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L'incertitude sur les droits de douane n'est pas encore dissipée qu'une nouvelle menace plane sur les entreprises européennes implantées aux Etats-Unis. Dans cette nouvelle phase de la guerre commerciale, ce ne sont pas les voitures et les cognacs qui seront directement visés, mais avant tout le secteur financier. Jusqu'à présent, banquiers et assureurs ne voyaient qu'un impact indirect des droits de douane de Trump sur leur activité, mais la « section 899 » du budget de Trump, en imposant une retenue à la source jusqu'à 20 % sur les revenus de capitaux, pourrait les toucher de plein fouet.
Qualifiée d'« abomination répugnante » par Elon Musk à sa sortie du Doge, la « One Big Beautiful Bill Act » sanctionnerait les entités en provenance de pays accusés par les Etats-Unis de pratiques fiscales « déloyales », dont ceux, comme la France, ayant adopté une taxe digitale. D'où son surnom de « revenge tax ». « Cette législation crée la possibilité pour l'administration américaine de transformer une guerre commerciale en une guerre des capitaux, si elle le souhaite », commente George Saravelos, analyste chez Deutsche Bank. Selon lui, il faut remonter à Ronald Reagan en 1984, voire à 1966 pour trouver des changements fiscaux équivalents.
Prudence sur les estimations
Pour l'instant, les banques européennes restent prudentes quant à l'impact de ce projet sur les remontées de dividendes de leurs implantations américaines, ne serait-ce que parce qu'une grande incertitude entoure encore ce texte, toujours en débat au Sénat. Cette réforme pourrait tout autant servir de monnaie d'échange dans les négociations avec l'Union européenne sur les accords commerciaux.
Selon les calculs des analystes d'Axiom AI, son impact se chiffrerait autour de 5 % du bénéfice pour des sociétés comme Amundi, Commerzbank, Axa ou encore Crédit Agricole, mais dépasserait les 30 % pour les géants de l'assurance Zurich et Aegon. « Si la réforme s'applique tel que le projet de loi au Sénat le prévoit, elle aura un impact variable pour les banques étrangères, mais considérable pour les assureurs ainsi que les réassureurs. Plus l'implantation locale est importante et profitable, plus l'entité sera concernée », explique David Benamou, associé gérant chez Axiom AI.
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Chez les banques européennes, Deutsche Bank et Barclays seraient les plus touchées, la première au travers de sa banque d'investissement, la seconde en raison de son activité de crédit conso. Mais c'est pour les réassureurs que l'impact serait le plus lourd, en raison de leur forte exposition à l'économie américaine.
Taxation des intérêts
Nombreuses sont les notes de fiscalistes tentant de détailler les effets de cette « revenge tax ». Les avocats de Troutman Pepper Locke estiment que la réforme, « si elle est adoptée telle que proposée, pourrait avoir un impact significatif non seulement sur les nouvelles facilités de crédit, mais également sur celles existantes. » Selon eux, « la section 899 peut imposer une retenue d'impôt de 5 % à 20 % sur les intérêts perçus par une banque étrangère, même en cas de convention fiscale ».
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D'où la montée au créneau des lobbies financiers lors du passage du texte au Sénat. « Telle que votée par la Chambre des représentants, la section 899 va entraver les investissements directs étrangers, perturber les marchés financiers et mettre en danger les emplois américains », a mis en garde le président de l'Institute of International Bankers, Beth Zorc. L'industrie de la gestion d'actifs a elle aussi plaidé pour des amendements au Sénat afin « d'éviter un retrait rapide des actions américaines, conduisant à des fuites de capitaux des Etats-Unis », dans une lettre adressée au sénateur Mike Carbo, dévoilée par CNBC. Leur inquiétude : « En taxant les revenus passifs provenant des investissements en actions américaines », « les fonds d'investissement seraient des victimes collatérales », écrivent-ils.
En l'état actuel du projet, les bons du Trésor américain seraient exonérés. Mais Andrew Lautz, directeur associé au Bipartisan Policy Center, pense que les « Treasuries », fortement chahutés depuis le « Liberation Day », pourraient en pâtir de manière indirecte. « Comme cette mesure va affecter l'investissement direct étranger aux Etats-Unis, elle aura tout de même un effet sur les bons du Trésor », explique-t-il.
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