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14 novembre 2024
REPORTAGE. Installée en périphérie de Marseille, l’usine Fralib, qui produit thés et infusions pour Lipton et Éléphant, est reprise en 2014 par ses salariés en Scop, après une lutte contre la délocalisation voulue par son propriétaire, l'américain Unilever. Dix ans après, les machines tournent et l’atelier est soutenu par une mobilisation de bénévoles engagés pour défendre un modèle d’entreprise.
« Aucun boulon ne sortira de cette usine », lançait, en mai 2012, Olivier Leberquier, technicien de maintenance chez Frablib et délégué syndical. À cette époque, l'heure est à la mobilisation alors que l'américain Unilever a annoncé, deux ans plus tôt, la délocalisation de l'usine en Pologne. Dans l'usine, beaucoup de salariés, venus d'autres régions et marqués par des plans sociaux passés, refusent d'en revivre un. Faute de repreneur, ils choisissent en 2014 de reprendre l'entreprise en la transformant en Scop, baptisée Scop-Ti.
« Lorsque j'ai prononcé cette phrase, c'était sur le coup de la colère », reconnaît aujourd'hui Olivier Leberquier. « Je n'avais pas imaginé tout ce qui se passerait ensuite ». Il n'avait pas imaginé que dix ans plus tard, tous les boulons seraient toujours bien en place. Et que 58 coopérateurs dont 32 salariés continueraient de faire tourner l'usine, entourés d'une « armée de bénévoles », comme l'explique Nasserdine Aissaoui, ancien de Fralib désormais responsable du site de vente en ligne.
Faire grandir la marque maison
Sur les chaînes de production, plus de thés Lipton ni d'infusions Éléphant. « 85% de notre activité consiste en de la fabrication pour les marques distributeurs de la grande distribution, soit 58% de notre chiffre d'affaires. Le reste provient de notre marque propre, 1336 », référence au nombre de jours de lutte qu'il a fallu jusqu'à la reprise en Scop.
Un double débouché qui permet à la coopérative d'atteindre l'équilibre en 2020, avant de vivre les années difficiles du Covid-19 et de l'inflation. Elle doit aussi éponger la dette laissée par Unilever. « Notre but était d'abord de préserver l'emploi. Nous étions 72 salariés alors que nous n'avions, initialement besoin que d'une dizaine pour faire tourner l'usine ».
2024 : le rebond
L'année des dix ans est aussi celle du rebond, avec un chiffre d'affaires en croissance de 30% à 35% sur un an et un amoindrissement des charges : « Un collectif de mutuelles s'est formé pour racheter notre terrain et nous le louer à un prix très raisonnable ».
Sur le plan commercial, les ventes de marques distributeurs se portent bien, avec des enseignes leur accordant de plus en plus d'espace, souvent au détriment de marques indépendantes comme 1336. « C'est un enjeu majeur, car la marque génère nos meilleures marges. Nous misons fortement sur la vente en ligne, où nous enregistrons une progression encourageante. ».
Soutenir l'agriculture locale
Autre objectif des coopérateurs : relancer une filière plantes aromatiques et médicinales sur le territoire, filière qu'Unilever avait délaissée lors du rachat de l'usine, au profit d'arômes chimiques. « Dès 2015, nous avions noué un partenariat avec le syndicat de producteurs de tilleul de Baronnies dans la Drôme », explique Olivier Leberquier. Une démarche qui s'est poursuivie depuis, s'élargissant à d'autres plantes comme le thym de Provence (IGP).
En interne, la Scop a bouleversé l'organisation. « On travaille pour nous-mêmes. On s'organise comme on veut et on s'entraide », raconte Laurence Nicolas, ancienne Fralib. Et Nasserdine Assaoui de compléter : « Pendant 25 ans, j'ai œuvré dans la production, souvent dans l'incertitude quant à la destination finale de nos produits. Aujourd'hui, grâce au e-commerce, nous avons une vision bien plus précise de nos clients et de leurs besoins, ce qui est extrêmement motivant ». Avec aussi de la fierté de travailler pour une entreprise soutenue par des bénévoles et des donateurs : « cela fait chaud au cœur ».
Maëva Gardet-Pizzo 14 Nov 2024, 12:29
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