Les géants de l’IA générative vont-ils être forcés de repenser leur modèle commercial dans un futur proche ? Il s’agit désormais d’une vraie possibilité suite à la dernière initiative de Cloudflare, qui vient de lancer un service permettant aux hébergeurs de faire payer les outils qui collectent des données sur leurs sites.
Pour alimenter leurs grands modèles de langage et leurs systèmes de création d’images, les géants de l’IA générative ont déployé des légions de systèmes appelés crawlers. Leur mission : arpenter des sites web publics pour y moissonner un maximum de données qui serviront ensuite à entraîner des modèles IA, comme GPT.
Cette pratique, appelée scraping, est progressivement devenue un pilier stratégique du modèle économique d’OpenAI et consorts. Si elles étaient un jour privées de cette source de données, ces entreprises auraient beaucoup plus de mal à continuer l’entraînement de leurs modèles IA. Ces derniers pourraient alors se mettre à stagner — avec des conséquences directes sur leur compétitivité et, à terme, leur rentabilité.
Un rapport de force permanent
Le problème, c’est que le scraping a tendance à être très mal perçu, notamment par les créateurs ainsi que par de nombreux acteurs du web. Les auteurs et artistes, par exemple, s’alarment régulièrement du fait que leurs œuvres peuvent être exploitées pour améliorer des produits vendus à prix d’or, sans contrepartie financière. Les hébergeurs, de leur côté, doivent s’adapter à l’invasion de ces robots qui génèrent parfois un trafic important et difficile à gérer.
Dans ce contexte de friction, une sorte de résistance commence à s’organiser. De plus en plus de sites web essaient, par exemple, de couper l’accès aux crawlers… et certaines entreprises semblent y voir une vraie opportunité.
C’est notamment le cas de Cloudflare, un fournisseur d’infrastructure cloud extrêmement influent, dont les services sont aujourd’hui utilisés par environ 20 % des sites référencés sur l’Internet public.
Le Pay per Crawl, un nouveau modèle commercial
Depuis quelques mois, l’entreprise a déployé plusieurs outils permettant aux hébergeurs de surveiller et de bloquer les crawlers qui s’aventurent sur leur domaine. Une initiative qui a privé les acteurs de l’IA de certaines sources de données qualitatives, même si l’impact de cette ligne de défense sur l’industrie reste difficilement mesurable à l’heure actuelle.
© Cloudflare
Mais ce mois-ci, Cloudflare a décidé de passer à la vitesse supérieure. L’entreprise a lancé une version bêta d’une plateforme appelée Pay per Crawl, qui permet de facturer une certaine somme aux robots qui tentent de collecter des informations sur leur site.
De la confrontation à la coopération ?
Sur le papier, l’idée a tout pour plaire. Les propriétaires des données pourraient enfin bénéficier d’une juste rémunération lorsque leur contenu est utilisé pour entraîner des modèles. Pour défendre leurs propres intérêts face à ce qu’ils décrivent parfois comme du « pillage », ils n’auraient donc plus besoin de lancer des actions en justice coûteuses et pas forcément efficaces.
Pour les géants de l’IA, la situation est plus nuancée. La perspective de devoir soudainement payer pour du contenu qu’ils obtiennent aujourd’hui gratuitement est sans doute préoccupante, pour les raisons citées plus haut. Cela les forcerait à faire des choix tranchés. Faut-il payer des sommes potentiellement considérables pour collecter des données de qualité, ou se contenter de contenu gratuit récupéré sur des sites libres d’accès, mais sans garantie sur la qualité des données — avec tout ce que cela implique en termes de réputation et donc de profits ?
Mais d’un autre côté, ce modèle de rémunération pourrait aussi s’avérer bénéfique pour ces entreprises. En acceptant de payer pour accéder aux contenus qu’elles utilisent, elles auraient l’occasion de faire preuve de bonne foi. Ce serait une manière de s’engager dans une démarche de coopération transparente et respectueuse, au lieu de s’enliser encore davantage dans le rapport de force qui oppose en ce moment l’industrie à des acteurs dont elle reste fondamentalement dépendante. Une relation de confiance, en somme.
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Une nouvelle ère pour l’IA commerciale
Comme souvent dans le monde des affaires, tout l’enjeu sera de trouver un juste milieu en termes de prix pour que tout le monde y trouve son compte. Et Cloudflare en est bien conscient.
« Au début, la découverte des prix jouera un rôle clé : à mesure que les créateurs obtiendront des données sur qui paie quoi, un marché transparent émergera, reflétant la véritable valeur du contenu original », explique l’entreprise citée par Ars Technica.
Reste à voir si les géants de l’IA accepteront réellement de jouer le jeu. Car en pratique, la transition vers ce modèle représenterait aussi un vrai changement de philosophie : considérer les contenus du web non plus comme une ressource gratuite à exploiter, mais comme un bien disposant d’une valeur qui se négocie. Et à terme, ce dilemme pourrait bien conduire à une restructuration profonde de l’Internet tel qu’on le connaît aujourd’hui.
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