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| ====== Le Monde – « J’avais l’impression d’être hors du temps » : pour souffler ou apaiser leurs souffrances psychiques, de nombreux jeunes optent pour la retraite en monastère ====== | |
| https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2025/10/12/j-avais-l-impression-d-etre-hors-du-temps-pour-souffler-ou-apaiser-leurs-souffrances-psychiques-de-nombreux-jeunes-optent-pour-la-retraite-en-monastere_6645886_4497916.html | |
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| Le parc et la chapelle Saint-Joseph du centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. | |
| JEAN-MARIE HEIDINGER POUR « LE MONDE » | |
| « J’avais l’impression d’être hors du temps » : pour souffler ou apaiser leurs souffrances psychiques, de nombreux jeunes optent pour la retraite en monastère | |
| Par Zoé Grandjacques | |
| Par Zoé Grandjacques | |
| Par Zoé Grandjacques | |
| Article réservé aux abonnés | |
| Enquête Alors que la santé mentale des jeunes se dégrade, certains perçoivent les lieux religieux comme une solution à leurs crises existentielles. Une forme de psychiatrisation de la sphère monastique qui fait craindre des dérives. | |
| « Vous voulez savoir à quel point les choses vont mal ?, demande MC, New-Yorkaise de 28 ans, dans un TikTok devenu viral. J’ai voulu réserver une place au monastère pour l’été, et je viens d’avoir un mail des nonnes m’informant que le lieu est complet pour les trois prochains mois pour les personnes voulant faire vœu de silence. » Visionnée plus de 1 million de fois, la vidéo a suscité de nombreux commentaires. Des utilisateurs du monde entier y font part de leur désir partagé de rejoindre un lieu religieux : « J’ai tellement besoin de ça et pourtant je ne suis pas croyant » ; « il y a un monastère en Italie où j’essaie d’aller depuis trois ans, ils sont toujours complets ». | |
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| Alors qu’elles peuvent paraître d’un autre temps, les retraites monastiques attirent de plus en plus de jeunes adultes – croyants ou non –, en quête d’une parenthèse paisible, à bas coût (les contributions financières y sont souvent libres ou aux environs de 30 euros la nuitée). Une tendance que Nicolas Chatain et Valentine Dehont, anciens élèves de HEC, ont bien sentie, en lançant Ritrit. Fondée en 2018, la start-up associative constitue un équivalent monastique d’Airbnb, pensée pour faciliter la relation entre les établissements religieux et les jeunes générations. Depuis le confinement, les demandes de réservation sur la plateforme, qui recense 150 lieux de retraite, ne cessent de grimper. Augustin Marbacher, directeur de la structure, évoque 16 000 demandes en 2022 et… 76 000 en 2024, avec 59 % des demandeurs qui ont moins de 39 ans. Du côté des établissements religieux, beaucoup ont affiché complet à l’été 2024. | |
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| Face à l’agitation d’un monde ultraconnecté et rempli d’injonctions à la productivité, le réveil au chant du coq, les journées cadrées et les silences de cathédrale semblent faire rêver une jeune génération frappée par une perte de sens et une dégradation de la santé mentale. Selon un rapport de Santé publique France, publié en 2023, un jeune sur cinq aurait connu un épisode dépressif en 2021. Dans ce contexte d’instabilité, de manque de repères, voire de souffrance, les lieux religieux se retrouvent perçus non plus comme de simples espaces de repos, mais comme des solutions à des crises existentielles profondes, traduisant une forme de psychiatrisation non encadrée de la sphère monastique. | |
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| « J’avais besoin d’un cadre » | |
| Diane (les personnes citées par leur prénom ont requis l’anonymat), qui vit en grande banlieue parisienne, revient tout juste d’une retraite de trois jours en Normandie : « J’avais besoin d’un cadre, la foi a toujours su me rassurer, donc je me suis dit : “Autant aller directement dans un endroit religieux.” » Diagnostiquée autiste et souffrant d’un trouble de l’attention, elle a trouvé dans l’organisation ritualisée et le calme du monastère un climat qui l’apaise, alors qu’elle traverse une période de bouleversements amoureux, familiaux et professionnels. Loin des stimulations de la ville, la pierceuse de 19 ans se lève aux aurores, replonge dans la lecture, se promène le long des rivières et partage la vie des sœurs. | |
