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-====== Le Monde.fr: Marseille face à l’emprise du trafic de drogue : « Ils sont tellement nombreux et ils ont tellement d’argent » ====== 
- https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/11/30/marseille-face-a-l-emprise-du-trafic-de-drogue-ils-sont-tellement-nombreux-et-ils-ont-tellement-d-argent_6655438_3224.html 
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-LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
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-TRAFIC DE DROGUE 
-TRAFIC DE DROGUE 
-Marseille face à l’emprise du trafic de drogue : « Ils sont tellement nombreux et ils ont tellement d’argent » 
-Par Grégoire Biseau (Marseille, envoyé spécial) et Gilles Rof (Marseille, correspondant) 
-Publié aujourd’hui à 06h30, modifié à 07h54 
-Temps deLecture 16 min. 
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-REPORTAGEAprès l’assassinat de Mehdi Kessaci, frère d’un militant qui lutte contre le narcotrafic, « Le Monde » a rencontré des habitants des cités, des acteurs sociaux, des magistrats ou encore des policiers. Ils décrivent un sentiment d’impuissance et de danger de plus en plus partagé, et une tout aussi inquiétante évolution du « réseau » vers le racket de personnalités et de commerces. 
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-Quand elle a appris la mort de Mehdi Kessaci, jeudi 13 novembre, Fadella Ouidef s’est enfermée dans sa chambre et s’est mise à pleurer. Cette mère de quatre enfants, habitante depuis dix-neuf ans de la cité de la Busserine, un de ces quartiers dans le nord de Marseille qui vit avec le trafic de stupéfiants, s’est toujours définie comme une « combattante ». Elle tient ça de sa mère, « qui s’est battue toute sa vie ». A 40 ans, elle cumule les rôles de déléguée des parents d’élèves de l’école primaire du quartier, de membre de l’association Art qu’en ciel, qui cuisine pour des maraudes, et d’administratrice du centre social de la Busserine, L’Agora, qui fait office de place de village, où mères et enfants aiment se retrouver à la sortie de l’école. Après l’assassinat du petit frère du militant associatif Amine Kessaci, un sentiment inédit et oppressant s’est emparé d’elle. 
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-« Quelque chose de nouveau, de sourd, de sournois, dit-elle, dans un restaurant près du Vieux-Port, près de la boutique où elle travaille. Maintenant, on sait que plus personne n’est à l’abri. Ça ne m’arrêtera pas de parler, mais quelque chose me taraude. Je fais attention à ce que je dis. » Elle a bien sûr participé à la marche blanche du samedi 22 novembre, quand plus de 6 200 personnes se sont réunies sur les lieux de l’assassinat pour dénoncer le narcotrafic. Elle n’a pas été étonnée du peu de présence des habitants des quartiers populaires. « Aujourd’hui, même les associations ne veulent plus parler pour se protéger. Comment nous le reprocher quand on sait qu’on est en danger ? » Contrairement à beaucoup de nos interlocuteurs, Fadella Ouidef a tenu à ce que l’on publie son nom et son prénom. 
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-Mehdi Kessaci a été assassiné en début d’après-midi sur un triste rond-point du 4e arrondissement. Devant la pharmacie où deux hommes à moto l’ont abattu, des fleurs blanches, déposées en masse, jaunissent déjà. Le jeune homme, 20 ans, n’avait de lien, « ni de près, ni de loin », insiste le parquet de Marseille, avec le trafic de stupéfiants. Il était surtout le frère cadet d’Amine Kessaci, 22 ans, fondateur de Conscience, une association de soutien aux familles victimes des réseaux, qui a fait son entrée en politique en 2024 aux côtés des écologistes, se présentant aux élections européennes, puis aux législatives. 
