de dommages-intérêts punitifs. Il est vrai que le recours à cette notion n’est pas convaincant et que l’on peut douter qu’il soit opportun de se référer à cette qualification. | ||
| - | 51On doit observer tout d’abord que l’institution des dommages-intérêts punitifs (punitive damages) vient du droit américain et que c’est cet exemple qui a inspiré quelques décisions internationales et certains travaux de la doctrine.39 Cet élément caractéristique du droit américain répond toutefois à des traits particuliers de ce système40, de sorte que se réclamer d’une analogie de situation qui justifierait son adoption en droit international paraît pour le moins discutable, et d’autant plus critiquable que dans les relations relevant du droit international privé l’application sur ce point du droit américain par le juge étranger se heurte parfois à l’obstacle de l’ordre public41, ce qui montre bien qu’il ne s’agit en aucune manière d’un principe généralement consacré par les droits internes, qui, à ce titre, aurait l’autorité d’un principe général de droit susceptible d’être appliqué par le juge ou l’arbitre international. Même si, en droit international, | ||
| - | 52Il y a davantage encore. On peut trouver de bons arguments pour souligner que le principe même des dommages-intérêts punitifs se concilie mal avec la dignité, l’honneur, | ||
| - | 5314. Cependant, la question la plus importante nous paraît être de bien identifier la signification que revêt, ou que pourrait revêtir, la compensation pécuniaire du préjudice immatériel souffert par un Etat. | ||
| - | 54(i) Il convient tout d’abord de se convaincre qu’elle est susceptible de remplir un rôle utile, qu’elle peut, selon les circonstances, | ||
| - | 55On peut affirmer assurément que dans des circonstances où la violation du droit international est particulièrement grave il paraît souhaitable que le tribunal ne se borne pas à condamner les comportements illicites, mais prescrive en outre une autre mesure de satisfaction, | ||
| - | 56(ii) La fonction d’une telle allocation pécuniaire relève bien de l’ordre de la réparation. Le tribunal arbitral présidé par Eduardo Jiménez de Aréchaga ne s’y est pas trompé, qui a consacré l’expression compensation monétaire (monetary compensation) pour analyser cette question. Il ne s’agit pas d’une punition, qui n’est pas de mise dans les rapports entre Etats. On comprend bien, au demeurant, que la fonction première d’un tel versement en argent est d’apaiser les ressentiments de l’Etat lésé, à titre symbolique à tout le moins, raison pour laquelle il lui appartient de faire figurer ce chef de demande dans ses conclusions s’il entend obtenir cette allocation. | ||
| - | 57Souligner cette fonction réparatrice n’est pas indiquer pour autant qu’il existe une analogie avec la réparation du dommage moral subi par un individu. Comme déjà indiqué, le tort moral enduré par un individu fait l’objet d’une réparation par équivalent. Tant bien que mal, on s’efforce de traduire en chiffres l’importance de ce dommage. Rien de tel avec la compensation monétaire du préjudice immatériel souffert par l’Etat. Ce dommage n’est pas traduisible en chiffres. Le versement susceptible d’être ordonné au titre de la satisfaction due à l’Etat lésé a valeur symbolique. Son montant peut être fixé librement. | ||
| - | 58Peut-être son caractère tout à fait original explique-t-il que les Etats aient le plus souvent renoncé à demander ce type de compensation monétaire. | ||
| - | 5915. La sentence de 1990, dans les considérants qu’elle consacre à la question de la compensation monétaire, donne une analyse intéressante de l’attitude de la Nouvelle-Zélande, | ||
| - | « 119. Toutefois, la Nouvelle-Zélande n’a pas demandé l’attribution de compensation monétaire – pas même subsidiairement au cas où le Tribunal ne ferait pas les déclarations ni n’ordonnerait pas les injonctions relatives au retour des agents. Le Tribunal comprend cette position qui résulte de l’appréciation faite par un Etat de sa dignité et de ses droits souverains. […] » | ||
| - | 60On ne peut déterminer avec certitude ce que le Tribunal a voulu dire. Quoi qu’il en soit, il est utile de s’interroger sur le motif des hésitations d’un Etat à conclure à l’attribution d’une compensation monétaire. De la part d’un Etat qui se plaint d’une grossière violation de ses droits, qui ressent une forte atteinte à sa dignité, n’est-ce pas finalement un peu petit, à la rigueur même mesquin, de solliciter l’octroi d’une somme d’argent, qui de toute manière ne saurait avoir aucune commune mesure avec le préjudice immatériel souffert ? N’y a-t-il pas une sensible inadéquation entre, d’une part, un grave préjudice se situant sur le plan de l’honneur, | ||
| - | 6116. Dès lors, ne peut-on trouver une orientation judicieuse et élégante dans la suggestion faite par la recommandation formulée par la sentence du 30 avril 1990 ? Elle propose bien le versement d’une somme d’argent, mais elle lui assigne une affectation spécifique, | ||
| - | 62Dans l’affaire du Rainbow Warrior, cette réparation constructive recommandée, | ||
| - | 63On peut également penser à d’autres affectations. Par exemple, l’Etat victime d’un préjudice immatériel pourrait recevoir mission d’affecter la compensation monétaire qui lui serait allouée à un but humanitaire : il pourrait faire un don au Comité international de la Croix-Rouge, | ||
