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Le Point: Les « contributions volontaires obligatoires », l’incroyable invention fiscale française

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Les « contributions volontaires obligatoires », l’incroyable invention fiscale française
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C’est le plus bel oxymore de l’histoire de la fiscalité française, pourtant foisonnante de ressources : la contribution volontaire obligatoire, ou CVO, est une taxe furtive, non répertoriée dans le budget de l’État, que doivent acquitter de nombreuses entreprises appartenant principalement au secteur agricole.

Pour résumer, si vous vendez des fruits, des légumes ou des œufs, si vous êtes vigneron ou horticulteur, si vous êtes propriétaire d’une forêt, vous ne payez pas seulement les impôts qui s’appliquent à l’ensemble des entreprises françaises. Non, vous êtes redevable de cet étrange obni (objet bureaucratique non identifié) : la contribution volontaire obligatoire.

« Une taxe mal nommée »
Un objet bien caché, très rarement évoqué dans les débats parlementaires et les documents officiels. Tout juste une question posée en 2016 par un sénateur centriste qui s’inquiétait que les communes forestières soient touchées par cette gabelle des temps modernes.

Et par une de ses collègues, centriste également, en mai 2023 : « La CVO est considérée comme une taxe mal nommée car elle est présentée comme “volontaire obligatoire”, ce qui est contradictoire et elle devrait donc être facultative. Cependant, elle est imposée de “force” en tant que décision interprofessionnelle. » On ne saurait mieux dire !

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Comme l’expliquait doctement un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) en 2018, « l’intitulé paradoxal de ces prélèvements reflète l’ambiguïté de leur statut juridique. Le terme “volontaire” fait référence à l’accord interprofessionnel par lequel les organisations professionnelles s’engagent, de leur propre initiative, à mettre en place une contribution. Le terme “obligatoire” rappelle que les dispositions de cet accord sont étendues, généralement, à tous les membres de la filière concernée, qui ont alors l’obligation de s’en acquitter ».

Un impôt obligatoire
Autrement dit, un organisme qui représente une filière, agricole ou alimentaire dans la plupart des cas, souhaite ponctionner l’ensemble des acteurs économiques qui appartiennent à cette filière. S’il obtient l’onction gouvernementale, sous la forme d’un arrêté ministériel, il devient un collecteur d’impôt à son propre profit.

Et pas question, pour l’assujetti, de s’y soustraire. Les personnes distraites, négligentes ou simplement pas informées de l’existence de cet impôt caché sont rappelées à l’ordre par le biais de courriers recommandés, qui témoignent que l’administration française, quoique très performante en la matière, n’est pas la seule productrice de paperasses et de contraintes.

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Prenons le cas de l’Interfel, l’Interprofession des fruits et légumes frais. Ce groupement dégaine dès qu’il croit repérer un mauvais payeur. Et permet à lui seul à La Poste d’augmenter son chiffre d’affaires lié au courrier postal. Une lettre recommandée est adressée par erreur à une personne qui n’a jamais commercialisé la moindre cerise ou le moindre navet ? Un de ses représentants se contente de s’excuser. Et d’exempter la cible innocente de tout paiement. Le tarif de base de cette CVO collectée par l’Interfel n’est pas très élevé : 24 euros TTC. Mais l’addition grimpe vite, jusqu’à plusieurs milliers d’euros, comme pour les propriétaires de bois ou les vignerons.

90 millions d’euros pour les professions viticoles
Parmi ces derniers, certains ont créé un collectif aux initiales évocatrices : CVO. Mais celles-ci signifient « Citoyens de la vigne organisés ». Ils s’insurgent contre la contribution volontaire obligatoire qui, en termes relatifs, frappe plus durement les petites exploitations, tout cela pour un service rendu qu’ils considèrent comme discutable. « Notre métier mérite mieux que des charges incomprises, des réglementations mal pensées et des décisions prises sans nous », estiment-ils.

Dans un article publié début décembre, ils évaluent le montant total prélevé sur les professions viticoles à 90 millions d’euros en 2023. Tout cela pour financer des actions de promotion des vins, de « suivi qualité » ou encore de veille réglementaire. « Lorsque chaque euro doit être optimisé pour passer l’année (réglementation phytosanitaire, prélèvements sociaux, hausses d’énergies…), écrivent-ils, la CVO s’ajoute comme une charge supplémentaire. Elle est souvent vécue comme une “taxe de plus”, non négociable et, surtout, peu maîtrisable. D’autant que son paiement intervient indépendamment des résultats réels : une mauvaise récolte ne donne aucun allègement automatique, la CVO est exigible. »

Une taxe sur les œufs…
Calculée sur le chiffre d’affaires et/ou sur la surface plantée, cette taxe qui ne dit pas son nom sert à financer des actions de promotion et de communication destinées à valoriser les produits français sur le marché intérieur comme à l’exportation, à développer des programmes de recherche pour améliorer les pratiques de production, à mener des actions de formation, à financer des études économiques ou encore à développer des programmes de normalisation ou de certification. Elle est en vérité la source de financement principale des interprofessions, qui puisent là entre 80 et 90 % de leurs recettes.

