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| ====== Le Monde – Ces « hommes performatifs » qui font de la déconstruction un étendard et du féminisme une esthétique ====== | |
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| Débats | |
| Ces « hommes performatifs » qui font de la déconstruction un étendard et du féminisme une esthétique | |
| Le « performative male » (« homme performatif »), nouveau modèle de masculinité, est omniprésent sur les réseaux sociaux. Souvent moqué, il se voit reprocher son hypocrisie et son militantisme superficiel, trop ostentatoire pour être honnête. | |
| Par Anne-Toscane Viudes | |
| Par Anne-Toscane Viudes | |
| Par Anne-Toscane Viudes | |
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| Cette photo prise et diffusée par le journal étudiant « Yale Daily News » montre le concours de meilleur « homme performatif », sur le campus de Yale, dans le Connecticut, aux Etats-Unis, le 6 septembre 2025. | |
| Cette photo prise et diffusée par le journal étudiant « Yale Daily News » montre le concours de meilleur « homme performatif », sur le campus de Yale, dans le Connecticut, aux Etats-Unis, le 6 septembre 2025. BAALA SHAKYA/YALE DAILY NEWS | |
| Histoire d’une notion. En ce 6 septembre, des dizaines de jeunes hommes au look très étudié se pressent sur la pelouse du campus de l’université Yale (Connecticut). Tote bag à l’épaule, ongles vernis et thé matcha à la main, ils espèrent tous remporter le concours de meilleur performative male (« homme performatif »). La compétition a attiré ce jour-là un demi-millier d’étudiants, selon le Yale Daily News : rien d’étonnant, puisque ce terme se répand à toute allure sur les réseaux sociaux depuis l’été. Il désigne, toujours avec ironie, un nouvel archétype masculin, fier de son féminisme et de ses convictions progressistes. Noémie Marignier, maîtresse de conférences en sciences du langage à l’université Sorbonne-Nouvelle, précise que « la dénomination “performative male” est immédiatement critique : aucun homme ne se définit ainsi ». | |
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| La chercheuse rappelle qu’il y a deux manières de traduire et de comprendre le mot « performative » : « Il y a d’abord le sens de performance, qui désigne la mise en scène publique de soi, mais aussi celui de performativité, qui renvoie à la “théorie des actes de langage”. » D’abord formulée par le philosophe britannique John L. Austin (1911-1960), cette théorie selon laquelle « dire, c’est faire » a été appliquée au domaine du genre par la philosophe américaine Judith Butler. Le concept de performativité recouvre l’ensemble des discours, choix vestimentaires et gestes que chacun de nous effectue quotidiennement, souvent sans y penser, pour manifester son appartenance à une identité de genre. En somme, résume Noémie Marignier : « Le genre, ce n’est pas ce qu’on est, c’est ce qu’on fait. » | |
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| Dans le cas des hommes performatifs, cette mise en scène de soi passe par un ensemble d’éléments devenus des sujets de plaisanterie dans les mèmes et vidéos TikTok : la coupe mulet, un essai féministe placé en évidence, des écouteurs filaires, une peluche porte-clés Labubu fièrement accrochée à un sac en toile, une attitude compassée face aux violences ou difficultés éprouvées par les femmes. Ce qui fait l’objet des railleries, et le succès des compétitions ironiques qui se multiplient à travers le monde, c’est l’application exagérée à prouver son irréprochabilité. C’est justement en cherchant à montrer au monde, et surtout aux femmes, qu’il est digne de confiance que l’homme performatif se tourne en ridicule. | |
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| Il peut sembler peu charitable, voire contre-productif, de se moquer d’hommes qui cherchent à s’émanciper des registres de la brutalité et du machisme. En vérité, ce n’est pas leur bonne volonté qui est reprochée aux hommes performatifs, mais leur vertu ostentatoire. Leur comportement serait inauthentique, motivé par un certain sens de la théâtralité, et plus encore par l’envie de séduire les femmes en correspondant aux critères que, supposément, elles valoriseraient. « Ce serait une manière de tirer de cette incarnation de la masculinité un certain nombre de bénéfices symboliques, relationnels et sexuels », résume Noémie Marignier, qui souligne ici une contradiction dans les mots : « Le terme “performatif” désigne ici des discours ou des actes qui ne seraient que du vent, des postures dépourvues d’impact, soit le contraire de ce que signifie au départ le concept de performativité ! » | |
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| « Reproduction du pouvoir » | |
| S’il entend incarner une masculinité moins agressive, ce tartuffe des temps modernes participe surtout à une recomposition de la hiérarchie des archétypes masculins, ce qui, poursuit Noémie Marignier, « se combine avec des enjeux de racialisation et de classe », notamment à travers une mise à distance de figures masculines « souvent associées aux milieux populaires ». « Pour incarner cette nouvelle masculinité, il faut occuper une position sociale privilégiée : tous ces apparats renvoient à des stéréotypes associés à des classes urbaines dotées d’un fort capital culturel et économique », abonde Laura Verquere, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lille. | |
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| En mobilisant des codes habituellement féminins ou propres aux masculinités queer (cheveux longs, jupes, vernis à ongles), « ces mises en scène participent moins d’une remise en cause de l’ordre de genre que d’une reproduction du pouvoir », analyse Laura Verquere : « Ces phénomènes d’appropriation ne servent pas les minorités, puisque ces traits ne deviennent désirables qu’à partir du moment où ils sont endossés par des personnes en situation de pouvoir : des hommes souvent blancs, hétérosexuels et issus de classes sociales favorisées. » En se réappropriant des références chargées d’une certaine valeur politique, les hommes performatifs sont accusés de faire de la déconstruction un étendard et du militantisme une esthétique. | |
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| Ils prétendent incarner un nouveau modèle de masculinité, capable de concilier domination économico-sociale et valeurs féministes. « L’importante circulation de cet archétype sur les réseaux sociaux et dans les médias permet aussi de souligner sa dimension “industrielle” et “industrialisable” – ce qui contribue à renforcer sa prétention hégémonique », souligne Laura Verquere. | |
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| La figure de l’homme performatif fait office de miroir déformant des supposées attentes liées aux nouvelles masculinités. Si d’apparence elle incarne un modèle plus souhaitable, cette prise de conscience purement cosmétique – voire cynique, lorsqu’elle utilise le féminisme dans son seul intérêt – est loin d’être suffisante à l’heure d’une inquiétante montée du masculinisme. | |
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| Anne-Toscane Viudes | |
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