| - | 64En définitive, | ||
| - | 6517. La réparation constructive a été abordée ici dans l’optique d’une décision judiciaire ou arbitrale, dès lors que la sentence rendue dans l’affaire du Rainbow Warrior en fournit une illustration digne d’être saluée. Il est bien entendu cependant que cette forme de satisfaction mérite tout autant d’être prise en considération par les Chancelleries lorsqu’elles s’efforcent de régler à l’amiable un différend entre des Etats. L’expression de regrets, d’excuses, | ||
| - | 6618. Les conclusions auxquelles les quelques réflexions qui précèdent nous conduisent peuvent être exprimées dans les propositions suivantes : | ||
| - | 67(i) Le préjudice immatériel souffert par un Etat – préjudice juridique, moral ou politique – peut être, selon les circonstances, | ||
| - | 68(ii) La conséquence usuelle du préjudice immatériel est la satisfaction, | ||
| - | 69(iii) Dans le cas où le préjudice immatériel est particulièrement grave, la satisfaction, | ||
| - | 70(iv) Ce versement peut, selon l’appréciation du tribunal, prendre la forme d’une réparation constructive, | ||
| - | 7119. A supposer que cette orientation soit adoptée, on pourrait rencontrer des jugements ou sentences dont le dispositif comporterait un paragraphe rédigé, en substance, de cette manière : | ||
| - | « Le Tribunal […] | ||
| - | Déclare que la condamnation de {X} à raison des violations de ses obligations envers {Y}, rendue publique par la décision du Tribunal, ainsi que le versement par {X} à {Y} d’une somme de […], constituent une satisfaction appropriée. Ledit montant doit être affecté à des {buts humanitaires}, | ||
| - | 72Eminent internationaliste, | ||
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| - | ====== Après l’accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande | Michèle Boudoin : « Va-t-on nous faire payer l’affaire du Rainbow Warrior jusqu’à la fin des temps ? " | Agriculture Massif central ====== | ||
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| - | L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande signé, jeudi 30 juin, par la Commission européenne risque de fragiliser la production ovine tricolore, selon la présidente de la Fédération nationale ovine. | ||
| - | Après douze cycles de négociation depuis leur lancement en juin 2018, la Commission européenne et la Nouvelle Zélande ont conclu jeudi 30 juin, un accord permettant des accès au marché facilités pour les produits agricoles et la mise en œuvre de quotas pour les produits sensibles y compris pour les ovins. Avec quelles conséquences ? | ||
| - | Michèle Boudoin : La filière ovine, nous savons depuis longtemps ce que sait que d’être mondialisée. Nous en avons fait les frais depuis notamment cette maudite affaire du bateau Rainbow Warrior¹ qui date de 1985. L’agneau néozélandais est devenu depuis une monnaie d’échange. L’accord que vient de signer l’Union européenne avec la Nouvelle-Zélande en est encore une fois la preuve. | ||
| - | Que prévoit cet accord ? | ||
| - | M.B. : Concrètement, | ||
| - | N’y-a-t-il pas une forme de dichotomie européenne à vouloir défendre la transparence de la chaîne alimentaire et en même temps signer des accords qui contribue à la fragiliser ? | ||
| - | M.B. : Il y a en effet un paradoxe intenable, et finir la présidence française de l’Union avec un tel accord est vraiment dommageable. Les néo-zélandais produisent des agneaux à contre-saison par rapport à nous. Ils abattent en décembre, et conditionnent sous azote liquide, cela permet de garder le produit pendant plusieurs mois. Or le consommateur ignore souvent cette information. Ce produit va faire 20 000 kilomètres où est la logique environnementale. | ||
| - | Quid de la réciprocité des normes, de l’ambition plus verte de l’Europe avec le Green Deal quand on sait que la Nouvelle Zélande utilise des produits tels que l' | ||
| - | M.B. : Encore une fois on trompe le consommateur. Il y a effectivement des substances comme l’atrazine ou le Diflubenzuron. Ce dernier produit est classé potentiellement cancérogène et a été interdit par l’Union européenne dès 2021. Or, il est toujours utilisé en routine par les éleveurs néozélandais et ne fait l’objet d’aucune restriction aux importations européennes depuis ce pays. Nous avons manifestement un mauvais commissaire européen à l’agriculture. Que la commission européenne se félicite de cet accord est honteux et donne un très mauvais signal aux autres pays comme l’Australie par exemple qui pourrait s’en servir pour négocier avec l’Europe un nouvel accord moins-disant. | ||
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| - | Repères | ||
| - | Le secteur agricole représente environ 80 % des exportations de la Nouvelle-Zélande pour un volume d’environ 28 milliards d’euros (Md€) par an de produits laitiers, de viande, de fruits et de vins (Total : 36 Md€ environ). Le principal client de ce pays est la Chine, devant l’Australie et l’Union européenne. La Nouvelle-Zélande est aussi le 9e plus grand producteur de lait au monde. Selon la Banque mondiale, l’agriculture représentait 7 % du PIB et 6 % de la main-d' | ||
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