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| Le soir, elle dort dans une pièce où ne se trouvent qu’un lit, une coiffeuse, une armoire et un évier. « C’était le cadre le plus calme du monde, c’était presque un peu flippant. La nuit, j’étais toute seule, et les vitres, ce n’est pas l’isolation du siècle. Parfois, ça faisait “foouuuuuuu”. J’étais dans mon lit, à jouer à Pokémon pour me rassurer. » L’organisation de la journée est elle aussi sans fioritures, faite de rendez-vous qui scandent l’avancée du temps, en contraste avec les sollicitations incessantes et tous azimuts du monde moderne. « En vrai, tu fais ce que tu veux là-bas. Moi, j’étais là pour participer à la vie des bonnes sœurs, voir leur quotidien. Donc, lever à 5 h 30, dernière prière à 20 h 45. C’est très réglé, ça m’a impressionnée. » | |
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| Cette rythmicité propre à la vie monastique rassure Diane, qui éprouve un grand besoin de souffler. « On en demande beaucoup aux jeunes générations, il faut qu’on soit productifs, mais que, mentalement, on soit bien dans nos baskets… Parfois, une pause, où l’on peut être un peu vulnérable et ne rien devoir à personne, est la bienvenue. » Ajoutant : « En tant que femme, c’était aussi très agréable de n’être qu’avec les sœurs, où il n’y a pas de regard pour te juger physiquement. T’as des vêtements amples, pas de maquillage, cheveux au naturel, ça fait trop du bien mentalement. » Pour la jeune femme, le cadre monastique fait un peu office de psy invisible : « La religion, pour moi, c’est comme avoir un confident. Parfois, je suis dans mon lit et je vide mon sac. » | |
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| Dans le parc du centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. | |
| Dans le parc du centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. JEAN-MARIE HEIDINGER POUR « LE MONDE » | |
| Peu avant son départ pour le monastère, Diane avait partagé un TikTok pour annoncer sa retraite. « Enormément de jeunes femmes m’ont contactée, se rappelle-t-elle, souvent dans la vingtaine, qui n’avaient pas forcément de signes religieux sur elles ou sur leurs comptes. » De fait, cet attrait pourrait sembler atypique puisque 67 % des 18-29 ans se déclaraient « sans religion » dans une étude de l’Insee parue en 2023. Pourtant, pour Philippe Huguelet, psychiatre aux hôpitaux universitaires de Genève (Suisse), le cadre religieux continue de constituer un « domaine de sens » assez identifié dans une « société qui se délite, où les jeunes ont de moins en moins de repères ». « Le paradigme religieux reste une réponse facile, préprogrammée pour les grandes questions existentielles de l’humanité », souligne-t-il. | |
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| Moins clivées et codifiées que celles de leurs aïeux, les pratiques religieuses des jeunes n’ont, en fait, pas disparu, mais ont évolué, avec un aspect plus « flottant ». Dans leur ouvrage La Religion dans la France contemporaine. Entre sécularisation et recomposition (Armand Colin, « U », 2021), les sociologues Jean-Paul Willaime et Philippe Portier concluent que le rapport à la religion est aujourd’hui beaucoup plus expérientiel, sécularisé, et permet d’« offrir du sens, mais aussi, parfois, de la norme, à une modernité désormais pétrie d’incertitudes ». Plus qu’un mode de croyance, l’univers religieux est envisagé à la manière d’un guide du sens pratique qui peut toucher n’importe qui, avec des visées parfois solutionnistes. | |
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| A 26 ans, Robin, importateur en vin et ancien journaliste, a effectué plusieurs retraites au sein de l’abbaye Sainte-Marie de Lagrasse, dans l’Aude. Athée, et quelque peu hostile à la religion après un parcours en école privée catholique où il a eu à supporter des « débats surréalistes », il rencontre, à l’occasion d’un reportage, la communauté des chanoines réguliers de la Mère de Dieu. Séduit par le cadre et la communauté – pourtant considérée comme traditionaliste et ouvertement défiante, à l’époque, vis-à-vis du pape François, jugé « trop réformateur » –, il y revient pour souffler, à l’issue de « terrains difficiles ». « J’ai travaillé au Moyen-Orient, où j’ai assisté à des scènes traumatiques. Le monastère, ça me permettait de me vider la tête et de reboot. » | |
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| Statue de la Vierge à l’enfant dans le centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. | |
| Statue de la Vierge à l’enfant dans le centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. JEAN-MARIE HEIDINGER POUR « LE MONDE » | |
