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-====== Canicule : « Le voisin qui fait du jogging est autant en danger que la grand-mère claquemurée » ======
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-« Tout le monde est en danger », alertait Clare Nullis, la porte-parole de l’Organisation météorologique mondiale, en pleine canicule, le 1ᵉʳ juillet. Une semaine plus tard, le dôme de chaleur a reflué : le 8 juillet, la vigilance canicule a été levée – Météo-France signalait alors 12 départements en jaune pour orages, aucun en orange ou en rouge. En 2003, la canicule avait terrassé la France au mois d’août ; en 2025, le brasier s’est allumé quinze jours seulement après le solstice du 21 juin. Cette précocité vaut avertissement : d’ici à 2050, un Européen sur deux vivra sous stress thermique élevé.
-Aujourd’hui encore, le bilan humain de cette canicule reste flou. Santé publique France ne livrera sa première estimation de surmortalité qu’à la fin juillet et la ministre de la santé du gouvernement Bayrou, Catherine Vautrin, juge qu’« il est trop tôt pour faire un bilan ». Deux décès « officiels » figurent pourtant déjà au bulletin, rejoints par la noyade, à Saint-Benoît (Vienne), d’une lycéenne de 17 ans dans le Clain, où la baignade est interdite. Une analyse du Grantham Institute qui vient d’être publiée va plus loin : elle chiffre déjà à 1 500 les morts dus au changement climatique entre le 23 juin et le 2 juillet dans 12 métropoles européennes, dont 253 à Paris.
-Aux urgences, les blouses blanches reconnaissent les silhouettes qu’elles avaient vues en 2003 : seniors déshydratés, insuffisants cardiaques, maçons qui « n’ont pas le choix ». La chaleur frappe aussi en sourdine : sur les chantiers, par des médicaments mal assimilés dans un corps desséché, par choc thermique en sautant dans l’eau. Côté transports, les rails se dilatent et l’asphalte fond.
-La bonne santé ne suffit pas
-Notre premier dérèglement est mental. L’étude que je viens de publier dans Climate Policy avec les économistes Dorothée Charlier et David Grover montre que sur 300 Français de plus de 55 ans confrontés à 33 °C puis 36 °C, ceux qui se disent « en pleine forme » adoptent environ deux fois moins de gestes protecteurs (boire, s’alléger, chercher la fraîcheur) alors que la bonne santé préalable ne suffit pas à éviter les coups de chaleur. L’optimisme anesthésie, la crainte éveille. C’est le déni, et pas l’âge, qui constitue la première comorbidité : l’humour noir des coureurs de midi recouvre surtout une anxiété mal nommée.
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-Heureusement, au fil des ans, la riposte publique s’est affûtée : SMS collectifs, plateformes d’écoute, autobus gratuits vers les piscines, musées climatisés. Pendant la canicule, Voiron (Isère) a baissé le prix des entrées des piscines, Lyon a ouvert gratuitement ses musées et Paris a rallongé les ouvertures de ses parcs jusqu’à minuit. Mais, à Annecy, les milliers de visiteurs créent en permanence un « effet de serre humaine », la cartographie des îlots frais peine à sortir du brouillon et quand on se rend au supermarché, la climatisation turbine à fond.
-Promettre un « grand plan climatisation » comme le fait Marine Le Pen, c’est prescrire le feu pour lutter contre l’incendie : cette politique ajouterait plusieurs dizaines de térawattheure (TWh) de consommation électrique chaque été : jusqu’à + 50 TWh dans les scénarios « climatisation généralisée » élaborés par le gestionnaire du réseau RTE.
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-Cette mobilisation laisse un angle mort : les invincibles autoproclamés. Joggeurs de 11 heures, enfants qui dribblent sur l’asphalte des city stades malgré la canicule. Météo-France rappelle de « privilégier les activités douces » lors des pics, mais les conseils de prévention se perdent souvent dans le flot des écrans. Pendant ce temps, près d’un quart des plus de 75 ans passent une journée sans parler à personne. Le risque se déplace : le voisin qui fait du jogging est autant en danger que la grand-mère claquemurée.
-Suspendre la livraison express
-Température, humidité, comportements : voici le trio infernal de la canicule. A 37 °C et 40 % de taux d’humidité, la peau tient encore, mais, lorsque l’humidité progresse jusqu’à 85 %, même si la température baisse à 30 °C, elle n’évapore plus. Au-delà de 35 °C au « thermomètre-globe mouillé » (un indicateur qui mesure la chaleur ressentie en combinant température et humidité), le corps cesse en effet de transpirer : l’homme ne survit guère plus de six heures, même à l’ombre. Tant qu’on n’expliquera pas ce trio, beaucoup croiront que le danger ne commence qu’à 40 °C – un seuil aussi rassurant qu’erroné.
-Au centre hospitalier d’Argenteuil, pendant la canicule, le 1ᵉʳ juillet 2025.
-Au centre hospitalier d’Argenteuil, pendant la canicule, le 1ᵉʳ juillet 2025. CAMILLE MILLERAND/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
-Alors, que faire ? Cartographier, en temps réel, les points frais – musées, mairies, parkings végétalisés. Mettre en garde les insouciants en affichant l’indice de stress thermique dans les applications de course à pied. Suspendre les livraisons à vélo lorsque la carte vire au rouge, de 11 heures à 17 heures. Former plutôt qu’alarmer : le slogan « Un verre toutes les vingt minutes, même sans soif » doit surclasser le simpliste « Buvez ! ». Et parler, surtout, aux optimistes – ceux qui croient qu’une gorgée d’eau suffit à éloigner le danger.
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