20 novembre 2025 à 00h47
Yann LeCun lors du Forum Économique Mondial (WEF) à Davos, le 23 janvier 2025. Yves Herman / REUTERS
Recruté par Facebook en 2013, cet ingénieur est souvent présenté comme l’un des pionniers de l’intelligence artificielle. Son départ intervient alors que Meta opère un tournant stratégique important. Passer la publicité Passer la publicité
La rumeur courait depuis quelque temps. L’annonce a fini par tomber. L’ingénieur informatique français Yann LeCun, figure de l’intelligence artificielle (IA), a confirmé mercredi sur Facebook quitter Meta chez qui il était responsable de la recherche IA. Ce départ serait lié au tournant pris par Meta dans le domaine de l’IA ces derniers mois.
Le chercheur français de 65 ans a, dans le même temps, indiqué qu’il allait lancer sa propre start-up, dédiée au développement de modèles d’IA capables de comprendre le monde physique. Passer la publicité
Arrivé en 2013 au sein de Facebook, devenu depuis Meta, Yann LeCun est connu pour ses travaux sur les réseaux neuronaux, une architecture évolutive qui permet à un algorithme de reconnaître des tendances et de s’ajuster seul, sans intervention humaine. Le Francilien a reçu, en 2018, le prix Turing, co-attribué à Yoshua Bengio et Geoffrey Hinton, considéré comme l’équivalent du Nobel en informatique.
Remaniement hiérarchique
C’est une page qui se tourne chez Meta, où Yann LeCun aura passé 12 ans à la tête du laboratoire Facebook Artificial Intelligence Research (FAIR). Jusqu’à cette année, il incarnait les travaux conséquents menés par Meta dans le domaine de l’IA. Mais ces derniers mois, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, a décidé de réorienter le développement de l’intelligence artificielle au sein du groupe et s’est notamment lancé dans une vaste campagne de recrutements. Il a, entre autres, débauché l’entrepreneur Alexandr Wang, cofondateur de la start-up Scale AI, qu’il a placé à la tête d’une nouvelle entité baptisée Superintelligence Labs, rassemblant l’ensemble des ressources dédiées à l’IA. Responsable de la recherche IA chez Meta, Yann LeCun a été intégré à cette unité et placé sous la responsabilité d’Alexandr Wang.
Au-delà de ce remaniement hiérarchique, le groupe s’est réorienté vers le développement des grands modèles de langage (LLM), les logiciels sur lesquels sont construits les interfaces IA comme ChatGPT ou Gemini. Or, Yann LeCun s’est régulièrement montré critique à l’égard de ces modèles, les estimant limités et incapables de faire franchir un cap décisif à l’IA. Il croit davantage en des modèles basés sur l’ingestion d’images et de vidéos, qui peuvent leur permettre d’acquérir une compréhension du fonctionnement du monde réel. Une telle avancée ouvrirait la voie à de nouvelles applications, notamment en matière de robotique, les machines étant désormais à même d’appréhender des situations pour lesquelles elles n’ont pas été programmées.
L’objet des travaux de sa nouvelle start-up sera ainsi «de mener à la prochaine grande révolution de l’IA : des systèmes susceptibles de comprendre le monde physique, dotés d’une mémoire permanente, capables de raisonner et de concevoir des actions complexes», a écrit le Français sur Facebook.
https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/le-francais-yann-lecun-figure-de-l-ia-officialise-son-depart-de-meta-et-annonce-lancer-sa-start-up-20251119
Quelques lignes publiées dans le Financial Times, le 11 novembre, agitent depuis le monde de la Tech. Yann Le Cun , l’un des pères de l’intelligence artificielle générative, qui officiait chez Meta depuis une douzaine d’années, serait sur le point de créer sa propre start-up. Selon le quotidien britannique, il aurait déjà recruté plusieurs associés et réfléchirait à différentes options pour financer son aventure entrepreneuriale. Tous les fonds de capital-risque de la planète rêvent de mettre un ticket dans la future entité portée par la réputation de cet ingénieur français de 65 ans, récompensé du prix Turing en 2018, et qui avait gagné la confiance et l’admiration de Mark Zuckerberg . Mais depuis quelque temps, les deux hommes ne se comprenaient plus.
Les importantes divergences dans leurs visions technologiques respectives ont des implications majeures sur la stratégie du groupe. La maison mère de Facebook et d’Instagram est à la traîne sur ses grands rivaux dans le domaine de l’IA et Zuckerberg cherche par tous les moyens à construire une plateforme pouvant concurrencer celle d’OpenAI .
Chasse aux stars de la Silicon Valley
« Yann a une vision de plus long terme et possède aujourd’hui moins d’influence en interne » , observe un bon connaisseur du groupe. A la tête du Facebook AI Research (Fair), laboratoire consacré à la recherche dans l’univers de l’IA, Le Cun pilotait une unité déconnectée du business Facebook. Son équipe se consacrait en priorité à des projets open source.
« Avant de nous inquiéter d’une IA super-intelligente, nous devons avoir le début d’un aperçu d’un système plus intelligent qu’un chat domestique », Yann Le Cun, directeur du laboratoire Fair de Meta.
