====== Les Échos: En Allemagne, le grand choc des arrêts de travail ====== https://www.lesechos.fr/monde/europe/en-allemagne-le-grand-choc-des-arrets-de-travail-2142822
Europe
En Allemagne, le grand choc des arrêts de travail
Depuis 2022, l'absentéisme pour raison de santé ne cesse de prendre de l'ampleur outre-Rhin. Les patrons de Mercedes et d'Allianz ont décidé de monter au créneau.
Allianz
Emploi & Salaires
En 2023, les Allemands ont en moyenne été absents pour maladie pendant 15,1 jours, selon l'Office fédéral des statistiques.
En 2023, les Allemands ont en moyenne été absents pour maladie pendant 15,1 jours, selon l'Office fédéral des statistiques. (iStock)
Par Emmanuel Grasland
Publié le 16 janv. 2025 à 07:05
L'absentéisme pour raisons de santé gagne du terrain en Allemagne. Sur les onze premiers mois de l'année, la première caisse d'assurance-maladie du pays, la Techniker Krankenkasse, a enregistré un nombre de jours d'arrêts maladie record, avec 17,7 jours d'absence en moyenne par assuré. On était à 17,4 en 2023 et 13,2 jours en 2021. Une évolution qui interroge les entreprises.
D'après le patron d'Allianz, les salariés allemands seraient même malades en moyenne 20 jours par an, alors que le chiffre est de 8 jours dans l'ensemble de l'Union européenne. « L'Allemagne est désormais championne du monde des arrêts maladie », a expliqué Oliver Bäte, dans une interview au journal « Handelsblatt » la semaine dernière. En France, les salariés du privé ont été absents en moyenne 10,3 jours par an en 2023 et les fonctionnaires 12 jours par an.
Réintroduire un jour de carence
Outre-Rhin, le phénomène a pris de l'ampleur depuis trois ans. Selon l'Office fédéral des statistiques, les Allemands ont été absents pour maladie durant 15,1 jours en 2023 et 14,8 jours en 2022, contre respectivement 11,2 jours en 2021 et 2020. Dans le secteur de la santé, les chiffres sont encore plus élevés, avec 22,4 jours en moyenne l'an dernier. Dans la banque et les assurances, le taux a même grimpé de près de 50 % en vingt ans, selon la caisse d'assurance-maladie AOK.
Lire aussi :
En Allemagne, Mercedes s'emporte contre l'envolée des arrêts maladie
A l'échelle du pays, l'impact est conséquent. Selon l'Institut fédéral pour la sécurité et la santé au travail, les pertes de production, tous secteurs confondus, se sont élevées à 128 milliards d'euros pour la seule année 2023. Jugeant que cette évolution mettait aussi en danger le système social, le patron d'Allianz propose de réintroduire un jour de carence. Une mesure supprimée en Allemagne dans les années 1970.
Soutenue par quelques économistes, l'idée a suscité un tir de barrage de la Confédération des syndicats allemands, qui la considère comme « profondément injuste ». « L'économie allemande ne va pas se rétablir avec des travailleurs malades, mais avec de meilleures conditions de travail », a déclaré le premier syndicat allemand IG Metall. Elle a aussi été rejetée par le Parti social-démocrate (SPD), tandis que la droite se déclarait ouverte à une « nouvelle idée », qui n'est pas présente dans son programme.
« Une culture de la peur »
Fin décembre, le patron de Mercedes, Ola Källenius, avait déjà appelé les politiques à agir, après avoir constaté une envolée des arrêts maladie dans ses usines allemandes. Sur le site Tesla de Grünheide, près de Berlin, le directeur en est venu à faire des visites surprises chez des salariés malades. Des méthodes qui ont fait polémique et ont amené le syndicat IG Metall à dénoncer une « culture de la peur ».
Lire aussi :
Arrêts de travail en France : pourquoi la facture flambe
Pour les organisations patronales, l'absentéisme a explosé depuis l'introduction des « arrêts maladie par téléphone » au printemps 2020. A l'époque, cette réforme entendait soulager les cabinets médicaux et réduire les risques de transmission d'infections en limitant les contacts avec les malades.Le secteur de la santé ne partage pas cette analyse et souligne que l'absentéisme n'a pas bondi entre 2020 et 2021, alors que la réforme était en place.
Pour les médecins et les caisses d'assurance-maladie, c'est plutôt la numérisation des déclarations qui a déclenché le phénomène. Elle a en effet permis d'enregistrer des déclarations papiers, qui n'étaient pas envoyées par les salariés aux caisses, mais seulement aux employeurs. Selon une enquête de la Chambre syndicale des médecins présentée début janvier, la numérisation expliquerait 60 % de la hausse des arrêts, le reste provenant de vagues de rhumes et d'infection Covid.
Emmanuel Grasland (Bureau de Berlin)
Thématiques associées
you see this when javscript or css is not working correct