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Impôts, dépenses, déficit… On a demandé à l'IA de faire le budget 2026 à la place du gouvernement
Alors que le gouvernement Bayrou vient d'être renversé, le vote du budget s'annonce encore très complexe cette année. Comment concilier les impératifs économiques, sociaux et politiques ? Voici la réponse inédite de quatre modèles d'IA.
Finances Publiques
François Bayrou
Le gouvernement de François Bayrou a été renversé avant même de soumettre sa proposition de budget au Parlement.
Le gouvernement de François Bayrou a été renversé avant même de soumettre sa proposition de budget au Parlement. (Photo AFP)
Par Joséphine Boone
Publié le 9 sept. 2025 à 17:55Mis à jour le 9 sept. 2025 à 19:41
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Le budget et la dette sont-ils devenus le talon d'Achille de la Ve République ? Depuis la dissolution en juin 2024, la fin d'année est devenue la séquence de tous les dangers à l'Assemblée. Au coeur des débats : le budget de l'Etat français, un périlleux exercice auquel s'est heurté Michel Barnier l'année dernière, et qui vient de coûter son siège de Premier ministre à François Bayrou.
De fait, les finances de la France sont à la peine. Le pays a été placé en procédure de déficit excessif par Bruxelles en juillet 2024, aux côtés de six autres pays. La facture a atteint 170 milliards d'euros de déficit en 2024, et 3.300 milliards d'euros de dette publique, soit 113 % du PIB de l'Hexagone.
Le gouvernement Bayrou a dévoilé en juillet un plan pour trouver 44 milliards d'effort total, avec pour mesures centrales une année blanche et la suppression de deux jours fériés. A gauche, le PS a rédigé une contre-proposition prévoyant 22 milliards de réduction de déficit notamment basés sur la fiscalité. Au Rassemblement national, les députés évoquent un projet à 100 milliards d'effort total, mais dont les contours sont très flous.
Face à des débats qui s'annoncent longs, et dont la conclusion est attendue au plus tard le 31 décembre, la rédaction des « Echos » a demandé à différents modèles d'IA de proposer leur propre version du budget pour l'année 2026. Avec une consigne : réduire le déficit, avec en ligne de mire un retour sous la barre des 3 % autour de 2030, sans aucune orientation politique (voir encadré). Voici les principaux enseignements de cet exercice inédit.
· Autour de 30 milliards d'euros de mesures de redressement en 2026
Alors que l'ex-Premier ministre s'orientait vers un budget avec 44 milliards d'euros d'effort, les IA sont, elles, moins ambitieuses. Elles penchent plutôt en faveur d'une trentaine de milliards économisés en 2026, avec une trajectoire allant néanmoins vers un déficit à moins de 3 % du PIB en 2029, conformément aux engagements européens. Ce qui induirait un effort plus élevé après 2026.
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Dans le détail, ChatGPT préconise environ 33 milliards d'euros de mesures de redressement en 2026, Gemini 32 milliards, Le Chat et Claude penchent tous deux pour 28 milliards d'effort total.
L'un des grands points d'achoppement entre les différents partis à l'Assemblée est celui des hausses d'impôts pour les ménages comme pour les entreprises. Le sujet ne semble cependant pas être tabou pour les différents chatbots interrogés, qui proposent notamment de toucher aux fameuses « niches fiscales ».
· Suppression de l'abattement sur les retraites
Le sujet hautement inflammable : la participation des retraités à l'effort budgétaire collectif, évoquée par François Bayrou, fait bondir certains partis. L'ensemble des modèles interrogés penchent cependant pour une suppression de l'abattement de 10 % d'impôts sur les retraites.
Gemini (Google) et Claude (Anthropic) proposent un plafonnement à 2.500 euros par retraité, qui dégagerait selon lui un gain d'environ 2,5 milliards d'euros. ChatGPT (OpenAI) propose de son côté de dégager 1,2 milliard d'euros en établissant un plafond de 3.000 à 4.000 euros pour les hauts revenus.
· Plafonnement du CIR
Toujours dans les niches fiscales est notamment visé le crédit d'impôt recherche (CIR), dont le coût annuel a représenté environ 7 milliards d'euros en 2024. Pour Gemini, il est nécessaire d'abaisser le plafond des dépenses éligibles pour éviter les effets d'aubaine et de mettre l'accent sur les PME. Le modèle estime que cette mesure peut rapporter jusqu'à 1,5 milliard d'euros. ChatGPT propose quant à lui de plafonner le CIR, voire d'exclure les grandes entreprises du dispositif.
· Contribution exceptionnelle des entreprises
Alors que de nombreux dirigeants et organisations patronales ont appelé à ne pas augmenter la fiscalité des entreprises, l'IA voit en elle une source de rendement budgétaire importante.
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Gemini entrevoit la possibilité de dégager pas moins de 5 milliards d'euros de recettes en 2026, en taxant notamment davantage les entreprises de l'énergie, du transport maritime et du secteur bancaire dont les bénéfices ont dépassé de plus de 20 % leurs bénéfices entre 2019 et 2022.
