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-====== Le Monde.fr: Les héritiers qui veulent tout garder : « Non mais, toi, tu as largement la place pour le buffet des parents ! » ======
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-ON NE L'AVAIT PAS VU VENIR
-ON NE L'AVAIT PAS VU VENIR
-Les héritiers qui veulent tout garder : « Non mais, toi, tu as largement la place pour le buffet des parents ! »
-CHRONIQUE
-Guillemette Faure
-Dans sa chronique, Guillemette Faure met en lumière les transformations invisibles de notre époque. Cette semaine, les héritiers qui veulent absolument garder les meubles de famille, mais de préférence chez leurs frères et sœurs vivant, eux, dans des cathédrales.
-Publié hier à 10h00   Temps deLecture 3 min.
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-Les conflits de partages font aussi le bonheur des sociétés de stockage, quand des familles s’accordent pour mettre « tout ça au garde-meuble le temps de trouver une solution » qui ne viendra jamais. THOMAS LOUAPRE/DIVERGENCE
-Pendant longtemps, les successions ont donné lieu à des disputes familiales où des fratries se déchiraient pour une soupière. Un nouveau phénomène est apparu depuis quelques années : la bataille menée par ceux qui veulent tout garder… mais pas chez eux (c’est complet), et qui tentent de convaincre le reste de la famille d’entreposer à domicile la bassine à confiture, l’armoire normande ou le plat à asperges. Car, si l’envie de garder la mémoire de son enfance est immuable, les surfaces disponibles, elles, se sont rétrécies.
-C’est arrivé près de chez nous
-Cela se produit généralement dans les mois qui suivent un décès, quand il faut vider la maison ou l’appartement d’un aïeul. Les commissaires-priseurs ont pincé le nez, les antiquaires n’ont rien vu d’intéressant à part un tabouret, les brocanteurs ont promis de débarrasser le domicile, « pour rien ». C’est le moment où l’on se rend compte que les objets n’ont de valeur que sentimentale.
-Des bibelots oubliés depuis des décennies dans des placards fermés rallument mémoire et souvenirs. Savoir qu’on n’a pas de place chez soi ne signifie pas qu’on soit prêt à s’en séparer. C’est alors que des grandes personnes, déchirées à l’idée de devoir renoncer à des meubles en chêne alors que leur logement déborde d’aggloméré suédois, tentent de convaincre leurs frères et sœurs de les prendre chez eux, histoire d’avoir moins le sentiment d’y renoncer.
-Voilà que des adultes (qui se savent chronologiquement les prochains sur la liste des maisons qu’il faudra vider) essaient de persuader leurs proches qu’un vaisselier pourra, dans quelques années, intéresser la prochaine génération. Chacun compte sur les autres pour servir de sas, entre les souvenirs d’enfance et la benne à ordures. Marie Kondō a mis dans la tête de millions de lecteurs qu’il fallait à la fois faire le vide chez soi et garder tout ce qui suscitait de l’émotion. Au moment de vider une maison de famille, la seule manière de concilier les deux, c’est de garder chez les autres.
-On aurait dû s’en douter
-Les conflits relatifs au « ce sera mieux chez toi » se nourrissent de deux mouvements concomitants : d’une part, l’âge des héritiers est de plus en plus tardif, 51 ans en moyenne en France – un âge auquel les placards des maisons et des appartements sont déjà pleins et où même les enfants comptent les centimètres carrés de libre dans leur logement. D’autre part, l’extension des métropoles induit que les plus jeunes générations ont plus de chance d’être en appartement en ville, sans garage ni grenier, que celles de leurs grands-parents (avec une maison d’arrière-grand-parent à la campagne, il y a de quoi équiper cinq appartements en ville).
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-Si une note du ministère de la transition écologique de 2022 indiquait qu’en 2020, la surface moyenne habitable des résidences principales en France s’établissait à 93,2 mètres carrés – 114,3 mètres carrés pour les maisons et 65,5 mètres carrés pour les appartements –, elle faisait le distinguo entre les générations : les surfaces habitables par personne étaient de 71 mètres carrés pour les 75 ans et plus et de 35 mètres carrés pour les 30-39 ans. La taille moyenne des maisons individuelles construites depuis 2010 continue de diminuer. Où voulez-vous rajouter un meuble ? Les pièces où l’on installait jadis buffets, secrétaires et guéridons sont désormais tapissées de caissons Ikea et de rangements intégrés.
-C’est arrivé à nos oreilles
-« S’il te plaît, prends la table, les parents l’adoraient, on ne peut pas la laisser filer. » « Prends-les, je ne veux pas avoir l’air d’abandonner leur vie sur un trottoir. » « Le problème des tables à rallonges, c’est qu’on ne peut pas les stocker dans le cloud. » « Quand j’ai compris que je devais mettre l’armoire de ma grand-mère à la cave, j’ai pleuré. » « Ma sœur aurait pu prendre la table basse, elle a de la place chez elle. » « Mon mari m’a dit qu’il allait en faire du petit bois pour la cheminée ! » « Ce bureau a déjà fait trois générations, on ne va quand même pas s’en séparer… » « Mon père avait écrit dans son testament qu’il me laissait son bureau, mais je n’ai pas la place. » « On ne peut pas jeter ça ! » « Tu n’as qu’à prendre les albums photo et nous envoyer les versions numérisées… »
-Effets immédiats
-Les conflits de partages jamais soldés remplissent greniers, garages, caves et résidences secondaires. Ils font aussi le bonheur des sociétés de stockage, quand des familles s’accordent pour mettre « tout ça au garde-meuble le temps de trouver une solution » qui ne viendra jamais.
-Risques d’emballement
-En plus des fratries, ces désaccords de répartition de succession peuvent créer des tensions au sein même des couples, où l’un s’emploie à convaincre l’autre qu’il n’a pas besoin des meubles de ses parents pour se souvenir de son enfance : un album photo ou un cendrier suffiront.
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-Guillemette Faure
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