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-Lire aussi le reportage | Article réservé à nos abonnés Narcotrafic : aux obsèques de Mehdi Kessaci, à Marseille, « la réalité, c’est qu’on a tous peur » 
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-Fadella Ouidef, une habitante du quartier de la Busserine engagée dans l’action sociale, au centre social L’Agora. A Marseille, le 25 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
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-Sur les lieux de l’assassinat de Mehdi Kessaci, face au siège du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, à Marseille, le 26 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-Comme pour les effondrements des immeubles de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, qui ont fait huit morts et révélé nationalement le scandale de l’habitat indigne à Marseille, le drame a provoqué une onde de choc sur la ville. Dans toutes les librairies, des habitants se sont spontanément présentés pour acheter, en guise de geste de solidarité, le livre d’Amine Kessaci, Marseille, essuie tes larmes (Le Bruit du monde, 224 pages, 20 euros), paru le 2 octobre, rapidement en rupture de stock. Mais au-delà de l’émotion, c’est aussi la peur, et le sentiment de danger qui se sont propagés jusqu’à Paris. 
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-« Crime d’intimidation » 
-Le 18 novembre, alors que les agents du Raid sécurisaient l’enterrement de Mehdi à Marseille, Emmanuel Macron demandait, lors d’une réunion convoquée à l’Elysée, la mise sous protection de plusieurs personnes. L’ex-secrétaire d’Etat à la ville (2023-2024), Sabrina Agresti-Roubache, l’écrivain-journaliste Philippe Pujol, auteur de La Fabrique du monstre (Les Arènes) en 2016 et, presque dix ans plus tard, de Cramés (Julliard, 2024), qui raconte l’histoire des petites mains du trafic de drogue. Mais aussi de magistrats comme le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, présent au palais présidentiel ce jour-là. La décision de dépayser la famille Kessaci a également été évoquée. 
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-Le fauteuil du « chouf » (guetteur) à l’entrée du « drive » (un point de vente de stupéfiants) des Flamants, un ensemble d’immeubles dans les quartiers nord où des points de vente de drogue sont durablement installés. A Marseille, le 27 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-Deux semaines après les faits, dans son bureau au cinquième étage du tribunal, le patron du parquet de Marseille appelle à relativiser la menace d’une « dérive palermitaine », faisant régner meurtres et omerta sur un territoire. « Il ne faut pas que la société civile et les militants associatifs s’autocensurent. C’est un vrai enjeu pour notre société », assure-t-il. Au lendemain du meurtre, il a pourtant été le premier à faire naître l’inquiétude en évoquant l’hypothèse privilégiée d’un « assassinat d’avertissement ». Une vision relayée par le ministre de l’intérieur Laurent Nuñez, parlant lui d’un « crime d’intimidation ». « Un véritable point de bascule », selon l’ancien préfet de police des Bouches-du-Rhône. 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Marseille, l’Etat refuse de voir dans l’assassinat de Mehdi Kessaci un « échec collectif » 
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-A dire vrai, cela fait longtemps que tous ceux qui ont affaire au trafic à Marseille ont déjà expérimenté leur propre point de bascule. « Quand on tire dans une cité pour faire peur, quand on tue des gens qui n’ont rien à voir avec le deal, ce n’est pas, déjà, de l’intimidation ? », s’interroge l’ex-sénatrice (2008-2020) socialiste et actuelle maire adjointe chargée, entre autres, de l’égalité et de l’équité des territoires, Samia Ghali. Pour cette élue des quartiers nord, pionnière dans la dénonciation du narcotrafic, le vrai tournant remonte à la présidence de Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012, quand police et gendarmerie ont perdu près de 9 000 postes sur le territoire national. « Dans les quartiers, on ne voyait plus un policier. On a laissé le trafic s’installer, avec l’argent et les moyens pour se développer. » 
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-Samia Ghali, adjointe au maire et conseillère départementale des Bouches-du-Rhône. A Marseille, le 25 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-Le point de bascule de Laurence Bellon, l’ex-présidente du tribunal pour enfants de Marseille, est encore vif dans sa mémoire. En 2020, en pleine audience, elle demande à un mineur de 14 ans d’enlever son tee-shirt. Elle découvre un dos entièrement lacéré de cicatrices. « Je prends conscience, alors, que ces enfants du trafic peuvent être littéralement torturés », explique celle qui a théorisé la première le concept de traite des êtres humains appliqué au trafic de stupéfiants. 
