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"Pas de leçons à recevoir de pimpins qui n'y connaissent rien" : qui est Laurent Duplomb, sénateur en "croisade" ? [ElseNews]

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"Pas de leçons à recevoir de pimpins qui n'y connaissent rien" : qui est Laurent Duplomb, sénateur en "croisade" ?

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La très controversée loi Duplomb sur la « levée des contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » est examinée ce lundi par une commission mixte paritaire. À l’approche de la dernière ligne droite décisive pour le texte qu’il porte, parfois jusqu’à l’outrance, nous sommes allés à la rencontre de Laurent Duplomb. Le sénateur LR, éleveur laitier en Haute-Loire, nous a reçus dans son exploitation. Droit dans ses bottes.
Par Stéphane Barnoin

Publié le 30 juin 2025 à 08h00
• Mis à jour le 01 juillet 2025 à 16h5867 commentaires

Sénateur LR depuis 2017 et éleveur laitier en Haute-Loire, Laurent Duplomb est vent debout contre les normes et les “entraves” qui pèsent sur les agriculteurs français. © Richard BRUNEL
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Passer deux heures avec Laurent Duplomb, c’est d’abord prendre une rafale de punchlines. Les hostilités démarrent d’emblée, sans sommation, dès le saut du tracteur où le sénateur était perché à notre arrivée dans sa cour. Le tour de l’imposante exploitation – 350 bovins, 200 hectares de cultures et de pâtures, unités de méthanisation et d’engraissement, salle de traite robotisée, retenue collinaire pour l’irrigation – a tout juste débuté que claque un tranchant « vous voyez, l’agriculture, c’est plus Martine à la ferme ! ».

Quelques secondes plus tard, rebelote. « La politique, c’est pas un concours de beauté », lâche notre hôte, l’œil pétillant derrière ses lunettes. La formule renvoie évidemment aux débats enfiévrés autour de “sa” loi – « chercher à plaire à tout le monde, être dans le compromis qui ne sert à rien, ça ne m’intéresse pas ». Elle trouve ce matin-là un prolongement très concret : l’élu reçoit sans chichi, en tee-shirt gris fatigué, jeans et sabots en plastique crottés.

Simplicité sincère ou com’ savamment calibrée ? « Laurent Duplomb se la joue paysan, pieds dans le fumier, mais il est en réalité le porte-parole de l’agrobusiness et de ses propres intérêts, très loin de l’image qu’il se donne », étrille Guillaume Gontard, chef de file des écologistes au Sénat.

Louis Lanthéaume, l’un des opposants historiques de l’élu LR dans son fief altiligérien de Saint-Paulien, est (beaucoup) plus nuancé : « C’est un vrai agriculteur, que l’on voit tous les jours au boulot. Je ne partage pas du tout sa vision, mais il se montre tel qu’il est. Il vit son métier, sans surjouer. »

Fils d’ouvrier, enfance dans la Loire
L’intéressé abonde, racontant avec un plaisir non dissimulé sa « passion » viscérale pour un univers et un territoire auxquels il n’était pas prédestiné. Lui, le fils d’ouvrier, « père sidérurgiste et mère au foyer », a passé les quinze premières années de sa vie « en HLM, à Rive-de-Gier », dans la Loire. Le week-end et les vacances, la famille Duplomb file dans sa maison secondaire, dans la campagne de la Haute-Loire toute proche. Là, le petit Laurent s’amuse à « aider les paysans du coin, alors que personne de (son) entourage n’était là-dedans ».

La graine est plantée. Lycée agricole à Roanne, BTS à Brioude. C’est là, en 1993, que le futur sénateur rencontre sa femme. Deux ans plus tard, direction Saint-Paulien, coquette bourgade de 2.400 habitants près du Puy-en-Velay, et le Gaec de ses beaux-parents. « J’ai épousé la fille de l’exploitation, de la commune et du département », sourit-il. En voisin et connaisseur – il était lui-même apiculteur –, Louis Lanthéaume reconnaît le chemin parcouru : « Il a fallu qu’il apprenne, qu’il rentre dans le métier, qu’il fasse sa place ici. Ce n’était pas gagné. »

L’engagement militant suivra rapidement, mû par une irrépressible « envie de peser, de dire ce que j’avais à dire. » Le néo-paysan devient en 2000 président des Jeunes agriculteurs de Haute-Loire. En 2006, à quelques mois de la fin de son mandat, les JA 43 version Duplomb organisent la finale nationale du concours de labour. Un tournant, selon lui.

