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Cette découverte date d'octobre 2020, mais au cas où vous seriez passé à côté, nous trouvions intéressant de vous en reparler. Des chercheurs de l'université d'Ohio ont examiné comment ce médicament omniprésent, vendu sous les marques Tylenol ou Dafalgan, influence nos décisions.
Leurs travaux s'inscrivent dans un corpus scientifique grandissant démontrant que l'acétaminophène agit bien au-delà du simple soulagement physique. Cette molécule modifierait notre ressenti émotionnel, notre empathie et même nos capacités cognitives.
Une expérience révélatrice sur la prise de décision
L'équipe dirigée par Baldwin Way, neuroscientifique reconnu, a recruté plus de 500 étudiants pour mesurer l'impact d'une dose unique de 1 000 mg d'acétaminophène. Cette quantité correspond à la posologie maximale recommandée pour un adulte. Les participants ont été répartis aléatoirement entre un groupe recevant le principe actif et un groupe témoin prenant un placebo.
Le protocole reposait sur un test ludique mais révélateur. Chaque volontaire devait gonfler virtuellement un ballon sur un écran d'ordinateur. Chaque pression rapportait de l'argent fictif, mais attention : gonfler trop le ballon le faisait exploser et annulait tous les gains accumulés. Ce dispositif simple permet d'évaluer la propension au risque de manière quantifiable.
Les résultats, publiés dans la revue Social Cognitive and Affective Neuroscience, furent sans appel. Les participants sous paracétamol gonflaient systématiquement davantage leurs ballons que le groupe témoin. Ils poussaient plus loin la limite, faisant éclater plus fréquemment leurs ballons.
« Ceux qui prennent du paracétamol ressentent moins d'anxiété face à l'augmentation du risque », explique Way. L'émotion négative associée au danger potentiel s'estompe sous l'influence du médicament.
Médicament du quotidien utilisé par des millions de personnes, le paracétamol ne se limiterait pas à atténuer la douleur : certaines études suggèrent un effet discret sur nos décisions et notre rapport au danger. Leurs résultats sont encore débattus. © Drazen, iStock
Des questionnaires confirmant l'altération de la perception
Au-delà de la simulation informatique, les chercheurs ont soumis les étudiants à des questionnaires portant sur des situations concrètes. Les scénarios proposés incluaient des comportements variés :
Parier un salaire journalier sur un événement sportif.
Pratiquer le saut à l'élastique depuis un pont vertigineux.
Conduire sans attacher sa ceinture de sécurité.
Dans l'une des enquêtes, les personnes ayant ingéré du paracétamol évaluaient ces activités comme significativement moins dangereuses. Leur perception du risque était diminuée comparativement au groupe placebo. En revanche, une seconde enquête similaire n'a pas reproduit exactement ce résultat, nuançant la portée de ces observations.
Cette incohérence souligne la nature hypothétique des conclusions. Les auteurs reconnaissent que d'autres mécanismes psychologiques pourraient expliquer ces comportements. La réduction de l'anxiété constitue une piste alternative plausible. Lorsque l'angoisse face au danger diminue, la prise de décision devient naturellement plus audacieuse.
Des implications sociétales à examiner prudemment
L'acétaminophène reste inscrit sur la liste des médicaments essentiels établie par l'Organisation mondiale de la Santé. Aux États-Unis, on le retrouve dans plus de 600 produits pharmaceutiques différents, avec ou sans ordonnance. Cette omniprésence rend les implications potentielles considérables, même si l'effet observé demeure modeste.
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Une publication ultérieure en 2021 a toutefois émis des critiques sur l'étude originale et son interprétation médiatique. Les auteurs de cette analyse soulignent la nécessité d'interpréter ces résultats avec prudence. Des recherches complémentaires doivent éclaircir les mécanismes biologiques sous-jacents et confirmer ces observations dans des contextes réels.
L'université de Vienne a publié en 2023 des travaux connexes montrant qu'une consommation libérale d'antalgiques réduisait la préoccupation empathique et les comportements prosociaux. Ces découvertes suggèrent une relation complexe entre analgésiques courants et fonctionnement psychosocial. Way insiste sur l'urgence d'approfondir les recherches concernant les effets comportementaux des médicaments en vente libre sur nos choix quotidiens.
https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medicaments-paracetamol-antidouleur-prefere-medecins-aurait-effet-insoupconne-cerveau-c7g3-129415/
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