| Souvent, la première chose qui séduit les retraitants est la rupture radicale avec les injonctions du monde moderne. Dans le village médiéval, niché sur une colline, la connexion passe mal. « C’est très silencieux, il n’y a pas de bruits ambiants ou de lumières parasites », se remémore Robin. Sur place, il se lève à 4 heures pour les premiers offices en latin, qu’il décrit comme « méditatifs ». Ceux-ci durent jusqu’à 9-10 heures. Il se souvient du silence des moines : « C’est assez agréable de ne pas ouvrir la bouche le matin. » Puis il déjeune au son des chants du curé. Le mercredi après-midi, il observe les frères jouer au volley-ball ou au badminton en robe dans la cour. « J’avais l’impression d’être hors du temps, hors de l’espace et des problèmes extérieurs », raconte-t-il. | |
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| Cet appétit pour les retraites monastiques est alimenté en grande partie aujourd’hui par les réseaux sociaux. Véritables espaces de partage d’expériences religieuses, parfois d’esthétisation à la limite du prosélytisme, ceux-ci servent de vitrine à un catholicisme nouvelle génération, où les utilisateurs dévoilent leurs « routines carême », et où les curés maîtrisent les filtres Instagram aussi bien que l’encensoir. Un intérêt que les plateformes comme Ritrit ont saisi en effectuant une communication numérique multipliant les clins d’œil complices en direction de la génération Z. « On a facilement des vidéos avec plus de 100 000 vues, avec juste un montage basique, je pense que les gens aiment bien voir des religieuses, c’est décalé et ça plaît », analyse Augustin Marbacher. | |
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| « Le monastère plutôt que l’HP » | |
| Les retraitants arrivent au monastère avec des problématiques très diverses, allant du simple besoin de déconnexion à la crise psychique aiguë, en passant par le burn-out professionnel. A l’été 2024, Bénédicte, 23 ans, est hospitalisée après une tentative de suicide. Lasse de faire « hospitalisation sur hospitalisation », elle tape dans sa barre de recherche « monastère orthodoxe ». Quelques jours plus tard, la jeune femme est en route pour le monastère de Solan, perché entre les Cévennes et la vallée de la Tave, à La Bastide-d’Engras (Gard). | |
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| Dans la bâtisse entourée de vignes, où elle se repose, jardine et prépare des confitures avec les bonnes sœurs, elle aussi documente son quotidien sur son compte TikTok (@unstablebene), suivi par près de 60 000 abonnés. Devant la caméra, elle se réjouit d’avoir choisi le « monastère plutôt que l’HP ». Les vidéos, publiées en août 2024 et supprimées depuis, suscitent un vif intérêt. « Combien ça t’a coûté ? » ; « peut-on faire une retraite si on est athée ? », s’enquièrent les followers. Six mois plus tard, elle expliquait recevoir encore quotidiennement des messages, essentiellement de la part de jeunes femmes, souvent mineures, en quête de sens et de réponses à leur mal-être. | |
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| Ne supportant plus les divers sevrages qu’elle s’était imposés à ce moment-là (drogue, tabac et médicaments), Bénédicte finit par quitter les lieux, reconnaissant que sa situation nécessite une aide médicale. Elle considère néanmoins ce passage comme un « déclic », signant le « début d’une nouvelle vie ». | |
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| Ce qu’un certain nombre de retraitants soulignent, c’est, sans pour autant embrasser les valeurs religieuses, le sentiment de voir leur dimension « spirituelle » enfin prise en compte. Après avoir mené plusieurs études sur les liens entre la psychiatrie et les religions et les spiritualités, Philippe Huguelet avance : « Ce qu’on a démontré, c’est que la religion est étonnamment utile, donc qu’il y a un gain évident à collaborer avec les structures religieuses des patients, plutôt qu’à s’y opposer. » | |
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| L’office des laudes, célébré tôt le matin dans la chapelle Saint-Joseph du centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan) le 9 mai 2025. | |
| L’office des laudes, célébré tôt le matin dans la chapelle Saint-Joseph du centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan) le 9 mai 2025. JEAN-MARIE HEIDINGER POUR « LE MONDE » | |
