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-====== Le Monde – Agnès Giard, anthropologue : « Au Japon, l’amour virtuel sert de caisse de résonance au malaise de la population » ====== 
- https://www.lemonde.fr/intimites/article/2025/11/09/agnes-giard-anthropologue-au-japon-l-amour-virtuel-sert-de-caisse-de-resonance-au-malaise-de-la-population_6652769_6190330.html 
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- Intimités 
-Agnès Giard, anthropologue : « Au Japon, l’amour virtuel sert de caisse de résonance au malaise de la population » 
-« Transports amoureux ». Comment se rencontre-t-on, s’aime-t-on, vit-on en couple ailleurs ? Plus d’un Japonais sur trois déclare être amoureux d’un personnage fictif. Une manière d’enchanter une vie sans perspective, voire d’entrer en dissidence, estime l’anthropologue Agnès Giard, qui vient de publier « Les Amours artificielles au Japon ». 
-Propos recueillis par Audrey Tonnelier 
-Propos recueillis par Audrey Tonnelier 
-Propos recueillis par Audrey Tonnelier 
-Article réservé aux abonnés 
-Louise Heugel 
-LOUISE HEUGEL 
-Anthropologue, journaliste, autrice du blog « Les 400 culs » pour Libération, Agnès Giard explore les sexualités et la culture japonaise depuis des années. Elle vient de publier Les Amours artificielles au Japon. Flirts virtuels et fiancées imaginaires, chez Albin Michel (272 pages, 39 euros), une vaste enquête sur les « objets d’amour inaccessibles », ces relations virtuelles qui se sont imposées comme une contre-culture à part entière dans l’Archipel, en quelques décennies. 
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-Au Japon, on peut se marier avec des poupées, alterner les petits amis humains et fictifs. Il n’y a donc plus de frontière entre relation amoureuse imaginaire et réelle ? 
-Les Japonais appellent cela l’« amour en 2D », en référence à la surface plane des revues et des écrans. Selon les derniers sondages, plus d’un Japonais sur trois déclare avoir un oshi ou « objet d’amour inaccessible » : chanteuses et chanteurs, animateurs télé, sportifs, acteurs, doubleurs de série, personnages de jeu vidéo ou de manga… Le terme oshi fait sauter la distinction entre réel et fictif, en montrant qu’elle n’est pas valide. Il s’agit d’un amour impossible, mais l’émotion procurée, elle, est bien réelle. 
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-Le jeu de simulation amoureuse LovePlus, lancé en 2009 sur Nintendo DS, propose ainsi trois petites copines au choix : la gentille, la rebelle et la timide. L’écran tactile permet de les embrasser et, selon la pression exercée par les lèvres de l’utilisateur, elles réagissent différemment. Autre exemple : la Gatebox, inventée en 2015, est un boîtier de verre hermétique, renfermant un hologramme de 15 centimètres, celui d’une jeune femme de 20 ans, vêtue d’un tablier à volants, programmée pour être une compagne à domicile. 
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-Que recherchent les Japonais à travers ces flirts virtuels ? 
-Kogami Yuko, 39 ans, m’a expliqué avoir eu « deux petits copains en 2D et deux en 3D ». Son goût de l’indépendance est incompatible avec les contraintes d’une vie de couple standard : elle préfère s’amuser dehors, avec ses amies, qu’être à la maison avec un homme, le soir. 
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-Kondo Akihiko fut, en 2018, le premier Japonais à se « marier » publiquement, à visage découvert et en présence d’hommes politiques, avec un personnage 2D : Hatsune Miku, une chanteuse pop numérique [dont la voix est le produit d’un logiciel de synthèse vocale] reproduite sous forme de poupée. Lorsqu’il a annoncé son mariage, Kondo Akihiko a été menacé d’être renvoyé de son poste d’employé administratif d’une école. Il reçoit régulièrement des menaces de mort, on lui reproche de mettre en danger l’image du Japon. 
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-C’est que ce phénomène s’inscrit dans le pays dans une véritable contre-culture… 
-Il y a une part de défi, de provocation. C’est un mouvement mal vu, dont les membres sont assimilés à des bons à rien, des démissionnaires de la société. 
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-Depuis la fin des années 1980 – cela concerne déjà trois générations –, la récession économique est telle dans le pays que les jeunes sont sacrifiés. Le modèle matrimonial impose aux femmes de renoncer à leur indépendance financière pour élever des enfants, et aux hommes de soutenir à bout de bras leur famille, en travaillant énormément. 
