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Antoine et sa famille vivent dans cet appartement des Lilas (13e arrondissement de Marseille) depuis 1967. © Radio France - Eléonore Richard
À Marseille, un habitant des Lilas (13e) de 73 ans sera, en mars prochain, mis à la porte du logement social qu’il occupe avec sa famille depuis 1967. Le bail était au nom de sa sœur, décédée en octobre, et il ne remplit pas les critères pour y rester selon le bailleur Provence Métropole Logement.
La question du logement social à vie fait débat, à l’heure où 2,7 millions de ménages, soit environ 5 millions de personnes, sont en attente d’un logement social en France selon les derniers chiffres (2024) de l’Union sociale pour l’habitat.
Antoine Cantarell, 73 ans lui va devoir quitter le logement social qu’il occupe aux Lilas dans le 13ᵉ arrondissement de Marseille avec sa famille depuis 58 ans. Le 14 octobre dernier la sœur d’Antoine, Claudette, avec qu'il vit, décède. Or le bail de l’appartement, un T4, est au nom de Claudette depuis les années 90. Après son décès, la famille entame alors des démarches pour mettre le bail au nom d’Antoine.
Mardi 25 novembre, Antoine reçoit un courrier du bailleur Provence Métropole Logement (ex HMP) daté du 18 novembre l’informant qu’il devra quitter les lieux le 19 décembre. Il est stipulé qu’il ne remplit pas les critères pour que le bail lui soit transféré. Pour en bénéficier Antoine devrait être un ascendant, descendant, conjoint, partenaire lié au locataire par un pacte de civil de solidarité. Comme il n’est que le frère de la titulaire du bail il ne rentre pas dans les cases.
Depuis, la famille n'a obtenu qu'un délai pour s'exécuter, après la trêve hivernale.
“Derrière un logement il y a une vie humaine”
La nièce d’Antoine, Maëva Ferrari, 33 ans, qui dit être hébergée dans l’appartement depuis deux ans, dénonce une injustice. “Qu’il y ait des règles et qu’il y ait des lois je suis ok avec ça. Mais derrière un logement il y a aussi une vie humaine. Mon oncle il va aller où ? Il est malade, il a le diabète, il est cardiaque, il va se retrouver à la rue ? Ce n’est pas normal”, s’insurge Maëva, dans le salon de l’appartement, déjà décoré pour les fêtes de fin d’année.
Antoine lui a fondu en larmes quand il a appris la nouvelle, et depuis il est un peu perdu. “Ça me met dans tous mes états, parce que depuis ça je suis fatigué, je ne dors pas la nuit. Je ne sais plus comment il faut faire”, s’inquiète le retraité. Il a toutes ses habitudes dans l’appartement et dans le quartier “J’ai mes attaches ici, je connais tout le monde dans le quartier et tout le monde me connaît, je vois les collègues dehors, je joue aux boules… Je ne connais personne ailleurs, je serais mal à l’aise”, lâche Antoine désemparé.
L'appartement des Lilas est “une maison de famille” pour tous les proches d'Antoine © Radio France - Eléonore Richard
Un appartement loué par la famille depuis bientôt 60 ans
Le logement est loué par la famille depuis 1967, avant que Claudette ne reprenne le bail en 1994, c'étaient ses parents qui en étaient titulaires. La famille entière qui s’y réunit très souvent y est très attachée même si elle sait qu’elle n’en est pas propriétaire. “C’est une maison qui a vu passer cinq générations, c’est notre chez nous, c’est notre foyer, c’est comme ça qu’on le ressent”, explique Cynthia une autre nièce d’Antoine. “Moi je suis tous les jours ici, le matin c’est l’heure du café on le prend ici. Qu’il pleuve qu’il vente qu’il neige on est ici ”, ajoute la jeune femme de 36 ans. “C’est la maison du bonheur”, complète Maëva. Sa nièce a lancé une pétition en ligne.
Josette Pujol, 76 ans est la voisine de la famille depuis 1967. Elle a vu grandir toutes ces générations et est très proche d’Antoine. “On se met dehors, on discute on refait le monde, on papote, été comme hiver, j’espère qu’il ne va pas partir. On va tout faire pour qu'il ne parte pas, on va s’enchaîner aux radiateurs pour qu'il ne parte pas”, lâche Josette avec un demi-sourire. Mais elle aussi est révoltée par la situation. La retraitée se met à sa place : “il y a de quoi se flinguer ”.
Un délai jusqu'au 31 mars fin de la trêve hivernale
Le courrier du bailleur reçu par la famille précise que si Antoine reste dans le logement après la date du 19 décembre, une “indemnité pour privation de jouissance” d’un montant égal au loyer lui sera facturée. Dans les faits, après un entretien jeudi dernier, le Marseillais a jusqu'au 31 mars, date de la fin de la trêve hivernale, pour se trouver un nouveau logement.
À ce jour aucune proposition de relogement ne lui a été faite par Provence Métropole Logement. Le bailleur précise à la rédaction d’ICI Provence qu’avant les démarches de transfert de bail entamées par la famille en octobre, Antoine, et sa présence dans le logement, étaient inconnus de leurs services.
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