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Le surtourisme, évoqué « à tort et à travers », peut cacher du « mépris de classe » [ElseNews]

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Le surtourisme, évoqué « à tort et à travers », peut cacher du « mépris de classe »

France 20/07/2025 07:30 Actualisé le 20/07/2025 12:12
Géographe spécialiste du tourisme, Rémy Knafou ne nie pas les problématiques liées à l’affluence des touristes, mais il dénonce l’usage abusif du terme « surtourisme ».

THOMAS COEX / AFP
Le surtourisme, s’il est évoqué « à tort et à travers », peut alimenter du « mépris de classe » - INTERVIEW.
TOURISME - Vacanciers « entassés » sur la côte espagnole, « embouteillage » au sommet de l’Everest et foule de touristes dans les rues du Mont-Saint-Michel : les cas de « surtourisme » épinglés dans les médias ou sur les réseaux sociaux ne manquent pas. La surfréquentation touristique est fréquemment dénoncée pour son impact sur l’environnement, sur les populations locales, mais aussi sur la qualité du séjour. Mais le terme « surtourisme » est-il toujours employé à bon escient ?
Non, estime Rémy Knafou, géographe spécialiste du tourisme interrogé par Le HuffPost. Auteur d’une note pour la Fondation Jean-Jaurès sur la « surmédiatisation du surtourisme », il ne nie pas l’impact indéniable de la surfréquentation sur certains espaces, notamment quand l’affluence empêche leur préservation ou quand l’acceptabilité du tourisme par les locaux est remise en question, par exemple dans des villes comme Barcelone ou Amsterdam.
Pour autant, le professeur émérite à l’université Paris-I (Panthéon-Sorbonne) souligne l’usage peu scrupuleux qui est parfois fait du terme « surtourisme », pointant même une forme de mépris de classe et une instrumentalisation à des fins économiques.
Le HuffPost : Pourquoi parlez-vous d’un « emballement médiatique » autour du surtourisme ?
Rémy Knafou : Le surtourisme peut avoir des effets négatifs quand il est caractérisé, mais le terme est souvent utilisé à tort et à travers. À l’origine, c’est un article scientifique de 2008 qui a parlé d’« overtourism », mais le mot est resté dans l’ombre jusqu’à sa diffusion en 2016 par Skift, une plateforme américaine sur le voyage. Depuis, il est très médiatisé, avec parfois beaucoup d’exagération dans l’usage qui en est fait.
Premièrement parce qu’il est difficile de quantifier l’excès de tourisme et de savoir précisément à partir de quel seuil il y a trop de monde. Ensuite parce qu’il faut se poser la question du type de lieu. Une station touristique créée par et pour le tourisme est par définition faite pour être remplie à 100 %, et c’est ce type de structure qui accueille le plus de visiteurs. En Méditerranée ou en Floride, par exemple, l’urbanisation de la côte avec de grandes tours a été pensée pour répondre aux besoins de vacances.
Parler de surtourisme pour ces lieux très fréquentés n’a pas de sens, quel que soit le jugement de valeur qu’on porte sur eux. Ces aménagements touristiques peuvent avoir un impact environnemental très fort, mais le concept de surtourisme n’est pas le plus adapté pour les décrire. Dans la littérature scientifique, on retrouve trois critères permettant de caractériser les situations où le nombre de touristes est jugé excessif.
On peut parler de surtourisme quand la préservation du lieu d’accueil en lui-même est mise en danger, lorsque l’affluence nuit à la qualité de la visite ou encore quand l’acceptabilité du tourisme par les populations locales est remise en cause. Je crois de moins en moins au second critère et je considère le dernier comme l’enjeu vraiment crucial, on le voit bien dans des villes très attractives comme Barcelone.
Vous évoquez un « jugement de valeur » porté sur certains lieux touristiques. Que voulez-vous dire ?
La dénonciation complaisante du surtourisme par un certain nombre d’acteurs touristiques s’inscrit dans un registre du mépris de classe. On pointe du doigt les vacances populaires, souvent à la mer, avec des gens qui « s’entassent » dans des lieux qui sont en réalité pensés pour les accueillir. Il y a encore 40 ans, des chercheurs s’étonnaient même que des touristes quittent la densité de la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia

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pour aller dans d’autres lieux urbains ultra-fréquentés.
Pourtant, ça a toujours été le mouvement dominant, avec des lieux touristiques urbains pensés par et pour des urbains. Je ne dis pas que les touristes qui cherchent des lieux dans la nature ou isolés n’existent pas, mais la majorité ne fait pas ce choix, et pour cause : elle cherche des lieux avec une bonne capacité d’accueil et des prix compétitifs. La plupart des touristes sont même à la recherche de densité sociale et de lieux où ils sont sûrs de rencontrer d’autres personnes pas toujours issues de la population locale.
Vous expliquez aussi que le discours sur les excès du tourisme peut servir des intérêts commerciaux. Comment ?
Certains acteurs touristiques s’appuient sur l’écho médiatique du surtourisme et déploient des trésors de marketing pour toucher des clientèles à hauts revenus en leur vendant une offre qui se détache du gros de la troupe. Ces voyages coûteux « hors des sentiers battus » tendent à promouvoir des destinations de plus en plus éloignées avec des conséquences sur l’environnement mondial.
Il peut aussi y avoir un étalement des flux touristiques dans l’espace pour trouver de nouveaux endroits moins fréquentés. Si on parle de la France, déjà équipée en routes, en voies ferrées et en infrastructures, cet étalement peut se faire sans dommage excessif apporté à la biodiversité. Mais si on parle d’espaces moins aménagés, où il faut construire des hébergements, des routes et des aérodromes, les conséquences sont plus lourdes.
La crainte du surtourisme alimente-t-elle une touristophobie chez les vacanciers eux-mêmes ?
La tourismophobie est vieille comme le tourisme. Dès le début du XIXe siècle, certains touristes en montraient déjà des signes : on a des témoignages où ils se plaignent que leurs congénères soient trop nombreux. Il a notamment un texte de Victor Hugo daté de 1843 et que j’aime beaucoup où il disait déjà que Biarritz évoluait mal à cause du nombre excessif de touristes, avertissant que bientôt Biarritz ne serait plus Biarritz.
Évidemment, la fréquentation touristique sur place a continué d’augmenter et ceux qui viennent aujourd’hui n’ont aucune idée de ce qu’était la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia

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telle que Victor Hugo l’a connue. Plus généralement, la nostalgie du « c’était mieux avant » ne concerne qu’une minorité de personnes qui ont l’histoire longue du lieu touristique en tête et vivent la hausse de la fréquentation comme une forme de surtourisme.
Ce discours est souvent celui d’une classe privilégiée et d’une partie dominante de la population qui ne tolère pas l’évolution contemporaine des lieux touristiques et a du mal à accepter de les partager avec d’autres, plus nombreux et issus de catégories sociales plus populaires.
https://www.huffingtonpost.fr/france/article/le-surtourisme-evoque-a-tort-et-a-travers-peut-cacher-du-mepris-de-classe-interview_252415.html

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