« Ensuite, il s’est fait happer par la machine , estime Luc Julia , auteur de IA génératives pas créatives (éd. Le Cherche-Midi). On lui a collé un chef, Jérôme Pesenti, pour réaliser des choses plus « utiles » à la boîte, comme la détection des contenus haineux. Il se disait content d’être redevenu contributeur individuel… jusqu’à ce que Zuckerberg commence à détruire son bébé il y a quelques mois, en voulant contrôler ses publications et limiter l’utilisation de l’open source. »
Surtout, le patron de Meta s’est lancé dans une chasse de nouvelles têtes effrénée , composant à coups de milliards de dollars sa nouvelle garde de l’IA, constituée des stars actuelles de la Silicon Valley dans le domaine. Installé dans un immeuble du siège de Menlo Park, en Californie, tout près du bureau du patron, l’équipe du Machine Superintelligence Labs (MSL) comprend une cinquantaine de chercheurs de très haut niveau, recrutés au cours de l’été dernier. Zuckerberg s’est personnellement impliqué dans cette campagne de recrutement adressant des courriers électroniques ou des messages WhatsApp à des dizaines de personnes, leur proposant des rémunérations de plusieurs centaines de millions de dollars.
Une stratégie qui entraîne la chute du cours de Bourse de Meta
La plus grosse prise demeure Alexandr Wang , 28 ans, qui dirige le MSL. Le milliardaire n’a pas hésité à débourser 14 milliards de dollars pour une participation dans sa start-up, désormais valorisée 29 milliards. Entièrement voué à sa tâche, celui-ci ne souhaite pas fonder de famille dans un futur proche. Il est plutôt du genre à attendre que les interfaces cerveau-ordinateur soient plus avancées. Selon lui, les enfants qui naîtront avec ces interfaces « apprendront à les utiliser de manière absolument incroyable ! »
« En réduisant la taille de notre équipe, moins de conversations seront nécessaires pour prendre une décision », Alexandr Wang, directeur du Machine Superintelligence Labs.
Zuckerberg a aussi convaincu deux autres stars de la Valley de le rejoindre : Nat Friedman, ancien directeur général de Github , la plateforme de développeurs détenue par Microsoft, et Daniel Gross, fondateur d’une start-up dans l’IA, en contrepartie d’un investissement conséquent, mais minoritaire, dans le fonds C2 Investments créé par les deux hommes.
La dernière recrue en date, annoncée mi-novembre après des mois de tractations, est Andrew Tulloch, un ancien d’OpenAI et aussi de Fair, auquel Mark Zuckerberg a offert un pont d’or pour qu’il revienne au bercail : 1,5 milliard de dollars, selon la presse américaine.
Au total, selon The Wall Street Journal, Meta a débauché plus de vingt chercheurs et ingénieurs d’OpenAI, au moins treize de Google, trois d’Apple, trois de xAI, la société fondée par Elon Musk et deux d’Anthropic. « Cela crée beaucoup de tension sur le campus , raconte Julien Codorniou , ancien dirigeant du groupe, aujourd’hui investisseur chez 20VC Fund. Lorsque Facebook a racheté WhatsApp, il y avait vingt personnes au siège qui valaient chacune 300 millions de dollars, et tout le monde se demandait s’ils étaient vraiment meilleurs que le reste d’entre nous. » De fait, plusieurs cadres de l’ancienne organisation spécialisée sur l’IA ont quitté le groupe ces derniers mois.
Loin de rassurer les marchés, cette stratégie a entraîné la chute du cours de Bourse de Meta, qui a reculé de 15 % en un mois. Pour tenter d’apaiser les craintes, le groupe a annoncé le départ de 600 collaborateurs de sa division IA, en octobre. « En réduisant la taille de notre équipe, moins de conversations seront nécessaires pour prendre une décision » , explique le pragmatique Alexandr Wang. Chez Meta, la page Yann Le Cun semble définitivement tournée.
Les nouvelles frontières d’un World Model
Telles qu’elles sont conçues aujourd’hui, les intelligences artificielles génératives n’ont pas plus de jugeote qu’un chat domestique. Et encore, le chat est souvent plus malin. Yann Le Cun le répète en toute occasion : les IA actuelles, bâties à partir de grands modèles linguistiques, les fameux LLM, ne dépasseront jamais l’intelligence humaine. Ces algorithmes se nourrissent exclusivement de données écrites et ne font que prédire le mot suivant dans un texte.
Pour le scientifique, il faut renverser la table. Une IA générale, comme celle de Hal, le supercalculateur de 2001, l’Odyssée de l’espace, ne verra le jour que grâce à un nouveau paradigme, un World Model, ou modèle de monde, fonctionnant comme le cerveau d’un bébé animal. Il peut comprendre visuellement une scène, mais aussi en déduire les conséquences et prendre des initiatives. Et Yann Le Cun rabat l’enthousiasme des plus technophiles : même en suivant cette nouvelle voie, il faudra des décennies avant que l’IA supplante l’homme.
https://www.challenges.fr/entreprise/tech-numerique/pour-concurrencer-openai-meta-traque-les-talents-de-lia-a-coups-de-milliards_630999
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