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-Présence des guetteurs 
-Pour Inès Ben Moussa, 32 ans, et Nathalie Traimond, 44 ans, les deux responsables des équipes de médiation sociale de l’association Dunes dans les quartiers nord, la bascule se situe en 2023. L’année où le trafic a fait presque une victime par semaine. « On a vécu ça au premier rang. Des meurtres dans toutes les cités où l’on intervient. Des jeunes, des familles qu’on connaissait. C’était tellement chaud que, dans certains quartiers, on ne restait que de 8 à 10 heures du matin, raconte la première. Et à l’époque, il n’y avait pas grand monde dans les marches blanches. » 
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-La médiatrice a pleuré, elle aussi, en apprenant l’assassinat de Mehdi Kessaci. Pour la victime, mais aussi pour son frère Amine. « Ce qu’il a fait à Marseille, pas grand monde ne l’a fait. Quand il y avait un meurtre, je pouvais appeler Amine à 23 heures, il arrivait. Sans caméras, sans rien, il parlait aux mères. Il a été là pour beaucoup de monde. Et c’était bien que beaucoup de monde vienne pour lui samedi », confie Inès Ben Moussa. 
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-Inès Ben Moussa et Nathalie Traimond, médiatrices sociales de l’association Dunes, dans la cité Consolat, où le trafic de stupéfiants vient de se réinstaller. A Marseille, le 26 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-Dans le 15e arrondissement, le QG de Dunes occupe un ancien appartement au rez-de-chaussée d’un petit immeuble HLM. Autour, des ensembles sociaux tous touchés, ou presque, par le trafic, les dégradations, la précarité. Pour boire un café, il n’y a que l’épicerie à l’entrée de la cité Consolat, où rôdent les guetteurs du réseau. Au loin, un « Araaah », le cri d’alerte des « choufs » résonne sans que personne n’y prête vraiment attention. « La première consigne qu’on donne à nos médiateurs, c’est de ne pas se mêler de ça. Nous sommes là pour aider les habitants », rappelle Nathalie Traimond, chez Dunes depuis 2019. « Mais quand un minot nous dit qu’il veut en sortir, on s’en occupe. En 2023, on en a aidé sept », poursuit sa collègue Inès. Paradoxalement, avant le meurtre de Mehdi Kessaci, comme d’autres acteurs de terrain, elles avaient plutôt le sentiment d’un « climat plus serein ». « Moins de points de deal, moins de tensions », assure Nathalie. 
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-D’une cinquantaine en 2023, le nombre d’assassinats liés au trafic à Marseille est passé à 24 en 2024 et une quinzaine depuis janvier 2025. Près de 2 000 personnes sont mises en examen et environ 900 placées en détention dans le cadre d’affaires liées aux stupéfiants, rappelle le parquet de Marseille. Les opérations « Place nette » XXL, lancées en mars 2024 à Marseille à grand renfort médiatique par Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, ont débouché sur une réduction de près de la moitié des « fours » (lieux de vente) estimés aujourd’hui à 80. Des sites connus, comme la Paternelle, semblent apaisés. Mais dans d’autres cités, notamment la Castellane, où s’était rendu le président de la République, les narcotrafiquants contrôlent toujours les accès. Et neuf nouveaux points de deal, que la police pilonne régulièrement, ont ouvert dans l’hypercentre. Une adaptation permanente aux stratégies déployées par les forces de l’ordre. 