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Certains projets présentés pour justifier la CVO sont parfois dignes de la tartufferie la plus accomplie. Ainsi le CNPO (Comité national pour la promotion de l’œuf) prélève-t-il 0,31 euro par centaine d’œufs commercialisés pour « compenser auprès des accouveurs une partie du surcoût engendré par la mise en œuvre de méthodes alternatives à l’élimination des poussins mâles ». L’attention portée au sexage des poussins est une noble cause, qui risque de devenir, en se pérennisant, une sorte de tiroir-caisse…

La transparence n’est pas de mise
Car le prélèvement de la CVO permet de faire vivre environ 90 interprofessions qui sont devenues, au fil du temps, des structures para-étatiques, puisque l’accord qui leur permet de valider la perception de la contribution doit être validé par les pouvoirs publics.

Le moins que l’on puisse dire est que la transparence n’est pas de mise. Un magistrat de la Cour des comptes évoque même un « grand trou noir ». Le ministère de l’Agriculture, en première ligne dans ce processus, ne donne aucune information ni sur le total des montants perçus, ni sur le nombre d’organismes bénéficiaires. Quant à celui des Comptes publics, il n’a même pas jugé utile de répondre à notre demande d’éclaircissements.

C’est donc par rapprochements entre différents et rares documents épars qu’il est possible d’estimer le montant de cet impôt quasi clandestin. Le rapport public annuel de la Cour des comptes datant de 2010 estimait le montant total des CVO collectées à près de 320 millions d’euros pour l’année 2008.

Difficile d’évaluer à quel rythme il a augmenté. Mais il est forcément en hausse, et vraisemblablement de manière significative. Si l’on se contente d’actualiser, de manière minimaliste, pour tenir compte de l’inflation, cela correspond à plus de 410 millions d’euros actuels.

Des prélèvements hors déficit
Si Bercy laisse faire, alors que ses fonctionnaires aiment exercer la tutelle la plus large possible sur les prélèvements obligatoires, c’est justement en raison du caractère discret, quasiment occulte, des CVO.

Non seulement ces taxes n’entrent pas dans le calcul des prélèvements obligatoires. Or, comme le rappelle une note de l’excellent site Fipeco publiée le 18 décembre dernier, si l’on observe les prélèvements obligatoires rapportés à la valeur ajoutée des entreprises, la France arrive tout en haut du podium en Europe. En ajoutant les CVO, sa regrettable avance s’accroît encore !

Autre avantage : celles-ci ne sont pas non plus comptabilisées comme des aides publiques par la très sourcilleuse Commission européenne.

Ce statut est fragile, comme le notait le ministère de l’Agriculture dans sa réponse à la Cour des comptes, publiée dans le rapport public annuel de 2010 : « Au regard de la position de la Commission européenne qui considère les CVO comme des ressources publiques devant être notifiées et malgré les deux décisions du Conseil d’État, du 10 août 2005 et du 21 juin 2006, jugeant que les CVO ne constituent pas des aides d’État, donc ne nécessitant pas de notification, nous partageons l’avis de la Cour des comptes sur la nécessité de s’assurer d’une plus grande sécurité juridique de ces dispositifs au regard du droit communautaire. Il semble ainsi que le contrôle de l’utilisation des CVO par les pouvoirs publics, préconisé par la Cour, confère à ces cotisations un caractère public et constitue une raison supplémentaire de les notifier à la Commission européenne en tant qu’elles sont susceptibles d’être requalifiées en aides d’État. »

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Ces inquiétudes ont toutefois été apaisées en 2013, alors que Stéphane Le Foll était ministre de l’Agriculture. Le Conseil d’État a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de se prononcer sur la vraie nature des CVO. Celle-ci a considéré qu’il ne s’agissait pas de ressources d’État, dans la mesure où les décisions relatives à l’utilisation de ces ressources ne sont pas imputables à l’État.

Les juristes estiment néanmoins que les CVO reposent toujours sur un édifice juridique précaire. Mais tant que cela marche, pourquoi se priver ?

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