Alors que les agents de code redéfinissent le développement web, nous avons interrogé Maxime Thoonsen, cofondateur de la startup française AGO. Il nous explique comment les développeurs passent de l’écriture de code au pilotage d’agents spécialisés.
L'émergence des agents de code IA propulse le métier de développeur vers un rôle de concepteur. © Antony Weerut - stock.adobe.com
Comment l’IA générative transforme-t-elle concrètement le quotidien des développeurs en 2025, selon vous ? Quels usages vous paraissent aujourd’hui les plus prometteurs ?
2025 a marqué un vrai tournant. Jusqu’ici, on avait surtout de l’autocomplétion intelligente avec Microsoft Copilot ou Cursor, et de la génération ponctuelle via ChatGPT. C’était utile, mais fastidieux. Le début d’année a vu émerger des outils comme Cline, capables de modifier plusieurs fichiers directement depuis l’IDE et avec l’avantage d’avoir accès à tout le code. Cela a vraiment été le début des vrais agents de code.
Avec l’amélioration rapide des modèles, ces agents ont gagné en cohérence, en contexte et en capacité de raisonnement. Puis la sortie de Claude Code a fait basculer l’équilibre : on peut désormais confier la majorité du code à une IA.
Le métier s’est déplacé : le développeur devient l’architecte et l’auditeur de l’IA. Il pense le design, valide les choix, fait du refactoring massif et assure la vision produit.
Les meilleurs générateurs de code par IA
Face à cette multiplication d’outils, quels conseils donneriez-vous aux développeurs et aux CTO pour choisir le bon générateur de code par IA ? Quels sont les critères à privilégier ?
Il y a deux grandes composantes pour choisir son outil : le ou les modèles utilisés et le logiciel qui fait tourner les agents de code. Pour les deux, il faut faire de la veille et tester assez fréquemment ce qui marche le mieux. Pour les modèles, j’aime bien regarder les classements d’OpenRouter, car cela donne une idée de ce qu’il faut tester.
Pour le coding agent, c’est pareil : s’il y en a un à la mode, c’est sûrement parce qu’il est bon. Il y a aussi une notion de compatibilité. Claude Code fonctionne bien avec les modèles d’Anthropic. Mais attention : il peut y avoir des différences en fonction des langages et de la typologie de son application. Une autre grande crainte concerne la sécurité et ce que vous avez le droit d’utiliser comme modèle. Après, comme pour les IDE, c’est aussi une histoire de goût.
L’IA est perçue à la fois comme un assistant efficace et une menace potentielle pour le métier de développeur. En tant qu’acteur de l’écosystème de l’IA générative en France, quel est votre regard sur ce sujet ?
Ce n’est pas spécifique aux développeurs. Tous les métiers cognitifs vont être redéfinis. L’IA va démultiplier la capacité de production, la vitesse d’itération et la qualité moyenne des livrables.
Le métier de développeur en tant qu’artisan du code va disparaître progressivement. Mais le rôle de concepteur de systèmes, lui, prend toute sa valeur : comprendre les enjeux métiers, structurer les flux de données, penser les architectures et arbitrer les compromis techniques.
Les développeurs qui sauront piloter des agents IA, structurer des pipelines de code et raisonner à un niveau d’abstraction plus haut auront plus d’impact que jamais.
Les autres, ceux qui n’ont fait qu’écrire du code, vont avoir plus de mal à apporter de la valeur face aux IA d’ici peu. Une porte de secours pour eux reste peut-être de se spécialiser sur un domaine technique pour résoudre les problèmes les plus complexes techniquement.
Quelles compétences sont devenues aujourd’hui essentielles pour un développeur qui souhaite tirer le meilleur parti de ces outils IA, sans en devenir (trop) dépendant ?
Les compétences fondamentales n’ont jamais été aussi cruciales. L’IA a rendu l’écriture de code presque triviale, mais elle a décuplé l’importance des choix d’outils, d’architecture et d’orchestration. Savoir comment combiner les bons modèles, configurer un environnement cohérent et structurer les flux de travail devient un levier stratégique. Le refactoring reste une compétence aussi essentielle : les modèles produisent vite, mais souvent de façon verbeuse, approximative ou redondante.
