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Les Echos: Union européenne : « Des salaires minimums décents sur le long terme » grâce à une décision de justice

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Union européenne : « Des salaires minimums décents sur le long terme » grâce à une décision de justice
La Cour de justice de l'UE a conforté la suprématie de la directive européenne sur les salaires minimums à l'égard des compétences nationales. Elle commence déjà à transformer la fixation des rémunérations et la négociation collective à travers le Vieux Continent, explique le chercheur Torsten Müller.

En Bulgarie et en Roumanie, les salaires minimums stagnaient sur de longues périodes, sans suivre les gains de productivité. En Croatie et en Pologne, ils restaient bien en dessous de la moitié du salaire médian national, indique Torsten Müller.
En Bulgarie et en Roumanie, les salaires minimums stagnaient sur de longues périodes, sans suivre les gains de productivité. En Croatie et en Pologne, ils restaient bien en dessous de la moitié du salaire médian national, indique Torsten Müller. (Collage Les Echos)
Publié le 29 déc. 2025 à 07:55
L'arrêt rendu le 11 novembre 2025 par la Cour de justice de l'Union européenne apporte une clarification bienvenue à un débat qui avait jeté le doute sur l'une des initiatives sociales les plus ambitieuses de l'Union depuis des décennies.

Après des années de tensions politiques entre Etats membres, syndicats et organisations patronales - et à la suite d'une attaque juridique majeure - la Cour a confirmé à la fois la légalité et la nécessité de la directive européenne sur les salaires minimums.

La directive avait été contestée au motif que l'Union européenne empiétait sur les compétences nationales en matière de fixation des salaires. Soutenu politiquement par la Suède, le gouvernement danois avait saisi la Cour, estimant que les salaires relevaient exclusivement de la compétence des Etats membres.

En début d'année 2024, l'avocat général avait renforcé cette position en recommandant l'annulation pure et simple de la directive. Pendant un temps, il a semblé possible que l'un des piliers du renouveau de l'agenda social européen soit invalidé. Il n'en a rien été : la Cour a tranché clairement en affirmant que la directive s'inscrit pleinement dans la compétence de l'Union en matière de régulation des conditions de travail.

Deux dispositions annulées sans conséquences
La Cour n'a annulé que deux dispositions secondaires. La première concernait une liste de critères techniques que les Etats membres devaient prendre en compte pour évaluer l'adéquation des salaires minimums. Selon la Cour, inscrire ces critères dans le droit européen pouvait être interprété comme une ingérence directe dans les compétences nationales en matière de rémunération. La seconde annulation porte sur la clause de non-régression prévue à l'article 5.3 de la directive, qui empêchait la baisse des salaires minimums légaux lorsqu'ils sont automatiquement indexés.

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Ces annulations n'affectent en rien le fonctionnement de la directive. La plupart des Etats membres s'appuyaient déjà sur des critères similaires, via leur législation nationale ou les obligations découlant de la convention n° 131 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Et dans les pays où les salaires minimums sont indexés - comme la Belgique, la France, le Luxembourg ou Malte - ce mécanisme n'a jamais entraîné de diminution des salaires. Le coeur de la directive demeure intact, notamment l'article 5.4, qui introduit des valeurs de référence indicatives - 50 % du salaire médian et 60 % du salaire moyen - comme points de repère essentiels pour évaluer l'adéquation des salaires minimums légaux.

Ces seuils ne sont pas juridiquement contraignants, mais ils structurent désormais les débats nationaux et influencent les processus de fixation des salaires minimums d'une manière inédite.

Un tournant pour les salaires
Pour mesurer pleinement l'impact déjà perceptible de la directive, il faut se souvenir de la situation qui prévalait en Europe il y a encore quelques années. En Bulgarie et en Roumanie, les salaires minimums stagnaient sur de longues périodes, sans suivre les gains de productivité. En Croatie et en Pologne, ils restaient bien en dessous de la moitié du salaire médian national.