| Au travers d’une vaste étude menée sur des patients psychotiques (« Toward an Integration of Spirituality and Religiousness into the Psychosocial Dimension of Schizophrenia » – « vers une intégration de la spiritualité et de la religiosité dans la dimension psychosociale de la schizophrénie » –, publiée dans l’American Journal of Psychiatry, en 2006), le psychiatre et son équipe ont pu démontrer que le coping (la manière dont quelque chose peut être utilisé pour faire face à une difficulté) religieux était positif, ayant un résultat bénéfique pour le patient dans 70 % des cas. | |
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| « Si une personne bienveillante vous fait parler de vos problèmes, qu’elle soit psychologue, psychanalyste ou religieux honnête, ça fonctionne. Les thérapeutes d’aujourd’hui sont un peu les curés d’hier. » Ainsi, plutôt que de faire de la spiritualité et de la médecine deux antagonistes, Philippe Huguelet défend une vision complémentaire. Il ajoute : « La collaboration vise d’ailleurs à éviter qu’un religieux déboule et incite un patient à ne pas prendre son traitement. La chape de la laïcité fait que les religieux savent que, s’ils prennent des rôles thérapeutiques, ils débordent. » | |
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| Mais n’y a-t-il pas un risque à voir s’institutionnaliser cette zone grise entre repos, spiritualité et thérapie ? Aussi bienveillant et cadré soit-il, le monastère ne peut évidemment pas compenser une prise en charge par des médecins spécialisés, surtout pour les pathologies les plus graves. | |
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| Au centre jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), qui propose des retraites axées sur la santé mentale, comme « Burn out : comment rebondir ? », « Stop ! Je me pose » ou « Qu’est-ce que je fais dans cette galère ? », le directeur, Patrick Sicard, ancien coach professionnel, tient à ce que les choses soient claires : « Nous n’avons pas de prétentions ou de légitimité thérapeutiques. » Ainsi, si les retraitants arrivent souvent avec des problématiques psychologiques ou affectives, la réponse reste « d’ordre spirituel pour les aider à retrouver du sens ». | |
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| Vue sur le golfe du Morbihan du centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. | |
| Vue sur le golfe du Morbihan du centre spirituel jésuite de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. JEAN-MARIE HEIDINGER POUR « LE MONDE » | |
| Appliquant des retraites selon saint Ignace, souvent silencieuses et méditatives, visant à observer les « mouvances en nous », le directeur poursuit : « On accueille les personnes telles qu’elles sont, en les accompagnant à leur rythme avec une écoute bienveillante. On est attentifs à leur état de fatigue psychologique, affirme-t-il. Dans notre session “Touchés par le deuil”, nous évitons de prendre des personnes dans les six mois qui suivent le décès [qui les affecte], car ce sont des cas qui demandent souvent des compétences que l’on n’a pas. » | |
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| Par ailleurs, l’équipe du centre, formée à l’écoute par le biais d’un mécanisme de supervision en interne et par l’intervention d’un professionnel de santé dans le parcours, est en contact avec des thérapeutes, sollicités régulièrement pour savoir comment agir lorsqu’un retraitant montre des signes de fragilité. « On est confrontés à beaucoup de personnes qui ont vécu des abus, détaille-t-il. Il y a donc une vraie attention sur ces abus : comment on les détecte, comment on les aborde et comment on les accompagne. » | |
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| Dérives | |
| Malgré ces garde-fous, il arrive que spirituel et médical se chevauchent et créent des situations à risque pour les retraitants. Mélanie Debrabant, présidente de l’association Fraternité Victimes et médecin généraliste appelle à la vigilance. « De manière générale, la maladie mentale n’est toujours pas totalement vue comme une maladie en soi dans la société, rappelle-t-elle. En fonction de là où on va, on peut faire face à des cas où il y a une confusion entre maladie psychique et péché ou faiblesse. » | |
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| Elle met en garde contre la « spiritualisation des symptômes » qui peut mener à une culpabilisation, voire à un isolement ou à une emprise sur le retraitant. Et souligne : « Le risque, souvent, c’est d’être happé par un accompagnateur dans une communauté qui peut inciter un jeune fragilisé à couper les ponts avec sa famille ou arrêter un traitement. Là où on exclut les autres acteurs de soin, où l’on décrédibilise la médecine, c’est un signal d’alerte majeur, que ce soit dans l’église ou dans les retraites holistiques. » | |