Nettoyer, factoriser, maintenir la cohérence d’ensemble, c’est là que se joue la valeur ajoutée humaine.
Mais la vraie révolution, c’est l’émergence de l’usine logicielle. On entre dans une ère où un seul développeur peut piloter une constellation d’agents spécialisés : certains écrivent du code, d’autres testent, documentent, optimisent les performances ou gèrent les déploiements. Ces agents vont bientôt déléguer eux-mêmes des tâches à d’autres, formant des chaînes de production autonomes capables de faire avancer des dizaines de chantiers en parallèle.
Le rôle du développeur, c’est d’apprendre à concevoir, à configurer et à superviser cette usine d’agents IA. L’enjeu n’est plus d’écrire du code, mais de construire le système qui le produira et de s’assurer qu’il reste aligné sur les besoins métiers.
Chez AGO, nous préparons notre plateforme pour ce futur, où une large partie de la documentation sera écrite par les agents IA pour être ensuite utilisée à divers endroits de l’entreprise.
Dans le cadre de l’événement Imagine Summit, vous participerez à une table ronde sur la transformation des métiers du développement par l’IA. Quel sera l’objectif de cette intervention, et avec quels autres experts échangerez-vous ?
Lors de cette table ronde, qui aura lieu le 4 décembre prochain dans le cadre d’Imagine Summit, l’objectif sera de montrer concrètement comment l’IA redéfinit les métiers du développement. L’idée est d’explorer cette transition : comment on passe d’un développeur qui code à un développeur qui conçoit, orchestre et contrôle.
L’IA est devenue un copilote du code. Elle apporte des gains de productivité massifs, mais elle introduit aussi de nouvelles responsabilités : vérifier la cohérence du code généré, garantir la sécurité, comprendre les choix que fait la machine.
Je partagerai la vision d’AGO sur cette évolution du rôle du développeur, et l’émergence progressive de structures plus automatisées, où plusieurs agents assistent le développeur sur des tâches complémentaires. Ce n’est pas encore une révolution achevée, mais on en voit les fondations.
L’échange avec Jacques Le Mancq (Broadpeak) et Kim Bourget (Groupe SNCF) permettra d’avoir une vision croisée entre tech, industrie et innovation publique. Trois contextes très différents, mais tous confrontés à la même question : comment intégrer l’IA sans perdre la maîtrise du développement logiciel.
Maxime Thoonsen, Cofondateur
Maxime Thoonsen est le cofondateur d’AGO, une startup française qui développe une plateforme d’agents IA opérationnels pour le support client. Ces agents peuvent répondre à des questions complexes et effectuer des actions dans les back offices. Il est aussi le président de l’association Generative AI France, qui organise des événements pour partager les bonnes idées autour de l’IA générative dans la tech et le product.
https://www.blogdumoderateur.com/ia-copilote-code-developpement-web-nouvelle-ere/
Intelligence artificielle
Décryptage
« Sincèrement, je ne connais pas un seul développeur qui n'utilise pas d'assistant IA pour coder » : comment l'intelligence artificielle percute les métiers tech
Les assistants de code par IA ont déjà envahi le quotidien des développeurs. La taille des équipes pourrait à terme se réduire, défavorisant particulièrement les jeunes recrues.
Microsoft
Emploi & Salaires
Chez Microsoft, entre 20 et 30 % du code est déjà généré par IA.
Chez Microsoft, entre 20 et 30 % du code est déjà généré par IA. (Photo iStock)
Par Joséphine Boone
Publié le 16 nov. 2025 à 11:25Mis à jour le 16 nov. 2025 à 11:50
Votre abonnement vous permet d’accéder à cet article
L'interrogation émerge peu à peu dans la communauté des « devs ». L'avènement de l'intelligence artificielle est-il mauvais signe pour la profession ? Depuis la sortie de ChatGPT il y a bientôt trois ans, les assistants d'IA pour coder ont fait florès et leurs performances accélèrent à une vitesse fulgurante.