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-Menace permanente 
-Difficile de dire si la situation à la Busserine s’est ou non améliorée. En tout cas, le réseau est toujours là, bien présent. En face d’une école primaire et d’une maternelle, un guetteur veille. Le point de deal est juste un peu plus haut, à 50 mètres, au cœur de la cité. Là, autour d’un brasero, des jeunes cagoulés attendent le client de 10 heures à minuit. On vend de l’herbe, de la résine de cannabis, de la cocaïne. Les parents d’élèves font comme si de rien n’était. « Bien sûr qu’on a peur », lâche un papa, qui attend son garçon de 7 ans à la sortie des classes. « Les trafiquants gèrent les entrées d’immeubles. Tous les 100 mètres, il y a une sentinelle. Il n’y a plus rien à faire, ils sont tellement nombreux et ils ont tellement d’argent. On se dit merde, ils sont trop forts… », poursuit-il. 
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-Devant le groupe scolaire de la Busserine, dans le quartier du même nom, où des points de vente de stupéfiants sont installés durablement. A Marseille, le 25 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-Cela fait un peu plus d’un an qu’il habite le quartier, transformé par un ambitieux programme de rénovation urbaine. L’école a été entièrement refaite il y a un peu moins de dix ans et constitue un îlot préservé. Cosecrétaire départemental du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU, Sébastien Fournier y travaille depuis 2002. Il n’a jamais voulu en partir, si bien qu’aujourd’hui, il enseigne aux enfants de ses tout premiers élèves. « Ici, l’équipe est vraiment super. On a très peu de turnover », assure-t-il. Le directeur n’a pas changé depuis quinze ans. 
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-Ce ne sont pas les batailles qui ont manqué. Les mois qui ont suivi la période du Covid-19 ont été parmi les plus éprouvants. Les dealeurs se sont alors carrément installés au pied de l’école. « On a essayé de les faire partir par tous les moyens, mais les jeunes avaient comme consigne de ne pas nous parler », se souvient Sébastien Fournier. L’équipe pédagogique découvre alors un phénomène, généralisé depuis à toute la ville : le point de vente n’est pas tenu par des ados de la Busserine, mais par des jeunes venus d’autres quartiers de Marseille, voire du reste de la France, recrutés sur les réseaux sociaux. Au bout de plusieurs mois, ils ont fini par se déplacer un peu. 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le gouvernement dénonce un « point de bascule » dans la violence des « mafias marseillaises » 
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-Aujourd’hui, Fadella Ouidef explique qu’elle a dû apprendre à vivre avec cette menace permanente. « L’ambiance peut changer en trois jours. Parfois c’est tendu, puis c’est calme, puis ça repart, sans que l’on sache très bien pourquoi. » Elle assure que son cauchemar est de retrouver un jour son fils, aujourd’hui âgé de 9 ans, en train de « charbonner » (c’est-à-dire tenir un point de vente de stupéfiants), dans un autre quartier de Marseille. Alors elle prend sur elle pour le laisser traverser le quartier en trottinette le soir pour aller jouer au foot. « Mais il sait à qui il peut parler et à qui il ne faut surtout pas parler. » 
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-Rénovation urbaine 
-A une centaine de mètres en contrebas de l’école, deux jeunes femmes poussent un meuble de cuisine sur le trottoir. Soraya, 27 ans, emménage dans l’ancien appartement de sa grand-mère qui vient de mourir. Mariée et mère d’un bébé de 1 mois, elle a vécu à la Busserine, avant de partir en centre-ville, pour ses études. Mais aujourd’hui, elle revient et pense faire grandir, ici, sa petite fille. Du moins pendant un temps. « Bien sûr, le réseau est là, mais il suffit de garder ses distances. Et puis il y a une vraie vie de quartier avec beaucoup d’associations. On est soudés dans notre malheur », dit-elle avec un sourire. Sa cousine Dounia, 24 ans, aide-soignante, également habitante de la Busserine, apporte un bémol : « Quand ça tire, ça fait quand même peur. » Mais toutes les deux sont d’accord pour dire que la rénovation du quartier est une réussite. Depuis le balcon de son appartement, Soraya surplombe L’Agora, le centre social, refait à neuf devant une grande place où jouent quelques enfants. « Deux fois par semaine, il y a un cours de pilates en musique organisé pour toutes les mamans du quartier. C’est comme un vrai village. » 
