La Commission européenne. - Photo par DURSUN AYDEMIR / ANADOLU / ANADOLU VIA AFP
L’Union européenne prévoit d’assouplir ses réglementations sur l’intelligence artificielle et la protection des données, critiquées par les géants américains et certaines entreprises européennes comme des freins à l’innovation. La Commission pourrait proposer une pause d’un an sur certaines dispositions et ajuster ses règles, ce qui inquiète associations de défense de la vie privée et eurodéputés.
L'Union européenne s'apprête à assouplir sa régulation sur l'intelligence artificielle (IA) et la protection des données, régulièrement pointée du doigt par les acteurs de la tech des deux côtés de l'Atlantique. La Commission présentera mercredi une proposition de simplification de son règlement sur l'IA, ce qui alarme les associations de protection de la vie privée.
Entrée en vigueur il y a un an, avec une application progressive au cours des prochains mois, ce règlement européen était censé protéger des dérives de l'intelligence artificielle sans brider l'innovation. Il classifie les modèles selon leur niveau de risque, avec des contraintes proportionnelles au danger.
Mais cette législation a suscité une pluie de critiques des géants américains de la tech, ainsi que d'entreprises européennes de l'IA comme le français Mistral, qui y voient un frein pour leur développement. Le vice-président américain JD Vance s'en était pris directement à la “réglementation excessive” de l'intelligence artificielle.
Une refonte du RGPD?
La Commission assure ne pas avoir pas cédé aux pressions de l'administration Trump mais entend répondre aux inquiétudes des entreprises européennes. Elle souhaite donc faciliter l'accès aux données personnelles des utilisateurs pour le développement de l'IA, en dépit des alertes d'ONG.
Sur le net, l'Union européenne voudrait d'abord supprimer ces bannières de “cookies” qui demandent aux utilisateurs leur consentement avant d'accéder à un site web.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononce son discours annuel sur l'état de l'Union lors d'une séance plénière au Parlement européen à Strasbourg, dans l'est de la France, le 10 septembre 2025. © SÉBASTIEN BOZON / AFP
Selon un document de travail consulté par l'AFP, la Commission européenne pourrait également proposer une pause d'un an dans la mise en oeuvre de certaines dispositions de sa loi sur l'IA et une refonte de ses règles phares en matière de protection des données.
Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) a consacré la protection de la vie privée des utilisateurs depuis 2018 et a influencé les normes mondiales en la matière.
L'UE affirme qu'elle ne proposera que des ajustements techniques, mais des associations de protection de la vie privée sont extrêmement inquiètes, tout comme une partie des eurodéputés.
“Grand recul”
Selon un document qui a fuité, l'exécutif européen propose de restreindre la définition des données personnelles et d'autoriser les entreprises à s'en servir pour entraîner des modèles d'IA en cas “d'intérêt légitime” pour les utilisateurs.
“À moins que la Commission européenne ne change de cap, ce serait le plus grand recul des droits numériques fondamentaux de l'histoire de l'UE”, ont alerté 127 ONG et syndicats, dans une lettre publiée jeudi.
Selon Max Schrems, un militant autrichien pour la protection des données, ces changements “constitueraient une énorme régression pour la vie privée des Européens”.
D'après un responsable européen interrogé par l'AFP, Bruxelles devrait également proposer un report d'un an des mesures concernant l'IA à “haut risque”, par exemple des modèles susceptibles de présenter des dangers pour la sécurité, la santé ou les droits fondamentaux des citoyens. Au lieu d'entrer en vigueur l'année prochaine, elles s'appliqueraient à partir de 2027.
Des dizaines des plus grandes entreprises européennes, dont Airbus (France), Lufthansa et Mercedes-Benz (Allemagne), avaient réclamé en juillet une pause dans cette loi IA, accusée de brider le développement des modèles européens face à la concurrence chinoise et américaine.
Nouvelles mesures
Faire adopter ces nouvelles mesures par le Parlement européen et par les États membres ne sera toutefois pas chose aisée. Les principaux partis de la majorité proeuropéenne au Parlement ont déjà exprimé, chacun à leur manière, des réserves sur le texte.
