On ne le répétera jamais assez face aux nombreuses approximations, contrevérités voire mensonges qui sont véhiculés dans les débats sur l'IA. Le scientifique et ingénieur Luc Julia l'a bien compris en publiant récemment « IA génératives pas créatives ». Son message est simple et percutant : les IA ne créent aucunement mais génèrent, fournissent une réponse à un problème qu'elles résolvent automatiquement sur un ordinateur. Les mots importent encore plus aujourd'hui, au temps des algorithmes, où la complexité du monde qui grandit s'articule autour des innovations qui s'accélèrent.
Cela ne vous aura pas échappé, chers lecteurs, qu'on a appelé IA génératives et non créatives les solutions de génération automatique de contenus, qu'ils soient textuels ou audiovisuels, dont ChatGPT a fait la démocratisation à l'automne 2022. Par leur construction et leur fonctionnement, les IA opèrent sur une logique analytique, plus précisément statistique, afin de fournir une réponse à une question ou à un problème. Pour ce faire, des algorithmes sont entraînés (et possiblement calibrés) sur un jeu de données représentant les scénarios sur lesquels l'algorithme (ou IA) est censé répondre à une question ou résoudre un problème.
Le chien sur la photo
Si l'on souhaite construire un algorithme capable d'identifier la présence d'un chien sur une photo, on fera appel à un algorithme de type réseau neuronal profond dont les paramètres (statistiques) seront optimisés lors d'une phase dite d'« entraînement », sur un nombre souvent pantagruélique de photos contenant ou pas un chien, avec pour chaque photo un label définissant la réponse à la question « y a-t-il un chien ? ». Durant cette phase d'entraînement, l'algorithme capture les signaux faibles et forts ainsi que les motifs répétitifs de la présence et de la non-présence d'un chien… sans jamais savoir ce qu'est un chien.
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Contrairement à nous, humains, qui maîtrisons toutes les formes d'intelligence comme les intelligences émotionnelle, créative ou encore pratique, l'IA ne maîtrise que l'analytique. Comprendre cette différence, c'est accepter le fait qu'une IA ne crée pas mais génère. La création et la créativité faisant appel à toutes les formes d'intelligence, incluant bien évidemment l'intelligence créative. Certains s'amusent - malhonnêtement, selon moi - à redéfinir la notion même de créativité pour se rapprocher davantage de ce que fait la machine, jusqu'à la supercherie d'affirmer qu'une chose nouvelle est de toute évidence le résultat d'un processus créatif. Cette pirouette est une magnifique opportunité pour ces personnes d'affirmer qu'ils ont conçu des IA qui créent.
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En revanche, et c'est peut-être le plus intéressant, nous sommes à un moment unique de notre civilisation où nous allons pouvoir redéfinir des concepts comme la création, l'émotion, la conscience ou encore l'amour en nous rendant encore plus humain… aussi grâce à l'IA, car elle nous permet de nous interroger différemment sur notre place dans l'ordre du monde et ce qui fait de nous des humains.
Aurélie Jean est docteure en sciences et entrepreneuse.
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