Dans des secteurs comme le commerce de détail, l'hôtellerie-restauration, l'agriculture ou les services à la personne - en Europe centrale et orientale mais aussi dans certains pays du Sud - les salaires minimums étaient souvent si bas que les travailleurs dépendaient des heures supplémentaires, de la multiplication des emplois ou de revenus informels pour couvrir leurs besoins essentiels. Parler de « filet de sécurité » relevait alors de la fiction : ces salaires protégeaient à peine contre la pauvreté.

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Ces dynamiques ont produit des effets durables : pénuries chroniques de main-d'oeuvre, turn-over extrêmement élevé, pauvreté des travailleurs en emploi et affaiblissement des systèmes de sécurité sociale. Mais, comme le détaille une des dernières publications de l'Institut syndical européen (ETUI), la directive a déjà contribué à infléchir cette trajectoire.

En Espagne et au Portugal, les salaires minimums ont fortement augmenté ces dernières années, et la directive consolide la logique politique de ces hausses. En Allemagne, le salaire minimum légal s'est rapproché du seuil de 50 % du salaire médian, tandis que les conventions sectorielles dans la construction, la sécurité ou les soins ont établi des minima plus élevés, conformes à la notion d'adéquation portée par la directive.

Enfin, dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale, dont la Bulgarie et la Croatie, l'utilisation des valeurs de référence a favorisé des augmentations substantielles longtemps jugées politiquement irréalisables.

Renforcement de la négociation collective
Le second pilier de la directive - le renforcement de la négociation collective - pourrait s'avérer encore plus transformateur. L'Europe est depuis longtemps marquée par une fracture entre les pays à forte couverture conventionnelle, comme les pays nordiques, l'Italie, la Belgique, la France ou l'Autriche, et ceux, où moins d'un tiers des travailleurs sont couverts, comme la Pologne, la Grèce, l'Estonie, la Hongrie ou la Lettonie. La directive s'attaque frontalement à cette situation : lorsque la couverture de la négociation collective est inférieure à 80 %, les gouvernements doivent adopter un plan d'action national pour la promouvoir. Six pays l'ont déjà fait, et douze autres devront suivre.

La directive a été conçue pour relever le plancher salarial des travailleurs les moins bien payés en Europe.

Cette obligation n'a rien de symbolique. En Belgique, en République tchèque, à Malte et en Slovaquie, la directive a déjà entraîné des évolutions législatives renforçant la protection des représentants syndicaux, améliorant les procédures de conclusion ou d'extension des conventions collectives, et renforçant la qualité des données sur la couverture conventionnelle.

Ces avancées sont cruciales dans des secteurs historiquement caractérisés par une négociation faible - logistique, sécurité privée, nettoyage, aide à domicile ou livraison via plateformes - où l'absence d'accords sectoriels s'est traduite par des bas salaires et des conditions de travail précaires. En favorisant un renouveau de la négociation sectorielle, la directive vise à reconstruire les fondations institutionnelles nécessaires à des salaires minimums décents sur le long terme.

VIDEO - La directive européenne qui va tout changer en entreprise
L'arrêt de la Cour devrait encore un peu plus accélérer ces dynamiques. Des pays comme l'Estonie ou les Pays-Bas, qui avaient suspendu la transposition dans l'attente d'une sécurité juridique, doivent désormais avancer.

Plus largement, le débat se déplace : il ne porte plus sur la légalité, mais sur la mise en oeuvre - comment utiliser la directive pour garantir que les salaires minimums reflètent à la fois les réalités économiques et les attentes sociales, et comment reconstruire des systèmes de négociation capables de soutenir ces objectifs.

La directive a été conçue pour relever le plancher salarial des travailleurs les moins bien payés en Europe. La décision de la Cour garantit qu'elle pourra continuer à remplir cette mission. Loin de l'affaiblir, les attaques juridiques ont renforcé sa légitimité et donné un nouvel élan à la lutte pour des salaires adéquats et une négociation collective solide - non comme des idéaux lointains, mais comme des standards concrets façonnant le quotidien du travail à travers tout le Vieux Continent.

Torsten Müller est chercheur à l'European Trade Union Institute (ETUI)

Torsten Müller

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