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26/12/2025/H11:05:14
« C’est rédhibitoire », « Aucun problème »… Amour et opinions politiques font-ils bon ménage ?
C’est LE sujet au cœur de toutes les conversations du moment. Après la vague Rassemblement national (RN) aux élections européennes, la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron et le très haut score du RN au premier tour des élections législatives anticipées, électrices et électeurs sont appelés aux urnes ce dimanche pour le deuxième tour du scrutin.
Mais quand on est célibataire et branché politique, savoir qui l’emportera entre le RN, le Nouveau Front Populaire (NFP), Renaissance ou encore l’abstention, est-ce une préoccupation, voire un critère de sélection pour évaluer l’opportunité de conclure un rendez-vous amoureux ? Peut-on tomber amoureux d’une personne qui a des opinions politiques à l’opposé des nôtres, ou même passer une nuit avec ? Et si l’on est en couple avec quelqu’un qui ne partage pas les mêmes idées, amour et politique peuvent-ils faire bon ménage ?
« C’est incompatible avec une relation sereine »
Ne pas être 100 % raccord avec un crush ou sa moitié quand il s’agit de politique, Julie, 41 ans, peut l’envisager, mais « pas avec tout le monde. Autant il est possible de dialoguer avec des macronistes, des gens de gauche ou de droite, autant il est compliqué de dialoguer avec les électeurs du RN sans entrer tout de suite dans l’agression, estime-t-elle. La moindre contradiction leur fait péter un plomb, nous traiter de féministes, islamogauchistes et autres noms d’oiseaux. C’est incompatible avec une relation sereine, car on sait d’office qu’ils seront dans une volonté de soumettre l’autre ».
Un avis partagé par Farah, 31 ans : « Je suis d’origine maghrébine. Dans ma famille, on parle français et arabe, on a la double nationalité, la double culture, on travaille, on paie nos impôts et on vote à tous les scrutins. Je n’ai aucun problème avec mon identité. Que l’on ne soit pas d’accord sur tout avec tout le monde, c’est naturel. Mais bâtir une relation amoureuse ou même partager quelque chose d’éphémère avec quelqu’un qui a des convictions politiques totalement opposées aux miennes et qui ne partage pas mes valeurs m’est impossible. Un homme me ferait sentir que mes proches représentent une menace ou vivent certainement des allocations familiales parce qu’on est arabes, c’est totalement rédhibitoire ! Comment envisager quoi que ce soit avec quelqu’un qui attaquerait ce que je suis dans mon identité et mes valeurs profondes ? »
Dans la « très grande majorité des cas, c’est impossible, répond Catherine Grangeard, psychologue et psychanalyste, qui voit la politique s’inviter dans ses consultations ces dernières semaines. C’est un critère très important actuellement, qui crée des tensions ou empêche des relations. J’ai une patiente qui me disait cette semaine qu’elle ne pouvait pas envisager quelque chose avec quelqu’un dont elle “vomit les idées”. Forcément, dit comme ça, on imagine combien ce ne serait pas propice à un moment charnel ou la construction d’un couple. Si avoir des opinions opposées est rédhibitoire, c’est parce que cela va chercher loin en nous, dans nos valeurs. On a besoin d’avoir un minimum de points communs pour vivre ensemble : quand on se choisit, ce qui n’est pas le cas avec les collègues ou la famille, c’est bien parce qu’on a du plaisir à partager les mêmes choses. Le vivre ensemble exige des points communs, qui fondent le foyer et lui apporte de la sérénité. Si on est dans des valeurs opposées, ce n’est pas possible ».
« La politique renvoie à l’intime et confronte nos valeurs »
Pour Robert Zuili, psychologue clinicien spécialiste des émotions et des relations, le mot « valeurs » est bien la clé. « Pour Farah, être avec quelqu’un à l’opposé d’elle reviendrait à une négation d’elle-même, ce qu’elle est dans son identité et son intimité, et c’est insupportable. Quand on diagnostique la qualité relationnelle entre deux personnes, la dimension de la compatibilité profonde repose sur nos valeurs, et comment nos émotions nourrissent nos valeurs. Or, l’émotion nous renvoie à l’intime, et la politique nous renvoie à l’intime parce que cela nous confronte à nos valeurs, à notre idéologie ».
Pour le praticien, que ce soit « sur le plan émotionnel et politique, il y a le même clivage : quand on parle d’émotions, à droite, il y a tous les mécanismes liés à la peur, qui se traduisent notamment par le fait d’éviter certaines choses ou d’être dans l’autodéfense. Et en politique, sur le plan idéologique, les ressorts émotionnels de la peur sont utilisés généralement par la droite et particulièrement par l’extrême droite, qui utilise des ressorts émotionnels liés à la peur, où l’étranger représente une menace qui peut remettre en question l’identité nationale ».
De l’autre côté de l’échiquier émotionnel comme politique, « à gauche et même à l’extrême gauche, on est dans une logique de contestation, de révolution, c’est l’axe de la colère, où les ressorts émotionnels sont différents : la quête de justice, la lutte contre les disparités, la revendication de l’égalité pour tous, détaille-t-il. On est dans d’autres valeurs ». Forcément, « si dans une relation affective ou amoureuse, on est sur ces échiquiers émotionnels et politiques à des positions opposées, cela nous rend potentiellement incompatibles en termes de valeurs. Etre attiré par une personne dont les idées politiques sont à l’opposé des miennes, c’est remettre en question ce que je suis et ce que je pense, parce que nos émotions façonnent notre rapport au monde ».
« Cela ne crée aucune tension entre nous »
Michaël, 28 ans, en couple depuis six mois, n’y voit pas d’obstacles, lui. « Je suis ingénieur entrepreneur, mes revenus me font appartenir à la tranche des 5 % des Français les plus riches. Moi, j’ai peur du programme économique et écologique du NFP et je me sens proche des idées de la majorité présidentielle. Ma copine, elle, est étudiante en gestion de projet européen, entourée de militants de La France Insoumise (LFI). Elle est peu intéressée par la politique mais se revendique de gauche, pour les valeurs d’entraide et de partage, décrit-il. On n’est pas d’accord sur plein de choses, mais nos divergences politiques ne sont pas des signes d’incompatibilité, parce qu’on est capables de prendre du recul et de ne pas virer au fanatisme, et l’échange est toujours calme réfléchi, et argumenté. Nous ne cherchons pas à avoir raison donc cela ne crée aucune tension entre nous ».
La raison de ces discussions apaisées ? « Dans certains couples déjà constitués, le débat est possible quand on ne cherche pas convaincre l’autre, explique Catherine Grangeard. Nous n’avons pas exactement les mêmes opinions politiques, mais ces petites différences ne font pas de nous des adversaires, et ne troublent pas la sérénité du foyer, parce qu’on est malgré cela sur un même consensus pour les sujets fondamentaux ». En outre, « plus on se rapproche du centre de l’échiquier, moins on est gouverné par ces ressorts émotionnels puissants, estime Robert Zuili. On est à des niveaux d’acceptation et de tolérance plus grands, parce que c’est moins confrontant, cela ne nous remet pas en cause personnellement, et c’est fondamental ».
C’est ce que constate Régine, 65 ans, dont la sœur et son compagnon « sont totalement opposés : elle est communiste et lui, Les Républicains (LR) avec un poste en politique locale assez important. Pourtant, il n’y a aucun problème, chacun est respectueux des convictions de l’autre, et quand je leur demande de quoi ils parlent en période d’élections, ils répondent : “de cul” ! ça détend l’atmosphère ».
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