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| https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/les-boomers-premier-parti-de-france-2183815 | |
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| ====== Les boomers, premier parti de France ====== | |
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| Qui sera, in fine, responsable de la probable chute du gouvernement Bayrou ? La génération du baby-boom, selon Gaspard Koenig. Alors que le gouvernement a décidé de réduire la dépense publique, comment justifier que les actifs se saignent pour que leurs aînés vivent mieux qu'eux. | |
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| Aujourd'hui, le niveau de vie des retraités a rattrapé voire dépassé celui de leurs enfants depuis les années 2000. | |
| Aujourd'hui, le niveau de vie des retraités a rattrapé voire dépassé celui de leurs enfants depuis les années 2000. (Photo iStock) | |
| Publié le 2 sept. 2025 à 08:30Mis à jour le 2 sept. 2025 à 08:34 | |
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| Selon l'adage bien connu de Tocqueville, « le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d'ordinaire celui où il commence à se réformer ». Nous y sommes. Ce gouvernement médiocre, composé sans clarté politique ni encore moins doctrinale, a soudain décidé de trancher dans le vif en réduisant la dépense publique de plusieurs dizaines de milliards d'euros. C'est un moment si dangereux qu'on voit mal comment il pourrait ne pas être fatal. | |
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| Tocqueville avait en tête le cycle des soulèvements et des changements de régime qui suivit la Révolution française. A l'époque, le déroulé était bien connu : statu quo, révolte des corps intermédiaires, révolution populaire et enfin chute du gouvernement. Or la séquence qu'on nous promet dans les prochaines semaines suit l'ordre inverse, selon un calendrier aimablement fourni par les différents acteurs : on commence par la chute du gouvernement (vote de confiance le 8 septembre), puis on attaque la révolution populaire (« bloquons tout » le 10 septembre) avant de donner la parole aux corps intermédiaires (appel des syndicats à la grève le 18 septembre) et de revenir selon toute probabilité à un statu quo toujours plus brouillon, les partis les plus vitupérants ne proposant que des ajustements paramétriques au système actuel (le contre-budget du PS est, à cet égard, d'une timidité remarquable). Pourquoi ce simulacre de rébellion contre un pouvoir impuissant ? Pourquoi tout ce théâtre pour, in fine, continuer comme avant ? | |
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| La dette d'une cohorte générationnelle | |
| La réponse a été donnée par le Premier ministre lui-même. A la toute fin d'un entretien télévisé, harassé par un été studieux et sans doute fébrile à l'idée de jouer dans les jours qui viennent son héritage politique, il a laissé échapper une chose inouïe et impardonnable dans la bouche d'un gouvernant : la vérité. Non pas la vérité sur la dette, que tout le monde connaît même si personne ne la prend au sérieux. Mais la vérité sur l'origine de cette dette. | |
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| Le Premier ministre a nommé les responsables : « les boomers », dont il fait d'ailleurs partie. Le tollé a été immédiat et unanime. Voilà pourquoi rien ne changera (jusqu'à la faillite) : parce que le premier parti de France, celui qui décide des élections, qui détient le capital et qui gouverne encore les milieux culturels, ce sont les boomers, nés après-guerre, enrichis par les Trente Glorieuses, débridés par la révolution sexuelle, soûlés de dépense publique, affranchis de toute culpabilité par la pensée de 1968, et aujourd'hui retraités prospères, écumant les festivals ou gambadant sur les chemins en tenue Quechua, sans s'inquiéter de laisser à leurs enfants un pays ruiné et une planète en feu. La dette écologique et financière accumulée par une seule cohorte générationnelle dans le but principal de jouir sans entraves est sans précédent. | |
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| Je sais bien que la responsabilité collective est une fiction, qu'il existe autant de situations que d'individus et que les grands-parents n'ont jamais autant fait de baby-sitting. Il n'empêche qu'on ne saurait échapper à une réalité structurelle désormais bien documentée par les études statistiques, depuis les travaux du sociologue Louis Chauvel jusqu'à ceux plus récents de l'économiste Maxime Sbaihi. | |
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| Les retraités possèdent davantage de patrimoine que les actifs, ce qui pourrait se comprendre. Mais comment justifier que leur niveau de vie ait, en moyenne (et nonobstant le drame des petites retraites), rattrapé voire dépassé celui de leurs enfants depuis les années 2000 ? Aujourd'hui, les actifs se saignent pour que leurs aînés vivent mieux qu'eux. Notre système de retraite par répartition repose sur l'imaginaire daté de vieillards plongés dans la misère ; or le taux de pauvreté des moins de trente ans est désormais deux fois supérieur à celui des plus de soixante-cinq ans. Le plus drôle, c'est que les entreprises continuent à offrir des tarifs seniors et les politiques des exonérations fiscales (le taux réduit de CSG sur les retraites), tandis que de plus en plus d'hôtels et de restaurants interdisent les enfants, trop bruyants, trop vivants. Difficile de mieux illustrer le pouvoir des boomers. | |
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| Depuis que j'ai l'âge de suivre la politique, on me répète que le pays est en crise. Mais c'est une crise qui arrange bien le parti des boomers. | |
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| Depuis que j'ai l'âge de suivre la politique, on me répète que le pays est en « crise ». Mais c'est une crise qui arrange bien le parti des boomers ; une crise qui nourrit la bulle immobilière, qui finance les assurances-vie avec des obligations d'Etat (la boucle est bouclée !) et qui place la sécurité au premier plan du débat public. Nous sommes devenus, démographiquement et surtout culturellement, un pays de vieux, où le principal espoir de fortune repose sur l'héritage (60 % du patrimoine des Français en provient). Il n'y a donc aucune raison que cette crise se termine. La partie des boomers a tout intérêt à danser jusqu'au bout de la nuit. Sa ruse suprême, c'est d'envoyer les jeunes défendre ses avantages, en déguisant la grande arnaque générationnelle sous les atours de la justice sociale. | |
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| Libérer la jeunesse du poids des rentes | |
| Ne voyez dans ces lignes nul « âgisme ». Je suis pénétré du respect des anciens et assez sceptique sur les capacités cognitives de la génération écran. Je voue une reconnaissance infinie et inconditionnelle à mes parents. Je regrette que les familles se débarrassent trop précipitamment de leurs aînés dans des établissements spécialisés. Et je garde une tendresse pour la pensée de 1968, ce tourbillon d'esprit critique. Il est simplement temps, tout en choyant nos parents et en accompagnant leurs vieux jours, de transmettre le contrôle de notre société à ceux qui la font aujourd'hui ou qui la feront demain. | |
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| Le Premier ministre a brandi la menace de la faillite. Et si c'était la meilleure solution pour libérer une fois pour toutes la jeunesse française du poids des rentes ? | |
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| Gaspard Koenig est philosophe. | |