« On a fait plus de 100.000 entrées en trois jours, soit la moitié de la population de la Haute-Loire. Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur, NDLR) était même venu. Vous imaginez un peu le truc ? Ça a été un carton énorme, une fête mémorable. C’est à ce moment-là que mes collègues ont commencé à me dire : “Tu devrais te présenter aux législatives”. »

Des mandats en pagaille
Laurent Duplomb se laisse facilement convaincre. Sa tentative d’entrer à l’Assemblée s’arrête au premier tour en 2007, malgré « une campagne à l’américaine qui avait hyper bien marché ». La suite illustre le versant boulimique, ambitieux et hyperactif du personnage : premier adjoint de Saint-Paulien, maire de 2010 à 2017, année où il décroche son siège de sénateur, avant d’être réélu haut la main en 2023. Parallèlement, il prend la tête de la chambre d’agriculture de Haute-Loire sous la bannière FNSEA (2013-2017) et devient président pour la région Massif Central du géant laitier Sodiaal.

L’ex-inconnu, qui a reçu l’indispensable onction de Laurent Wauquiez sur ses terres altiligériennes (*), a su se rendre incontournable. Sans pour autant délaisser sa ferme, où il continue d’œuvrer dès l’aube lorsqu’il n’est pas à Paris. « J’avais promis à mes proches que ma carrière politique ne freinerait pas le développement de l’exploitation. Je m’y suis tenu. »

Entre la cour, les bâtiments de stockage et la stabulation « tout confort » dans laquelle ses montbéliardes profitent d’une fraîcheur appréciable, l’agriculteur empile les chiffres avec une précision invariable et une fierté palpable. Trente ans après son arrivée, le Gaec familial « est passé de 312.000 litres de lait produit à 1,2 million. Aujourd’hui, on bosse à quatre, avec ma femme, mon fils et mon neveu. On n’est pas milliardaires, mais on s’en sort. »

Laurent Duplomb et son fils, Julien, qui a repris le flambeau de son père à la tête des JA 43.
La structure continue d’évoluer, de grossir. Au passage devant une vaste chape de béton encore nue, un arrêt s’impose. « Toute la maçonnerie, c’est nous qui l’avons faite. On a dû couler 150 m3 de béton. » L’emprise accueillera bientôt un nouvel espace de stockage. « Il n’arrête pas, c’est impressionnant ! », loue Marie-Pierre Vincent, l’édile de Saint-Paulien, qui forme depuis cinq ans un ticket solide avec celui qu’elle surnomme « l’assistance sociale du département. Tout le monde l’appelle. Avec lui, c’est un problème, une solution. »

« Règles liberticides » et « apartheid »
Ces trente années de labeur et de labour ont forgé le socle idéologico-agricole de Laurent Duplomb. À commencer par son aversion pour les normes, au cœur de sa proposition de loi. « Quand on se donne à 100 %, qu’on y croit, qu’on fait du mieux possible, on ne peut pas supporter que l’on vous mette des boulets pour vous entraver », assène-t-il, la voix soudain plus forte, ulcéré par « les politiques environnementalistes » qui conduisent selon lui à « des règles liberticides, ruralicides et antisociales ». Illustration : « Les ZFE, c’est l’apartheid ! Idem pour le zéro artificialisation nette (ZAN). »

Au détour d’une question, on évoque le « combat » que mène notre interlocuteur. Rectificatif immédiat. « Ce n’est pas un combat, c’est une croisade face à une écologie punitive qui devient par nature autre chose qu’un simple projet politique. »

Parmi les multiples dispositions contenues dans le texte soumis ce lundi aux sept députés et sept sénateurs de la commission mixte paritaire, l’une d’elles cristallise le débat et déchaîne les passions : la possible réintroduction de l’acétamipride, un insecticide interdit en France depuis 2018, et qui a fait l’objet d’autorisations dérogatoires jusqu’en 2020. « C’est un totem qu’il faut faire tomber », assume Laurent Duplomb.