Cursor, GitHub Copilot, Claude Code… Les logiciels spécialisés ont rapidement envahi la communauté, des start-up aux géants de la tech. Le patron de Microsoft, Satya Nadella, reconnaissait cet été que 20 à 30 % du code généré par la société l'était grâce à l'IA. En juin, l'ex-patron de GitHub Thomas Dohmke soutenait même aux « Echos » que bientôt, « plus de 90 % du code sera écrit par l'intelligence artificielle ».
Douche froide
Une tendance inexorable qui a fait basculer la réalité du métier : en quelques années, la profession de développeur semble être passée des plus recherchées par les entreprises à un métier parmi les plus bouleversés par l'IA générative.
« Certains de nos clients nous disent qu'ils peuvent faire plus avec moins de développeurs, c'est très clair. Des projets qui nécessitaient une vingtaine d'ingénieurs il y a quelques années demanderont demain 5 ou 6 personnes seulement », affirme Mukund Jha, fondateur de l'outil de code assisté par IA Emergent.
Lire aussi :
DECRYPTAGE - La révolution du « vibe coding », l'IA pour les codeurs, se heurte déjà à ses premières limites
DECRYPTAGE - Comment les géants du logiciel tentent de survivre à l'ère de l'IA
Certaines entreprises outre-Atlantique, amplifient ces craintes. Marc Benioff, le patron de l'éditeur de logiciels Salesforce, a déclaré dès l'année dernière qu'il s'apprêtait à réduire les embauches d'ingénieurs et développeurs. Microsoft a remis une pièce dans la machine cet été en annonçant le licenciement de 6.000 salariés, dont quelque 3.000 développeurs aux Etats-Unis. Une vraie douche froide.
Mais derrière les annonces des géants de la technologie, la réalité n'est pas si tranchée. Côté européen, le mouvement pourrait prendre davantage de temps. « Je ne vois pas encore d'impact significatif sur une éventuelle baisse du nombre d'offres d'emploi ou de la taille des équipes, car la demande de projets d'IA des clients est bien présente », observe Pauline de Lavallade, développeuse et directrice de la recherche au sein du cabinet AI Builders.
Basculement de compétences
Le quotidien de tous les développeurs, en revanche, évolue : productivité accrue, augmentation du temps consacré à la revue de code… Une activité d'autant plus chronophage que les logiciels d'IA ont eux aussi leur part d'erreurs.
Les compétences requises changent elles aussi. La maîtrise des outils d'IA pour coder est désormais une question poséelors des entretiens d'embauche. « Sincèrement, je ne connais pas un seul développeur qui n'utilise pas d'assistant IA pour coder à l'heure actuelle, glisse un profil senior dans une start-up tricolore. Pour moi, être réticent à utiliser ce genre d'outil est une grosse erreur, et surtout un facteur de déclassement. »
Lire aussi :
ZOOM - La Gen Z débarque sur un marché du travail déjà transformé par l'IA
DECRYPTAGE - « Ça va faire mal pour les développeurs juniors » : les progrès fulgurants des start-up d'IA pour coder
Dans ce contexte, les développeurs plus qualifiés ont une longueur d'avance. « L'émergence de l'IA pourrait davantage se répercuter sur les profils juniors, moins qualifiés, car on demande maintenant aux ingénieurs d'être multitâches », commente Pauline de Lavallade.
Même son de cloche pour le fondateur d'Emergent. « J'ai le sentiment que la demande de logicielle n'est pas près de s'arrêter. Les développeurs vont devoir monter en compétence pour prendre plus de décisions de conception, au-delà de l'ingénierie. Nous observons des équipes où sont massivement embauchées des personnes qualifiées, davantage que des juniors. Mais les outils de génération de code par IA permettent en parallèle de multiplier les compétences en étant capables de programmer en plusieurs langages par exemple. »
Joséphine Boone
Thématiques associées
Microsoft
Emploi & Salaires
Nvidia : le fonds du milliardaire Peter Thiel vend la totalité de ses actions dans le fabricant de puces
Cette décision intervient après la cession par SoftBank de sa participation dans Nvidia. Les inquiétudes sur une bulle d'investissement dans l'IA se renforcent.
Lire la suite
Les Echos
you see this when javscript or css is not working correct