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-====== « Donald Trump est en train de prendre conscience de son obsolescence programmée » ======
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-« Donald Trump est en train de prendre conscience de son obsolescence programmée »
-CHRONIQUE
-Gilles Paris
-Editorialiste au « Monde »
-Le milliardaire, qui effectue son second mandat à la présidence des Etats-Unis, s’évertue à mettre son nom partout, constate dans sa chronique Gilles Paris, éditorialiste au « Monde »
-Publié hier à 05h15, modifié hier à 09h37   Temps deLecture 3 min.
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-Cela devient une manie. Après avoir été ajouté, le 3 décembre, au-dessus du nom de l’Institut des Etats-Unis pour la paix, le patronyme du président des Etats-Unis est apparu le 19 décembre, en lettres métalliques, en surplomb de celui de la plus célèbre salle de spectacle de Washington, le Kennedy Center. Donald Trump avait pris le contrôle à la hussarde de cette institution dès son retour à la Maison Blanche au motif d’une « déwokisation » d’urgence, dont la nécessité avait échappé à tout le monde.
-Puis le président des Etats-Unis a annoncé, mardi 23 décembre, la construction d’une nouvelle classe de navires de guerre baptisée de son patronyme, et assuré qu’il veillerait à ce qu’ils soient beaux, du moins à ses yeux et si ce projet voit bien le jour. Le Trésor pourrait également faire frapper, à l’occasion des 250 ans de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, en 2026, une pièce de 1 dollar dont les deux faces porteraient son effigie.
-On peut en rire comme s’en émouvoir dans un pays né du rejet de la Couronne britannique, où le Congrès avait adopté en 1792 une loi disposant que les pièces américaines devaient comporter en tout et pour tout une allégorie de la liberté et un aigle. Il avait fallu attendre les 150 ans de cette République, en 1926, pour que le président alors en fonction, Calvin Coolidge, fasse graver son profil sur une pièce d’un demi-dollar, en arrière-plan de celui de George Washington. Cette obsession de mettre son nom partout a accompagné Donald Trump tout le long de sa carrière. Sa double élection à la présidence des Etats-Unis n’a rien changé. Son second mandat reste celui du « branding » et du placement de produits. Reçu à la Maison Blanche, le président par intérim de la Syrie, Ahmed Al-Charaa, un ancien djihadiste, a ainsi été aspergé d’un parfum Trump par son hôte.
-Narcissisme et cupidité
-Le président des Etats-Unis aurait tort de se priver puisque la notion de conflit d’intérêts n’existe plus à Washington. L’annonce de la réception du G20, en 2026, dans l’une de ses propriétés de Floride n’a soulevé aucune opposition, contrairement ce qui s’était passé en 2019 lorsque Donald Trump avait tenté d’organiser un sommet du G7 au même endroit. Selon The Wall Street Journal, les activités de son empire familial ont généré au moins 4 milliards de dollars (3,4 milliards d’euros) de recettes depuis sa réélection. Le constat est sans précédent pour un président en fonctions dont le cabinet compte un nombre record de milliardaires et de millionnaires, alors que la question du coût de la vie taraude ses concitoyens.
-Installation de la nouvelle signalétique à la salle de spectacle Kennedy Center, à Washington, le 19 décembre 2025. JACQUELYN MARTIN/AP
-Mais un autre moteur s’ajoute peut-être aujourd’hui à ceux du narcissisme et de la cupidité. Il s’agit de la prise de conscience par Donald Trump de son obsolescence programmée du fait des institutions et de l’ouverture imminente d’un nouveau cycle politique. C’est ce qu’impliquent à la fois l’impossibilité d’un troisième mandat et la perspective que son impopularité le transforme en « canard boiteux » en novembre 2026, en cas de défaite aux élections de mi-mandat (midterms). Il faut afficher son nom maintenant pour éviter l’effacement demain.
-Trois ans avant le terme du second mandat de Trump, une guerre intestine a, en fait, déjà commencé. Les invectives férocement échangées lors du rassemblement du mouvement conservateur Turning Point USA, à Phoenix (Arizona), le 19 et le 20 décembre, en ont témoigné, comme les départs massifs du cercle de réflexion conservateur Heritage Foundation, annoncés lundi 22 décembre. Ces départs constituent un désaveu cinglant pour son président, Kevin Roberts, qui avait apporté son soutien au polémiste Tucker Carlson, éreinté chez les conservateurs pour avoir offert une tribune, le 28 octobre, à une figure de l’extrême droite antisémite américaine, Nick Fuentes.
-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Fébrile et divisée, la droite populiste américaine pense déjà à l’après-Trump
-Les contrats à durée déterminée des locataires de la Maison Blanche sont constitutifs d’une démocratie. A l’inverse, Vladimir Poutine, élu pour la première fois en 2000, en est à son cinquième président des Etats-Unis, après Bill Clinton, George W. Bush, Barack Obama et Joe Biden. Son homologue chinois, Xi Jinping, qui a accédé aux plus hautes responsabilités pendant le mandat de l’avant-dernier président démocrate, en 2013, en a déjà connu trois. Comme le maître du Kremlin, il peut envisager à moyen terme d’avoir au moins un, sinon deux nouveaux interlocuteurs à Washington avant la fin de son règne.
-La politique étrangère des Etats-Unis a pu longtemps s’accommoder des effets des mandats limités des présidents, un débat intérieur permanent permettant d’en préserver les grands principes. Même si cette diplomatie pouvait connaître régulièrement des inflexions, d’un locataire de la Maison Blanche à un autre, cette continuité était également assurée par un corps de grands commis de l’Etat fédéral.
-Ce consensus soigneusement entretenu a disparu de la stratégie de sécurité nationale présentée le 5 décembre, qui va en outre à l’encontre de l’opinion majoritaire des électeurs américains sur des points aussi importants que l’Ukraine et l’OTAN. Au nom d’une guerre sans fin contre un fantasmatique « Etat profond », la méritocratie a été également passée à la trappe au bénéfice de la loyauté aveugle. Le rappel brutal de dizaines d’ambassadeurs révélé, mardi, par The Washington Post en est la preuve. Ils s’ajoutent aux départs provoqués par la purge qui a accompagné les premiers mois de l’actuelle administration.
-Le soin apporté par Donald Trump à la décoration extérieure d’édifices emblématiques de Washington n’a rien d’anecdotique, mais quelle tâche sera la plus aisée : retirer un jour les lettres de son nom là où elles n’ont rien à faire, ou ramener la politique américaine sur les bases qui étaient les siennes ?
-Gilles Paris (Editorialiste au « Monde »)
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