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-====== Le Monde.fr: Gabriel Zucman, économiste : « L’idée d’une sclérose européenne face à un supposé eldorado américain ne repose pas sur grand-chose » ====== 
- https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/12/17/gabriel-zucman-economiste-l-idee-d-une-sclerose-europeenne-face-a-un-suppose-eldorado-americain-ne-repose-pas-sur-grand-chose_6658284_3232.html 
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-https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/12/17/gabriel-zucman-economiste-l-idee-d-une-sclerose-europeenne-face-a-un-suppose-eldorado-americain-ne-repose-pas-sur-grand-chose_6658284_3232.html 
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-Gabriel Zucman, économiste : « L’idée d’une sclérose européenne face à un supposé eldorado américain ne repose pas sur grand-chose » 
-TRIBUNE 
-Gabriel Zucman 
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-Economiste 
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-Davantage de loisirs, de meilleures performances de santé, plus d’égalité et moins d’émissions de carbone, le tout avec une productivité globalement comparable : les Européens peuvent être fiers de leur modèle, soutient le directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité dans une tribune au « Monde ». 
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-Publié hier à 05h00, modifié à 06h50   Temps deLecture 3 min.  
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-C’est l’idée à la mode, à Bruxelles comme à Washington : l’Amérique s’envole ; l’Europe décroche. Ce leitmotiv est repris jusque dans la désormais célèbre stratégie de sécurité nationale de la Maison Blanche. « L’Europe continentale a vu sa part dans le PIB [produit intérieur brut] mondial baisser – passant de 25 % en 1990 à 14 % aujourd’hui – en partie à cause de réglementations nationales et transnationales qui sapent la créativité et l’esprit d’entreprise. » 
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-Les partis conservateurs européens relaient cette antienne pour exiger dérégulations et baisses de prélèvements obligatoires : fin du Green Deal, remise en cause du devoir de vigilance pour les multinationales, abandon de l’impôt minimum sur ces dernières. L’ambassadeur américain auprès de l’Union européenne a entonné à son tour ce refrain début décembre, prétendant que les Etats américains les plus pauvres, comme le Mississippi ou la Virginie-Occidentale, jouiraient désormais d’un niveau de vie supérieur à celui de l’Allemagne. 
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-Tout cela, cependant, se fonde sur pas grand-chose. L’idée d’une sclérose européenne face à un supposé eldorado américain, soubassement de l’offensive dérégulatrice qui triomphe ces jours-ci à Bruxelles, repose sur trois mythes. 
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-Le premier : celui d’une croissance américaine qui s’envolerait. De prime abord, les statistiques semblent donner crédit à cette hypothèse : le PIB des Etats-Unis – c’est-à-dire la valeur de la production réalisée sur le sol américain – semble augmenter plus vite que celui de l’Union européenne depuis quinze ans. En réalité, c’est d’abord parce que la population croît plus rapidement en Amérique. Mais, surtout, cette croissance est annihilée par l’explosion du coût de la vie outre-Atlantique, phénomène-clé de la vie économique et politique américaine contemporaine. Lors de sa campagne de 2024, Donald Trump avait réussi à exploiter la colère provoquée par cette envolée. N’ayant pas réussi à faire baisser les prix comme il l’avait promis, celle-ci se retourne désormais contre lui et fait plonger sa popularité. 
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-Une fois tenu compte du niveau des prix, il n’y a pas de miracle américain, pas plus qu’il n’y a de stagnation européenne. Le PIB par habitant, corrigé des différences de coût de la vie, a augmenté de 70 % aux Etats-Unis depuis 1990, contre 62 % dans l’Union européenne. Cela correspond à une croissance annuelle moyenne de 1,6 % aux Etats-Unis, contre 1,5 % dans l’UE. 
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-Mythe d’une UE improductive 
-La stratégie de sécurité nationale américaine déplore la baisse de la part du PIB européen dans le PIB mondial ; mais une fois que l’on corrige des différences de coût de la vie entre pays, on observe exactement la même baisse pour les Etats-Unis. L’Union européenne et l’Amérique ont vu leur part du PIB mondial baisser de 20 % en 1995 à 15 % aujourd’hui. 
