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-====== Les banquets géants du Canon français, « la promesse d’un entre-soi rassurant, avec le divertissement en prime » ======
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-Les banquets géants du Canon français, « la promesse d’un entre-soi rassurant, avec le divertissement en prime »
-Le sociologue Benoît Coquard, qui enquête sur les classes populaires dans les espaces ruraux désindustrialisés, estime, dans un entretien au « Monde », que l’un des ressorts du succès des fêtes organisées par Le Canon français est la « promotion d’un passé et de traditions qui parlent à des jeunes nostalgiques d’époques qu’ils n’ont pas connues ».
-Propos recueillis par Camille Bordenet
-Publié le 08 novembre 2025 à 12h25
-Temps deLecture 2 min.
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-Au banquet du Canon Français, au château de Blossac, à Goven (Ille-et-Vilaine), le 7 novembre 2025 LOUISE QUIGNON POUR « LE MONDE »
-Malgré un tarif d’entrée à 80 euros, les grands banquets organisés par Le Canon français ne désemplissent pas. Pour le sociologue et auteur de l’ouvrage Ceux qui restent (La Découverte, 2019) Benoît Coquard, ces événements s’inscrivent dans « une dynamique de réappropriation des produits culturels populaires ».
-Des places qui s’arrachent, 1 500 participants en moyenne par banquet… Qu’est-ce que le succès des banquets du Canon français vous paraît-il traduire ?
-Les banquets géants s’inscrivent dans une époque où les fêtes rurales connaissent un regain d’intérêt symbolique, tout en restant objectivement rares, compliquées à organiser par manque de bénévoles et moins bien publicisées que ces gros événements lucratifs.
-Le produit répond donc à une attente, en particulier pour de jeunes adultes, plus encore chez les ruraux. Un ingrédient du succès, c’est, à mon sens, la promotion sélective d’un passé et de traditions qui parlent à des jeunes nostalgiques d’époques qu’ils et elles n’ont pas directement connues, sauf à travers des récits ou goûts musicaux de leurs parents.
-On a aussi l’utilisation d’images d’un passé très lointain, sur le registre de la France éternelle, qui touche potentiellement des personnes plus politisées. A la campagne, j’entends depuis longtemps cette idée qu’avant « on savait faire la fête », « bien manger et bien vivre », et aussi, qu’on était bien, ou du moins « mieux, entourés ». Ces deux dimensions sont liées et peuvent être espérées au banquet. Faire la fête avec des gens « comme nous », se dire que la bande de potes d’à côté pense comme nous. C’est la promesse d’un entre-soi rassurant, avec le divertissement en prime.
-Ripaille, Sardou, « pinard » : si ces banquets ont tous les attributs de la fête populaire, le ticket d’entrée est à 80 euros…
-On n’est pas sur une fête « populaire » au sens d’accessible à tous, ce n’est pas la fête du village en somme. Mais là encore, ce produit répond à une demande de tri social, que j’entends depuis des années dans les milieux populaires, au sujet des bals par exemple.
-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Dans l’Ain, la bamboche rurale n’a pas dit son dernier mot
-Quant au contenu, cela s’inscrit dans une dynamique, déjà ancienne mais en progression évidente, de réappropriation et de politisation de certains produits culturels populaires par une jeunesse bourgeoise et héritière généralement conservatrice. On observait déjà ça par exemple dans les écoles de commerce ou chez certains influenceurs.
-Et pour les classes populaires, cela n’est guère vécu comme une dépossession, mais plutôt comme la promotion et la défense d’une culture menacée, présentée comme appelée à disparaître si personne ne s’en saisit. Aussi, ce qui est vraiment populaire pour le coup, et même fédérateur je crois, c’est le côté festif, montrer qu’on profite de la vie et pouvoir affirmer qu’on ne s’embarrasse pas de l’opinion des gens qui « ne savent pas vivre », qui veulent interdire…
-Nous avons vu des milieux sociaux divers, patrons et ouvriers, faire la fête ensemble… Que cela raconte-t-il ?
-Le dispositif qu’on évoquait à l’instant favorise des affinités interclassistes que j’observe déjà au quotidien en milieu rural. A voir si vraiment ces personnes deviennent amies ensuite ou pas. Ensuite, comme toute pratique de consommation, la participation au banquet ne prend a priori pas le même sens selon les classes sociales.
-Lire aussi (2024) | Article réservé à nos abonnés « Terroir washing » : les effets sociopolitiques de l’instrumentalisation accrue des territoires français par les marques
-On peut supposer, par exemple, que pour des milieux aisés, c’est une occasion de montrer sa proximité à un monde qui n’est, de fait, pas le nôtre. A la manière de certains hommes politiques qui s’inventent un ancrage rural ou paysan, cela permet de moins passer pour un privilégié hors-sol. En jouant le bon vivant le temps d’une soirée, on joue un peu au peuple. Et cette possibilité de distance au rôle (qui les distingue des jeunes de classes populaires) leur permet peut-être d’être les plus à l’aise et les plus visibles dans la fête.
-Pour approfondir (1 article)
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-Camille Bordenet
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