Les sociaux-démocrates ont promis de s'opposer à tout report de la loi sur l'IA, et les centristes entendent rester fermes devant toute modification susceptible de compromettre la protection de la vie privée. Bruxelles martèle néanmoins que le texte ne remettra pas en cause ses standards.
“Je peux confirmer sans détour que l'objectif (…) n'est pas d'abaisser les normes élevées de confidentialité que nous garantissons à nos citoyens ”, a martelé Thomas Regnier, porte-parole de la Commission dans le domaine du numérique.
Certains craignent toutefois que d'autres modifications des règles numériques soient encore à l'étude.
https://www.bfmtv.com/tech/intelligence-artificielle/intelligence-artificielle-face-aux-etats-unis-a-la-chine-et-a-la-peur-d-etre-depassee-dans-la-course-a-l-ia-l-europe-envisage-d-assouplir-ses-regles_AD-202511170783.html
À première vue, la scène affichée à la une de Die Tageszeitung pourrait sembler banale. Un homme fait tranquillement le ménage dans son appartement. Mais des voix artificielles troublent cette scène du quotidien. “Il passe l’aspirateur pendant vingt minutes”, s’exclame une enceinte connectée. “Hé, ce sont mes données”, s’insurge un aspirateur sans fil. “Non, les miennes”, rétorque la télévision. “Non, les miennes.” “OK, partageons-les”, tranche l’ordinateur portable posé sur le bureau.
D’après le journal de gauche berlinois, ce dialogue fictif entre objets connectés a des chances de devenir réalité si les “nouvelles directives de protection, pardon, d’aspiration des données européennes” prennent forme dans le cadre du Digital Omnibus, un paquet législatif censé amender la réglementation européenne actuelle.
“L’UE souhaite aménager sa législation sur Internet et reporter certaines innovations importantes, comme l’AI Act sur l’intelligence artificielle”, censée entrer en vigueur en juin 2026, explique la Tageszeitung dans un article de décryptage. L’objectif : simplifier les réglementations européennes et alléger l’appareil bureaucratique. Mais ce texte pourrait par la même occasion restreindre des protections déjà en vigueur dans l’Union européenne, comme le règlement général sur la protection des données (RGPD), ou encore le Digital Service Act (DSA).
Contrer l’“effet Bruxelles”
Le système européen est la cible depuis des mois du président américain, Donald Trump, et de grands patrons de la tech comme Elon Musk. “Ils se heurtent à l’‘effet Bruxelles’, c’est-à-dire le fait que les lois européennes en matière de numérique ont une incidence à l’échelle mondiale et limitent l’exploitation commerciale des données en provenance d’Europe.”
Et les partisans de la protection des données en Europe craignent que l’UE ne finisse par céder à leurs pressions. Dans une lettre ouverte, signée notamment par European Digital Rights et Amnesty International, ils estiment que les “aménagements présentés comme une ‘rationalisation technique’ [dans le cadre du Digital Omnibus] constituent ‘en réalité une tentative de discrètement saper les plus solides défenses européennes contre les menaces numériques’”.
Concrètement, le RGPD et certaines règles de cybersécurité pourraient se retrouver assouplies, la frontière entre données privées et données à usage commercial “pourrait devenir floue” et la mise en œuvre de l’AI Act a des chances d’être suspendue.
Un tel projet irait dans le sens d’entreprises de la tech européennes, comme ASML, SAP ou Mistral, qui ont demandé publiquement l’été dernier un assouplissement des règles relatives à l’intelligence artificielle. Mais il satisferait aussi des personnalités politiques comme Emmanuel Macron ou le chancelier allemand Friedrich Merz. “À leurs yeux, la souveraineté numérique [de l’Europe] passe aussi par la dérégulation.” La Tageszeitung, elle, ne semble pas de cet avis.
https://www.courrierinternational.com/une/une-du-jour-l-europe-va-t-elle-faire-machine-arriere-sur-la-protection-des-donnees_237459
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