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-Deuxième mythe : celui d’une Europe improductive. Les Etats-Unis (340 millions d’habitants) sont moins peuplés que l’UE (450 millions d’habitants), mais pèsent autant dans le PIB mondial. Le PIB par habitant des Etats-Unis est donc supérieur à celui de l’UE, de 35 % environ. 
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-Mais, contrairement à une idée tenace, cet écart ne s’explique pas principalement par un manque de productivité en Europe. La raison en est tout autre : les Européens ont plus de temps libre – davantage de vacances et une durée hebdomadaire du travail plus faible. En matière de productivité par heure de travail, l’Union fait presque jeu égal avec les Etats-Unis. Dans les six pays « cœur » de l’Union européenne (Allemagne, France, Italie, Espagne, Pays-Bas et Belgique), qui regroupent 290 millions d’habitants, elle est quasiment identique à ce qu’on observe aux Etats-Unis, d’après les données les plus récentes du Laboratoire sur les inégalités mondiales. 
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-L'économiste Gabriel Zucman à l’Ecole d’économie de Paris, le 9 septembre 2025. CHLOE SHARROCK/MYOP POUR « LE MONDE » 
-Si l’on élargit l’analyse à l’ensemble de l’UE (450 millions d’habitants, soit une économie significativement plus grande que l’Amérique), la productivité est légèrement plus faible qu’aux Etats-Unis, en raison de niveaux de productivité plus faibles dans les pays de l’Est. L’écart reste néanmoins modéré. D’après les statistiques de l’Organisation internationale du travail, le PIB par heure travaillée – la mesure usuelle de la productivité – s’élève à 81,80 dollars (69,60 euros) aux Etats-Unis, à 83 dollars en Europe occidentale et à 71,10 dollars dans l’UE. Et il n’y a guère de « sclérose » européenne : la productivité progresse peu ou prou au même rythme en Europe qu’en Amérique du Nord depuis trente ans. 
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-Troisième mythe, enfin : celui du productivisme. Car le PIB, qui se borne à mesurer la production de biens matériels et de services, constitue un indicateur bien trop restrictif. Les Européens bénéficient de davantage de temps libre que les Américains, d’une espérance de vie plus élevée et de niveaux d’inégalités plus faibles – tout cela à productivité comparable. Quelle que soit la façon dont on regarde les choses, il s’agit là d’une performance économique nettement supérieure. 
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-Et même si l’on se borne à une perspective productiviste étroite, l’UE fait sans doute mieux que les Etats-Unis, pour une raison simple : sa plus grande sobriété. Les Etats-Unis produisent certes 81 dollars de valeur brute par heure travaillée, mais au prix d’un coût environnemental particulièrement élevé. L’UE, quant à elle, produit 71 dollars par heure, avec des émissions de carbone très sensiblement inférieures. Davantage de loisirs, de meilleures performances de santé, plus d’égalité et moins d’émissions de carbone, le tout avec une productivité globalement comparable : les Européens peuvent être fiers de leur modèle de développement, dans l’ensemble nettement plus probant. 
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-Cela ne signifie évidemment pas que l’UE n’ait aucun besoin de réformes. Mais il ne faut pas se tromper de combat. L’urgence n’est pas à la dérégulation, mais à l’investissement dans l’éducation, la recherche, les infrastructures publiques et la transition énergétique, qui constitueront à l’avenir, comme par le passé, la clé de notre prospérité collective. 
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-Lire aussi l’entretien | Article réservé à nos abonnés Gabriel Zucman : « Il va être très difficile de demander aux Français de faire des efforts tant que les milliardaires paieront si peu d’impôts » 
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-Gabriel Zucman est économiste, professeur à l’Ecole normale supérieure et directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité. 
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-Gabriel Zucman (Economiste) 
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