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| A ce titre, certaines pratiques psychospirituelles, comme le mouvement Cenacolo (ou communauté du Cénacle), qui propose un accueil pour les personnes souffrant d’addiction, afin de les aider à retrouver du sens, suscitent les interrogations de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Contactée par mail, la Miviludes a ainsi relevé comme points d’inquiétude : le retrait des documents d’identité à l’entrée, l’impossibilité pour les proches de venir rendre visite, le fait que la communauté semblerait prôner une guérison uniquement par la prière, l’obligation de participation à des moments de partage, ainsi que des réveils nocturnes obligés. | |
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| Sculpture de l’artiste Henri-Pierre Thouzeau dans le parc du centre spirituel de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. | |
| Sculpture de l’artiste Henri-Pierre Thouzeau dans le parc du centre spirituel de Penboc’h, à Arradon (Morbihan), le 9 mai 2025. JEAN-MARIE HEIDINGER POUR « LE MONDE » | |
| En 2019, Emeline, aujourd’hui enseignante, a 19 ans. Celle qui a grandi dans une famille catholique coutumière des messes selon la forme extraordinaire (type de culte refusant de célébrer la messe de la manière établie au terme du concile Vatican II) fait alors face à plusieurs troubles : stress post-traumatique, dépression, troubles dissociatifs, anxieux et du comportement alimentaire, dus à des abus vécus dans la sphère familiale. Sa mère l’incite à ne pas consulter de psychologue et l’emmène faire une retraite. « Elle se doutait que j’avais une relation avec une femme », ajoute-t-elle. Sur place, le vœu de silence est imposé pendant deux semaines, les activités et les confessions sont obligatoires, et la porte de la chambre ouverte sans possibilité d’intimité. | |
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| Elle découvre sur place que sa mère a pris, à son insu, un rendez-vous avec un prêtre exorciste. « Elle pensait que mon mal-être était dû à des influences démoniaques, se rappelle Emeline. Et c’est une démarche qui n’a pas du tout été questionnée par le prêtre. » Elle lui confie avoir subi des violences de la part de ses parents. « Sa réponse a été de “confier ces douleurs dans la prière et de prier” pour m’en sortir. » Tenue au silence, dans un monastère isolé au milieu des champs de la région Centre-Val de Loire, Emeline regrette l’indifférence du corps religieux face à sa situation. Par cet univers, elle confie être « restée traumatisée pendant longtemps ». Un sentiment qu’elle a pu atténuer au fil des années, en particulier grâce aux thérapies et aux traitements psychotropes. « Les questions de santé mentale et religieuse peuvent s’articuler, mais avec une notion de liberté et de choix », conclut-elle. | |
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| De façon globale, Mélanie Debrabant rappelle qu’il faut « toujours questionner le cadre, s’assurer que l’on puisse véritablement faire confiance ». « Mon conseil, quand on fait une retraite, qui peut être par ailleurs un très bon moment de réflexion et de recul sur sa vie, c’est chercher avant, sur Internet, si la communauté figure dans la Miviludes, ou s’il y a eu des enquêtes canoniques à son sujet. » Par ailleurs, des associations comme Aide aux victimes de dérives dans les mouvements religieux en Europe et à leurs familles s’organisent pour documenter et prévenir les dérives. | |
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| A ce sujet, Ritrit accorde une attention particulière aux commentaires des retraitants, pour éviter de proposer à un public parfois fragilisé des séjours qui vireraient à l’expérience traumatique : « On a des retours qui sont pour nous un moyen de vérifier que les lieux sont sûrs. Dans l’Eglise, depuis quelque temps, il y a eu un vrai travail pour ne pas mélanger le spirituel et le psychiatrique », appuie Augustin Marbacher. Mais il concède qu’au-delà de ce travail de veille la qualité de l’accompagnement, éminemment personnalisé, dépasse largement la compétence de Ritrit. « On est vraiment dans le cœur de l’intimité des personnes », souligne celui pour qui les seuls retours négatifs de clients insatisfaits se résumeraient à « j’ai eu froid » et « je me suis senti un peu seul ». Quant au réveil aux aurores, personne, apparemment, ne s’en est plaint. | |
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| Zoé Grandjacques | |
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