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-Soraya et Dounia, des habitantes du quartier de la Busserine, où des points de vente de stupéfiants sont installés durablement. A Marseille, le 25 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
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-A l’entrée du centre social L’Agora dans le quartier de la Busserine, à Marseille, le 25 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-Faut-il se résoudre à vivre et travailler à côté d’un point de deal ou abandonner le terrain, pour se mettre à l’abri ? Depuis quelques mois, les dossiers de droit de retrait se succèdent à Marseille. Aux Flamants, une grande cité du 14e arrondissement voisine de la Busserine, elle aussi objet d’un interminable programme de rénovation urbaine, des poubelles disposées en chicane bloquent l’accès au parking. Le réseau contrôle une partie des entrées. Une pression quotidienne qui a poussé les équipes de la maison de la solidarité (MDS), une structure sociale du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, à se mettre en grève, le 13 octobre, et à manifester devant la collectivité. « Le 6 novembre, les dealeurs sont venus dire aux agentes de se calmer. De ne plus attirer les médias », raconte Valérie Marque, la déléguée CGT qui suit la mobilisation. Depuis, les salariées exercent leur droit de retrait. Et les habitants de tout l’arrondissement, venus signer leur RSA ou prendre rendez-vous avec une assistante sociale, se cassent les dents sur les portes fermées. 
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-Sur la petite place, d’autres structures ouvertes au public gardent le cap. L’école d’infirmières accueille toujours ses étudiants. Et le centre social, juste en face de la MDS, poursuit ses activités. « Le réseau ? Il est dans son coin, nous dans le nôtre », balaie sa directrice adjointe. Présente aux Flamants depuis vingt-cinq ans, cette petite femme au débit flamboyant préfère mettre en avant les « liens très très forts avec les habitants ». Ici, elle dit qu’elle n’a jamais été « emmerdée », qu’elle se sent en sécurité. Puis montre les fenêtres derrière elle en riant : « Elles sont blindées à bloc. Elles ne laissent passer aucune balle. » Pour elle, le retrait de la MDS est compréhensible mais « très triste ». « On le vit difficilement, car ça conditionne l’aide sociale pour beaucoup de familles. On espère qu’une partie des agentes reviendront », se projette-t-elle. Jeudi 27 novembre, après une réunion, préfecture de police, collectivités, acteurs du site se sont donné trois semaines pour convaincre les équipes de la MDS de revenir sur place. 
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-Un barrage de poubelles à l’entrée des Flamants, un ensemble d’immeubles dans les quartiers nord de Marseille, le 27 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
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-Contrôle de police aux Flamants, à Marseille, le 27 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-Rondes d’habitants 
-Vendredi 28 novembre, la préfète de police déléguée Corinne Simon a dû gérer un dossier similaire. Le principal site de l’opérateur téléphonique Orange à Marseille, dans le quartier de Saint-Mauront (3e arrondissement), a fermé ses portes pour une quinzaine de jours. La faute, selon le syndicat CFDT, à « la détérioration rapide et continue de la situation liée à un narcotrafic non maîtrisé ». « En trois jours, les 1 200 salariés ont été confinés trois fois pour raisons de sécurité », précise le délégué CFE-CGC Laurent Bedrossian, qui reconnaît que l’assassinat de Mehdi Kessaci a « inconsciemment fait baisser le seuil général de tolérance ». Des bagarres, des courses-poursuites et même des tirs ont été signalés à proximité du site. « A ce stade, aucun fait n’étaye la théorie d’un bâtiment au cœur d’un affrontement entre deux bandes rivales », a fait savoir la préfète de police, qui assure « ne pas minimiser » la situation. 