Claude et Le Chat penchent pour une contribution exceptionnelle, avec l'application d'un taux d'imposition à 3 % sur les bénéfices des grandes entreprises, soit 28%, au-delà de 10 millions d'euros. Selon Calude, cela pourrait rapporter un peu plus de 2 milliards d'euros par an, une estimation qui apparaît néanmoins assez faible.
· Fonction publique et année blanche
Chacun des quatre chatbots interrogés a identifié d'importantes sources d'économies au sein des administrations publiques, mais dans des proportions variables.
Plusieurs préconisent une « année blanche » pour les collectivités territoriales, avec des dotations identiques à celles de 2025. Pour Gemini, cela dégagerait 2 milliards d'euros d'économies. Il maintient en parallèle le nombre de salariés de la fonction publique stable.
Pour ChatGPT, il faut une année blanche pour l'ensemble des ministères hors Défense. Il estime que cela pourrait faire économiser 10 milliards d'euros. Un chiffre qui semble cependant surestimé.
Claude, lui, penche sur le non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois et la réduction de 15.000 postes au total, engrangeant 3,5 milliards d'euros d'économies. Le Chat parvient à chiffrer 5 milliards d'économies sur le fonctionnement de l'Etat mais ne précise pas réellement ses mesures pour y parvenir*.
· Impôt sur le revenu des plus aisés
ChatGPT, tout comme dans le plan de François Bayrou, préconise un prolongement de la mesure de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CDHR), qui rapporterait un peu plus d'un milliard d'euros en 2026.
Claude fait davantage bouger les lignes, avec un sujet plus inflammable au centre et à droite de l'échiquier politique : il évoque la mise en place de surtaxes temporaires sur les hauts revenus (+3 % au-delà de 100.000 euros de revenus par an pour une personne seule, +5 % au-delà de 250.000 euros).
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Le chatbot préconise aussi une suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU) pour les revenus du capital supérieurs à 50.000 euros par an. Il opte pour un retour à la progressivité qui pourrait rapporter près de 2 milliards d'euros à l'Etat, une mesure qu'avait tentée François Hollande, sans obtenir le rendement escompté.
Le Chat évoque aussi la création de nouvelles tranches pour les très hauts revenus et une augmentation des taux marginaux pour les tranches supérieures, comme l'avait appliqué le président socialiste lors de son quinquennat.
· Les modèles font-ils des erreurs ?
Globalement, les modèles d'IA sont peu inventifs : ils régurgitent majoritairement des mesures qui ont déjà été appliquées auparavant dans le budget ou proposés par diverses formations politiques.
Dans l'ensemble, la plupart des propositions faites par Gemini, ChatGPT et Claude sont cohérentes avec les trajectoires actuelles du budget et le contexte politique, même si certaines ont très peu de chances d'être votées par l'Assemblée actuelle.
Il existe néanmoins un certain nombre d'erreurs ou d'approximations en ce qui concerne l'évaluation des montants et l'applicabilité des mesures. A noter que la proposition établie par le modèle de Mistral est globalement peu détaillée par rapport à ses homologues malgré de multiples essais.
Le détail de chaque proposition est à lire ici.
Méthodologie
. Modèles testés : GPT-5 Pro, Claude Opus 4.1, Mistral Medium 3.1, Gemini 2.5 Pro
. Base documentaire : lois de finances depuis 2008 ou 2019 (selon capacités de stockage des modèles)
Voici le prompt dans son intégralité :
A l'aide de ces documents et de la recherche approfondie, tu prépareras une proposition pour le budget 2026 de l'Etat français. Tu peux à la fois chercher des sources d'économies en réduisant certaines dépenses, à la fois chercher de nouvelles recettes en augmentant certaines taxes et prélèvements. Tu mettras à contribution tout le corps social : entreprises, ménages, collectivités, privé et public pour que chacun prenne sa part dans l'effort national.
L'objectif : réduire de manière significative le déficit de la France avec en ligne de mire un retour sous la barre des 3 % autour de 2030
Voici quelques chiffres clés qui pourront te servir de base de départ : 1.501,6 milliards d'euros : montant global des recettes en 2024. 1.670,2 milliards d'euros : montant global des dépenses en 2024. 168,6 milliards d'euros : montant du déficit public en 2024, soit 5,8 % du PIB. 3.305,3 milliards d'euros : montant de la dette publique en 2024, soit 113,2 % du PIB.
Voici les contraintes : le déficit de la France ne devra pas augmenter en 2026. Tu prendras en compte le risque d'un vote négatif à l'Assemblée et au Sénat. Le budget doit passer l'étape du Parlement français avant le 31 décembre. Tu prendras en compte l'acceptabilité du projet : il ne doit pas entraîner un risque élevé de rejet de la part des citoyens pour éviter une mobilisation généralisée ou soulèvement d'une catégorie en particulier. Tu prendras en compte les contraintes législatives européennes et françaises. Le budget ne doit pas être retoqué par le Conseil d'Etat par exemple.
Joséphine Boone
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