Pour lui, comme pour les deux syndicats agricoles dominants (FNSEA et Coordination rurale), ce néonicotinoïde est « indispensable à la survie en France de filières comme la betterave sucrière ou la noisette », exposées à des attaques ravageuses de pucerons. « Vingt-six des vingt-sept pays de l’UE l’autorisent, mais pas nous ! C’est à la fois dingue et aberrant. Je ne demande pas plus que les autres, juste que l’on soit au même niveau. »

Dans la bouche de l’élu, le cas de l’acétamipride est la preuve « criante » de la « naïveté coupable » des autorités françaises. « On se donne bonne conscience en lavant plus blanc que blanc, et pendant ce temps, on importe – et on consomme – en France des milliers de tonnes de sucre ukrainien produit avec tous les néonicotinoïdes interdits chez nous. On est devenus plus cons que les autres. On ne peut pas continuer à être des tigres avec nos propres agriculteurs et des agneaux avec les agriculteurs étrangers. »

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« Principe de régression »
Quid, alors, des soupçons – voire plus – qui pèsent sur l’impact du fameux insecticide pour la santé humaine et la biodiversité ? Dans son dernier avis, rendu en mai 2024, l’autorité européenne de sécurité des aliments reconnaissait des « incertitudes majeures dans l’éventail des preuves de toxicité neurodéveloppementale » de l’acétamipride. Sans remettre en cause son autorisation dans l’UE jusqu’en 2033, l’Efsa préconisait alors de diviser par cinq les doses acceptables dans les fruits et légumes. Plusieurs études mondiales semblent également indiquer un effet direct et massif sur les pollinisateurs.

Ces éléments – et bien d’autres – ont été repris en France par 1.200 chercheurs et médecins, dans une lettre ouverte envoyée le mois dernier à plusieurs ministres afin de dénoncer les « dangers » de la loi Duplomb, qui transformerait la population en « cobaye ».

Pas de quoi ébranler l’élu de Haute-Loire, qui ressort fissa la machine à clash. Les cris scandalisés des défenseurs de l’environnement ? « Je n’ai pas de leçons à recevoir de pimpins qui n’y connaissent rien et pensent que l’on peut vivre sur 1.000 m2 en permaculture. »

Les alertes de la communauté scientifique ? « Comme souvent, on crée le sensationnel, la minorité agissante terrorise la majorité silencieuse. » Le principe de précaution, brandi par le camp des « anti » ? « Quand il ne sert qu’à créer de la peur, c’est un principe de régression. En réalité, l’acétamipride est 3.000 fois moins toxique pour les abeilles que les quatre autres familles de néonicotinoïdes. Le calcul bénéfices-risques plaide pour sa réintroduction. »

À ses (nombreux) détracteurs, Laurent Duplomb affirme opposer « des arguments clairs et factuels ». Ce n’est pas du tout l’avis de l’écologiste Guillaume Gontard : « En niant la science, il porte un obscurantisme très inquiétant. Il y a du Trump chez lui, les cheveux en moins. »

L’intéressé encaisse sans broncher, convaincu d’être dans le vrai. « Ça ne me gêne pas de prendre des coups, de me faire pourrir la gueule. C’est un passage obligé pour aller au bout. » Même les « milliers de mails d’insultes et de menaces » reçus ces derniers mois ne l’atteignent pas, assure-t-il. « Je ne les lis pas. » Comme il a choisi d’ignorer un courrier envoyé dernièrement chez lui. La missive, ouverte par sa femme, lui promettait de « finir dans une caisse en bois ». Dernière punchline, avant de se quitter : « En politique, c’est comme au rugby. Si tu veux marquer à 30, il faut taper à 100. » Voire à 110.

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