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-Pour résister au trafic, certains, en revanche, prennent le risque d’aller au contact. En bordure de l’autoroute A50 en direction d’Aubagne, la cité Bel-Ombre a été posée au milieu des années 1960, immense bloc de béton de 16 étages contenant 250 logements. Copropriété privée dégradée, comme il en existe beaucoup à Marseille, elle est placée sous la gestion d’un administrateur judiciaire depuis 2023. Les façades tombent presque en lambeaux, les cages d’escalier sont défoncées et sur les huit ascenseurs, un seul fonctionne. Début juillet, profitant d’une grille qui ne ferme plus depuis des mois, un point de deal, façon drive, s’est installé au pied de l’immeuble. « On a tout de suite vu que c’était très structuré. Il y avait des guetteurs positionnés à plusieurs endroits, des repas leur étaient même livrés », se souvient Mourad qui, comme les autres habitants, n’a pas souhaité donner son nom. La réaction de la copropriété a été quasi immédiate. « La police ne s’est pas déplacée, alors on est descendus à 40 et on leur a demandé de partir », sourit Rachid, la cinquantaine, casquette sur la tête, qui est né ici et n’a, depuis, plus quitté le bâtiment. Ont-ils eu peur rétrospectivement ? « C’était comme s’ils étaient entrés dans nos maisons, on ne s’est pas posé de questions. » 
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-Le bras de fer a duré plusieurs jours, mais les dealeurs ont fini par quitter les lieux. Et pendant tout l’été, les habitants ont organisé des rondes pour éviter leur retour. Aujourd’hui encore, ils restent sur le qui-vive. « Il faut donner l’impression qu’on occupe le terrain, qu’il y a toujours du mouvement, même la nuit », soutient Mourad, à l’entrée de la loge de gardien où le collectif se réunit chaque soir. De leur confrontation, les habitants ont tiré un enseignement : « La dégradation de la copropriété a été la première étape menant à l’apparition du point de deal », assure Rachid. L’épisode leur a aussi permis de lever un élan de solidarité entre les habitants. Plusieurs groupes WhatsApp ont été créés, une association est née (Préservons Bel-Ombre), à laquelle pas loin de 120 propriétaires ont adhéré. « Cela nous donne de la force pour essayer de sauver notre copropriété du désastre », ajoute l’habitant. 
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-Un « menu » aux Flamants, un ensemble d’immeubles dans les quartiers nord où des points de vente de drogue sont durablement installés. A Marseille, le 27 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
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-Un habitant des Flamants observe une opération de police en cours. A Marseille, le 27 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-En 2024, la relative accalmie qui a suivi la victoire quasi définitive de la DZ Mafia sur son rival historique, le clan Yoda, était trompeuse. Elus locaux, policiers, magistrats, médiateurs sociaux font aujourd’hui le même constat : le réseau se diversifie et Marseille connaît depuis plusieurs mois une inquiétante montée des phénomènes d’extorsion sur des personnalités, mais surtout des commerces, des restaurants, des établissements de nuit. Un premier pied dans l’économie réelle, qui fait craindre à Philippe Albrand, l’ancien chef de la brigade anticriminalité de Marseille pendant quinze ans, l’ouverture d’un nouveau front : une guerre de territoire entre la DZ Mafia et le milieu historique corso-marseillais. « On ne la constate pas encore sur le terrain, mais on reste très vigilants », confirme Nicolas Bessone, le procureur de Marseille. 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Comment le clan Yoda a perdu son emprise sur la Paternelle, une cité de Marseille longtemps « pourrie » par le trafic de drogue 
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-« J’irai brûler votre maison » 
-Le racket, c’est ce qui a transformé les jours et les nuits de Kamel – un nom d’emprunt – en enfer. La petite maison que cet artisan de 60 ans habite depuis toujours, dans un quartier tranquille du 13e arrondissement, était son paradis. Dans le jardin, il fait pousser des espèces rares de grenades, ces fruits venus d’Orient. Aujourd’hui, il ne voit pas d’autre solution que de tout quitter. Traits tirés, visage défait, il raconte son histoire en tremblant. Son fils – qui ne veut pas que son nom soit publié –, qui connaît le succès en tant qu’influenceur, a fini par attirer l’attention d’anciens camarades de classe, « proches de la DZ Mafia » explique-t-il. 
