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Quand les chiffres dérangent… Ces pays qui, à l'instar de Trump, ont limogé leurs statisticiens [ElseNews]

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Quand les chiffres dérangent… Ces pays qui, à l'instar de Trump, ont limogé leurs statisticiens

https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/quand-les-chiffres-derangent-ces-pays-qui-a-linstar-de-trump-ont-limoge-leurs-statisticiens-2180127

La nouvelle a secoué Washington en ce début août 2025 : Donald Trumpa soudainement limogé Erika McEntarfer , directrice du Bureau des statistiques du travail (BLS) après la publication d'un rapport sur le marché du travail qui lui a déplu.

Ce n'est pas une première : dans plusieurs pays du monde, les messagers des mauvaises nouvelles économiques sont parfois ceux qui en payent le prix fort.

· Argentine (2007) : la purge qui a ébranlé la confiance
Dans les bureaux feutrés de l'Institut national de la statistique et des recensements (Indec) de Buenos Aires, la matinée du 29 janvier 2007 restera gravée dans les mémoires comme le jour où l'indépendance des statistiques argentines a volé en éclats.

Le président Kirchner « veut votre tête », la prévient le supérieur de Graciela Bevacqua, directrice de l'indice des prix à la consommation à l'Indec. La mathématicienne vient alors de finaliser un rapport projetant la plus forte hausse mensuelle des prix en quatre ans : 1,9 %. Quelques jours plus tard, après sa mise à l'écart, l'institut publie un taux de seulement 1,1 %.

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Après deux rétrogradations, l'économiste quitte définitivement l'Indec en janvier 2009. Ce limogeage est effectué en parallèle de celui de Clyde Trabuchi, directrice des statistiques.

Un an plus tard, en mars 2010, Graciela Bevacqua est condamnée à une amende de 500.000 pesos pour avoir publié des statistiques que le gouvernement jugeait non conformes aux « exigences méthodologiques appropriées ».

Néstor Kirchner, alors président de l'Argentine, le 22 novembre 2006.
Néstor Kirchner, alors président de l'Argentine, le 22 novembre 2006. Gustavo Amarelle/AP/Sipa

2007 était une année d'élections générales en Argentine. Le président Nestor Kirchner termine son mandat, pendant lequel il a opéré de grands investissements. Une inflation élevée aurait alimenté les demandes syndicales et ternit son bilan. La stratégie du licenciement paye : à Nestor Kirschner succède son épouse Cristina, du même parti.

Cette manipulation des chiffres de l'inflation a des répercussions bien au-delà des frontières : les investisseurs internationaux perdent rapidement confiance dans les statistiques officielles. Alors que les chiffres de l'Indec indiquaient une inflation de 10,9 % en 2010, les estimations indépendantes, dont celles de Graciela Bevacqua, donnaient la situaient autour de 25 %. L'Argentine connaîtra des chiffres bien pires par la suite.

· Grèce (2017) : le directeur des statistiques poursuivi par la justice
En 2010, alors que la Grèce s'enfonce dans une crise économique sans précédent , Andréas Georgiou fait un choix qui va bouleverser sa vie : quitter son poste confortable au Fonds monétaire international (FMI) à Washington pour retourner dans son pays natal et prendre la direction de l'autorité statistique hellénique, rebaptisée Elstat.

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Lorsque l'économiste arrive à sa tête, l'institution vient d'être sévèrement critiquée par Eurostat, l'organisme officiel européen des statistiques, pour avoir produit des chiffres peu fiables. La difficile mission d'Andréas Georgiou ? Remettre de l'ordre et restaurer la crédibilité des données grecques, avec l'appui d'Eurostat.

Il recalcule d'abord le déficit budgétaire grec de 2009, qui s'avère être non pas de 3,9 % du PIB comme initialement annoncé, mais de… 15,4 %. Cette révision, validée par Eurostat, déclenche une tempête politique et financière. Rapidement, des employés d'Elstat montent au créneau, accusant Andréas Georgiou d'être à la solde des créanciers du pays. Cette rhétorique, qui s'inscrit dans des théories du complot déjà présentes dans la société grecque, s'intensifie à mesure que les programmes d'austérité se durcissent : le statisticien aurait délibérément gonflé les chiffres du déficit pour justifier des mesures plus sévères, violant ainsi « l'intérêt national ».

Sous pression croissante, acculé, Andréas Georgiou démissionne finalement le 2 août 2015, déclinant la prolongation de son contrat, et rentre aux Etats-Unis. En août 2016, la Cour suprême grecque demande l'ouverture d'un procès contre l'ancien statisticien, l'accusant d'avoir surestimé les déficits du pays. Malgré le soutien public des commissaires européens Valdis Dombrovskis, Pierre Moscovici et Marianne Thyssen, qui affirment que ses données étaient « totalement fiables », la machine judiciaire grecque s'emballe.

Revenu des Etats-Unis pour assainir les comptes publics de son pays en crise, Andréas Georgiou s'est retrouvé condamné pour avoir fait son travail : révéler l'ampleur réelle du déficit grec.
Revenu des Etats-Unis pour assainir les comptes publics de son pays en crise, Andréas Georgiou s'est retrouvé condamné pour avoir fait son travail : révéler l'ampleur réelle du déficit grec. Photo Mct/Zuma/REA

En mars 2017, le verdict tombe : l'économiste est condamné à 12 mois de prison, puis à deux ans avec sursis le 1er août de la même année, non pas pour avoir falsifié les données, accusation dont il a été acquitté à plusieurs reprises, mais pour « violation de devoir ». La condamnation d'Andréas Georgiou, « bouc émissaire » du gouvernement grec, est alors dénoncée par les responsables des plus grands instituts statistiques dans le monde.

· Turquie (2022) : Trop d'inflation ? Erdogan limoge le chef des statistiques
Dans un geste qui a confirmé sa mainmise totale sur les institutions économiques turques, le président Recep Tayyip Erdogan démet brutalement de ses fonctions le chef de l'Office national des statistiques (Tuïk), Sait Erdal Dinçer, fin janvier 2022. Son crime ? Avoir publié un taux d'inflation annuel de 36,1 %, dû à la dégringolade de la livre turque. Il s'agit du chiffre le plus élevé depuis 19 ans et depuis l'arrivée au pouvoir du parti présidentiel.

Dès la publication des chiffres officiels début janvier, l'économiste se savait en sursis. Les médias pro gouvernement avaient immédiatement qualifié ces statistiques d'« exagérées ». Paradoxalement, l'opposition et de nombreux économistes indépendants accusaient depuis longtemps Tuïk de sous-estimer l'inflation réelle sous pression politique. « J'ai une responsabilité vis-à-vis de 84 millions de personnes », explique alors Sait Erdal Dinçer dans le quotidien économique « Dunya » pour se justifier d'avoir publié les chiffres trouvés par ses services.

Contre l'avis de tous les économistes, Recep Tayyip Erdogan maintient qu'il faut baisser les taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation. Fort de cette conviction, il avait déjà limogé trois dirigeants successifs de la Banque centrale turque depuis 2019, forçant l'institution à abaisser son principal taux directeur à quatre reprises depuis septembre 2021, malgré une inflation galopante.

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