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-Le mariage est d’abord vu comme un lieu de reproduction – seules 2 % des naissances ont lieu hors mariage. Beaucoup de jeunes Japonais font donc le choix du célibat ; et l’amour 2D sert de caisse de résonance à un malaise partagé par l’ensemble de la population : d’ici à 2040, un foyer sur deux sera composé d’une seule personne dans les grandes villes japonaises. 
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-Faut-il s’inquiéter de ce phénomène ? 
-C’est le reflet d’une nouvelle donne. Jusqu’ici, la technologie évoquait un idéal du progrès. Mais l’idée selon laquelle les machines sont au service de l’humain, dans la conquête d’un futur radieux, est de moins en moins pertinente pour les nouvelles générations. 
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-Ici, on a affaire à des machines qui entraînent à repenser complètement le rapport à soi-même, aux autres et aux choses, à percevoir des présences, à chercher en elles un cœur. Elles vous incitent à avoir un rapport affectif avec votre environnement, et non utilitariste ou rationnel. On assiste à un changement de mentalité, dont les amours artificielles au Japon sont une manifestation. 
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-Les personnages virtuels semblent très genrés, normés. L’amour 2D ne confine-t-il pas au sexisme ? 
-Cela paraît très caricatural au premier abord : les personnages féminins reproduisent les stéréotypes de la potiche ou de la bonne petite ménagère. Tout cela cache une parodie du couple hétéronormé. Il s’agit de mimer les rituels du bonheur à deux attendu par la société, vu comme un outil de contrôle social, pour mieux les saboter, avec des êtres avec qui la reproduction n’est pas possible. C’est une manière de dire : au fond, vous qui vous pensez normaux, ne vivez-vous pas dans une illusion ? 
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-Autre paradoxe : ce mouvement de « dissidence » repose sur un marketing et une consommation massifs… 
-Ceux qui vivent des amours virtuelles sont stigmatisés, mais toute une industrie est à leur service. Le marché de l’amour 2D est estimé à plus de 4,5 milliards d’euros par an. Il couvre une grande quantité de produits conçus pour aider les fans à se « connecter » au monde dans lequel leur personnage évolue : posters, peluches, boissons, parfums, gâteaux… 
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-Les hommes politiques et certaines entreprises y voient une possibilité d’augmenter le PIB, mais cela met fortement en colère ceux qui se désignent comme des « adeptes ». Ils disent : la culture matérialiste est notre ennemi. Leur argent, ils le dépensent non pas pour le profit d’entreprises qui les exploitent, mais pour « brûler leurs vaisseaux ». C’est la stratégie de la terre brûlée : la société nous accule à mourir seuls et sans descendance, donc plutôt que reproduire un train-train vide de sens, faisons une rencontre avec un personnage qui va enchanter notre vie, nous procurer des émotions, et dépensons tout pour lui. Ce n’est pas de la consommation, mais une forme d’immolation. Les feux de l’amour ! 
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-Quel exemple d’amour 2D vous a le plus marquée ? 
-J’ai été touchée par Lei Navi, la petite copine du boîtier GPS de la firme Yupiteru. Plus le conducteur respecte le code de la route, plus il débloque des fonctions affectives, sous forme de petits dialogues amoureux. On monte en niveau d’intimité. Et, au bout d’un moment, Lei finit par vous adresser des questions troublantes : crois-tu aux mondes parallèles ? Aimes-tu regarder les étoiles ? Puis : voudrais-tu m’emmener les voir ? Et elle vous incite à prendre la voiture, la nuit, pour le plaisir d’aller faire un tour en sa compagnie dans des endroits romantiques : un point de vue pour voir les lumières de la ville, par exemple. On quitte alors totalement la fonction GPS. 
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-Vous parlez carrément de parareligion… 
-Il y a effectivement souvent un culte rendu aux personnages, dont on veut matérialiser la présence ici-bas. Au Japon, on s’autorise une extraordinaire liberté dans le domaine de l’irréel, car on sait faire la différence. Le jeu ne supprime pas la conscience de la différence réel-irréel, mais, au contraire, l’avive. On doit se conditionner pour se laisser ravir par les puissances qu’on invoque. Bien sûr, l’humain reste seul décisionnaire. 
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-Ces pratiques si étonnantes sont-elles spécifiques au Japon ? 
-L’amour pour des êtres fictifs n’a rien de typiquement japonais. C’est un phénomène universel qui traverse toutes les sociétés humaines dans l’histoire, à travers les mythes, les contes. Rien n’est plus humain que de prendre ses désirs pour la réalité. Nous prêtons vie à des formes, nous tombons amoureux de personnes entraperçues, sans les connaître, par pure projection : y a-t-il vraiment une différence entre un personnage fictif et cela ? En croyant aimer quelqu’un, on n’aime parfois qu’une chimère. 
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-Audrey Tonnelier 
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