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-Un premier racketteur, en novembre 2023, qui vient réclamer 40 000 euros en pleine nuit et que l’intervention de la police fait fuir. Et surtout, le 21 juin 2024, ce commando de trois hommes qui kidnappe son fils à la Belle-de-Mai (3e arrondissement), le force à céder l’argent qu’il conserve chez lui – « beaucoup plus que la première fois », élude Kamel. Puis l’embarque jusqu’à la cité de la Castellane, pour lui faire une proposition d’allégeance : promouvoir auprès de ses milliers d’abonnés les activités légales du réseau. 
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-Des trois agresseurs que son fils a dénoncés dans une plainte, un a été condamné à cinq ans de prison dans une affaire de violences aggravées. Un autre est emprisonné en préventive. En septembre, sur le portail métallique de son jardin chéri, Kamel a découvert un petit mot manuscrit, solidement scotché. « Je laisse à votre fils quarante-huit heures pour rembourser ce qu’il me doit. Le cas échéant j’irai brûler votre maison pendant votre sommeil », menace l’auteur. « Qu’est-ce que je fais ? La police me dit qu’elle ne peut pas protéger tous les gens qui reçoivent des menaces », souffle le sexagénaire. Le regard vide, il évoque son suivi depuis 2023 pour stress post-traumatique au pôle psychiatrique de l’hôpital de la Conception et l’idée déchirante de quitter sa maison familiale… 
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-Son fils, lui, ne vit plus en France depuis l’été 2024. Le trentenaire a coupé tous ses réseaux sociaux et s’est reconverti en manageur d’influenceurs. Pour lui, aucun doute, son extorsion porte la main de membres de la DZ Mafia. Joint à Dubaï où il est installé, il explique : « Je ne me montre plus, mais ils essaient encore d’entrer en contact avec moi. Ils m’ont même appelé de la prison pour que je paie leurs frais d’avocats. » Un phénomène général. « En 2024, ils ont vraiment racketté tout le monde à Marseille, rappeurs, artistes, influenceurs… Et tous ceux qui sont restés ont payé », affirme-t-il. 
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-Un message collé sur le portail d’entrée d’une habitation familiale. La photo, sur le téléphone portable photographié, a été prise par le père d’un influenceur originaire de Marseille, qui est parti s’établir à Dubaï à la suite de menaces pesant sur eux. A Marseille, le 26 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-« Ils achètent les habitants » 
-L’autre grande nouveauté est que le réseau s’investit de plus en plus dans la vie des quartiers : on finance des séjours en colonie pour les petits, on monte les courses des personnes âgées, on soutient des associations influentes. « Ils achètent les habitants en leur disant que, contrairement à l’Etat, eux sont à leur côté. C’est triste à dire, mais ils investissent dans le social », analyse Nasser Hedjazi, intervenant sociojudiciaire à l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale, qui travaille pour le tribunal de Marseille. Comme la quasi-totalité des acteurs de terrain, il prévient que si la réponse pénale et policière est indispensable, elle ne peut pas se suffire à elle-même. « Il faut que les pouvoirs publics prennent la dimension sociale et économique du phénomène et investissent largement dans la prévention. » 
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-Educateur à la protection judiciaire de la jeunesse, Mattias Perrin, aujourd’hui cosecrétaire régional SNPES-PJJ-FSU, ne dit pas autre chose : « A la suite de la mort de Mehdi Kessaci, seuls les ministres de l’intérieur et de la justice sont descendus à Marseille. On aurait aimé aussi voir ceux de l’éducation, de la ville, du logement et de la santé… car sinon on loupe la cible. » 
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-En attendant, la police s’active, avec parfois le sentiment, pour reprendre l’expression de Philippe Albrand, « de vider un océan avec une petite cuillère ». Jeudi 27 novembre, à 15 h 15 exactement, un convoi de quatre camions, composé notamment d’une brigade de CRS dite « force d’action rapide », spécialisée dans les violences urbaines et le trafic de stupéfiants, fonce sirène hurlante en direction du point de deal des Flamants. 
