Porte-parole du Collectif national des habitants permanents, Vincent Aulnay explique en quoi la loi Le Meur change la donne sur les meublés touristiques dans les copropriétés.
Les boîtes à clés se multiplient à l’entrée des immeubles, comme ici, à Montpellier (Hérault). Elles signent la présence de locations Airbnb. (©CN/Métropolitain)
Par Valentin Lebossé Publié le 12 août 2025 à 15h05
Elle a déjà permis à plusieurs communes de prendre des mesures contre la prolifération des locations de type Airbnb, par exemple à Cannes (Alpes-Maritimes) avec l’instauration annoncée de quotas. Qualifiée de « loi anti-Airbnb », la loi Le Meur, adoptée en novembre 2024, vise à « renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale ». Les maires ne sont pas les seuls à en bénéficier. C’est aussi le cas des copropriétaires qui peuvent s’appuyer sur des démarches simplifiées pour interdire les locations de courte durée. Enquêtes d’actu fait le point sur ce dispositif encore méconnu avec Vincent Aulnay, porte-parole du Collectif national des habitants permanents (CNHP).
Actu : Quels problèmes posent les meublés touristiques de type Airbnb dans les copropriétés ?
Vincent Aulnay : Le problème le plus évoqué, ce sont les nuisances liées aux touristes qui arrivent avec leurs valises. Mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi l’impression que l’immeuble n’appartient plus à ses habitants mais aux agences qui gèrent ces appartements, les fameuses conciergeries qui entrent sans cesse dans l’immeuble pour l’arrivée et le départ des voyageurs. Sans compter la femme de ménage qui intervient entre deux locations. Et ce, quel que soit le jour de la semaine, du lundi au dimanche. À force de se répéter, ces scènes mettent une sorte de pression sur les habitants qui expriment un ras-le-bol.
Il y a d’autres risques comme la prostitution. Cela a déjà été évoqué dans différents journaux : les locations Airbnb sont devenues les zones de passe préférées des réseaux de proxénétisme. Ce sont aussi des portes d’entrée pour les cambriolages. Louer un Airbnb permet aux cambrioleurs de rentrer dans une copropriété, de voir ce qu’il s’y passe.
Le va-et-vient des touristes contribue également à l’usure prématurée des parties communes. Enfin, cela peut être un frein à la vente des biens immobiliers. Un investisseur qui cherche un appartement, pour en faire sa résidence principale, a moins de chance d'acheter s’il voit qu’il y a des Airbnb dans l’immeuble.
En quoi la loi Le Meur, votée en novembre 2024, facilite-t-elle l’interdiction des locations de courte durée dans les copropriétés ?VA : L’interdiction de louer en meublé de tourisme doit être inscrite dans le règlement de copropriété. Avant la loi Le Meur, pour modifier le règlement en ce sens, il fallait procéder à un vote en assemblée générale, qui ne pouvait passer qu’à l’unanimité des copropriétaires (100 % des voix). Par conséquent, dès lors que le ver était déjà dans la fruit, c’était peine perdue.
Maintenant, et à condition que le règlement de copropriété indique que l’usage commercial est interdit dans l’immeuble, vous pouvez faire voter l’interdiction de louer en meublé de tourisme à la majorité des deux tiers.
Quelle est la démarche à suivre pour introduire cette interdiction dans un règlement de copropriété ?VA : La première étape consiste à consulter son règlement de copropriété, afin d’identifier un paragraphe détaillant l’usage des parties communes et des biens immobiliers dans l’immeuble. Plusieurs expressions peuvent signifier que l’activité commerciale y est interdite : « habitation bourgeoise exclusive », « habitation ne peut être que bourgeoise »… D’après l’Association des responsables de copropriété (ARC), les mentions « habitation bourgeoise simple » et « activité libérale tolérée » seraient aussi valables. Il ne faut pas hésiter à se faire aider d’un avocat en droit de l’immobilier.
Ensuite, il faut rédiger une résolution à envoyer au syndic de copropriété deux mois avant l’assemblée générale. Nous fournissons un modèle de lettre sur notre site internet [lien en fin d'article, NDLR]. Une fois le vote passé, c’est le syndic qui procède à l’inscription du nouveau règlement.
« Les habitants conservent la liberté de louer leur résidence principale »
Si le règlement de copropriété n’interdit pas l’activité commerciale dans l’immeuble, peut-on malgré tout agir contre les meublés de tourisme ?
VA : S’il n’y a pas d’indication que l’activité commerciale est interdite, vous pouvez toujours tenter de faire voter l’interdiction de louer en meublé de tourisme. Mais cela devra passer par un vote à l’unanimité, comme pour d’autres modifications du règlement de copropriété, que ce soit sur les places de stationnement, la taille des boites aux lettres, etc.
Quid des résidences principales situées dans une copropriété ? Leur location en courte durée peut-elle aussi être interdite dans ce cadre ?VA : Elles ne sont pas concernées, et c’est bien. On cherche à protéger l’économie collaborative. Même si l’activité commerciale et la location meublée de courte durée ont été interdites dans le règlement de copropriété, les habitants conservent la liberté de louer sur Airbnb leur résidence principale, qui n’est pas considérée comme un meublé de tourisme, dans la limite tolérée par la municipalité (120 ou 90 jours).
Les propriétaires qui louent leur résidence principale pour arrondir leurs fins de mois ont d’ailleurs intérêt à voir les meublés de tourisme interdits dans leur immeuble, pour ne pas se retrouver avec des hôtels clandestins qui fonctionnent 365 jours par an. C’est une concurrence en moins. Ils pourront ainsi atteindre un meilleur taux de remplissage.
« C’est la seule mesure qui fait vraiment peur aux pro-Airbnb »
Le passage au vote à la majorité des deux tiers, au lieu de l’unanimité, ne risque-t-il pas de générer davantage de conflits autour d’interdictions qui auront été adoptées sans l’assentiment de tous les copropriétaires ?
VA : C’est la majorité qui l’emportera. Les habitants à l’année doivent peser plus fort que les investisseurs qui introduisent des hôtels clandestins dans des lieux de vie où il y a des familles avec enfants. On rencontre déjà de gros conflits entre habitants permanents et investisseurs. Et ce sont les habitants permanents qui subissent. Avec ce dispositif, on inverse le rapport de force : ce sont les habitants permanents qui auront la main, et les investisseurs qui devront se conformer à leurs décisions.
Comment réagissent les propriétaires de meublés de tourisme à cette nouvelle mesure ?VA : On a suivi, sur les réseaux sociaux, les réactions des pro-Airbnb qui ont analysé la loi Le Meur sous tous ses aspects. Très peu de mesures de ce texte leur font vraiment peur. Les professionnels de la location de courte durée ne sont pratiquement pas touchés par les changements sur la fiscalité des revenus tirés de cette activité. La diminution du plafond des nuitées de 120 à 90 jours ne concerne que les résidences principales, pas les meublés de tourisme.
Cette mesure sur l’interdiction des meublés de tourisme dans les copropriétés est la seule qui fait vraiment peur aux investisseurs. Dans les visioconférences entre pro-Airbnb, on constate d’ailleurs une agitation des loueurs qui le disent eux-mêmes : “C’est dangereux, il faut qu’on fasse attention.” Ça les arrange que cette possibilité n’ait pas trop été évoquée dans la presse jusqu’à présent, pour ne pas qu’elle se diffuse.
Le CNHP propose un tutoriel en ligne
sur l’interdiction des meublés de tourisme dans les copropriétés.
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