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-En quelques secondes, la trentaine d’hommes se déploie aux quatre coins de la cité. Des habitants sont contrôlés. Les cages d’escalier et les caves inspectées. Les chiens renifleurs montent les étages. On découvre un studio probablement squatté. Les occupants sont partis, laissant la clé sur la porte. A l’intérieur, tout est sale, un matelas est posé à même le sol, un carton de pizza trône sur une table en Formica, et une quinzaine de bonbonnes de protoxyde d’azote, le gaz hilarant, traînent par terre. 
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-La brigade canine lors d’une opération de police aux Flamants, un ensemble d’immeubles dans les quartiers nord où des points de vente de drogue sont durablement installés. A Marseille, le 27 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
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-Des bonbonnes de protoxyde d’azote (gaz hilarant), dans l’appartement d’un consommateur habitant les Flamants, un ensemble d’immeubles dans les quartiers nord où des points de vente de drogue sont durablement installés. A Marseille, le 27 novembre 2025. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-Il est presque 17 heures. Les CRS remontent dans leur camion. Bilan de l’opération : un minuscule sachet de 15 grammes de cannabis retrouvé dans un buisson. « Je serais un menteur si je vous disais qu’ils ne seront pas revenus ce soir, reconnaît un policier. C’est comme ça, on doit continuer à les harceler, sinon ce serait pire. » 
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-Grégoire Biseau 
-Marseille, envoyé spécial 
-Gilles Rof 
-Marseille, correspondant 
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-====== comment la DZ Mafia a étendu son emprise sur la France ====== 
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-  Une marche blanche en hommage à Mehdi Kessaci, tué le 16 novembre dernier sur ce rond-point de Marseille, a rassemblé de nombreuses personnalités politiques de tous bords. Gilles Bader / Le Pictorium / MAXPPP    
-Article abonné  
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-Narcotrafic   
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- Par    
- Publié le  29/11/2025 à 16:00       
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- Comment est née et s’est développée la DZ Mafia ? D’un regroupement de plusieurs caporaux de la drogue dans les quartiers nord de Marseille à un cartel puissant, imposant ses méthodes criminelles partout en France, voire au-delà, enquête sur un gang qui ne cesse de défier l’État.     
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-2023, l'acte de naissance : un corps brûlé, une vidéo et une chanson de rap 
- La DZ Mafia est née dans la nuit du 12 au 13 mars 2023, au pied d’une cité des quartiers nord de Marseille. Sur le moment, personne, ou presque, n’a remarqué son apparition. Ce soir-là, les marins-pompiers ont découvert un corps dans le coffre d’une voiture en flammes sur le parking de la Busserine, dans le XIVe arrondissement. Celui d’un homme de 23 ans, un petit dealer exécuté comme un caïd : deux balles dans la tête, le corps incendié. La méthode dite du « barbecue » n’était alors pas nouvelle, c’était même une spécialité locale, développée à l’aube des années 2000 par le gang de Farid Berrahma. Mais, en vingt ans, les tueurs ont encore innové dans l’horreur. La scène a cette fois été filmée, puis diffusée sur les réseaux sociaux afin d'amplifier le message adressé à la concurrence. C’est là que, pour la première fois, la DZ Mafia s’est manifestée.      
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-https://www.marianne.net/societe/du-barbecue-au-proto-cartel-comment-la-dz-mafia-a-etendu-son-emprise-sur-la-france 
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