Pays émergents et en développement devraient payer un lourd tribut à la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump. C'est ce que laisse transparaître la Banque mondiale à l'occasion de la publication, ce mardi, de ses nouvelles prévisions économiques. Pour plus de 70 % des pays, les chiffres sont à la baisse.
Au niveau mondial, la croissance devrait ralentir à 2,3 % cette année, soit près d'un demi-point de pourcentage de moins que le taux anticipé en début d'année. Il s'agit du chiffre le plus faible depuis dix-sept ans, si l'on excepte la récession mondiale enregistrée durant la pandémie de Covid. Entre 2020 et 2027, la hausse du PIB mondial ne s'élèverait, en moyenne, qu'à 2,5 %, soit le rythme le plus lent de toutes les décennies depuis les années 1960.
La fin du miracle
Pour les seuls pays émergents et en développement, la hausse du produit intérieur brut (PIB) s'établirait à 3,8 % après 4,2 % en 2024. La croissance des pays en développement n'a pas cessé de s'affaiblir au cours de ces trente dernières années. Si elle était encore de près de 6 % dans les années 2000, elle est revenue, en moyenne, à 3,7 % dans les années 2020.
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La tendance observée est en lien direct avec le déclin de la croissance du commerce mondial. Celle-ci est ainsi passée d'une moyenne de 5,1 % dans les années 2000 à 2,6 % dans les années 2020. « Hors Asie, le monde en développement est en passe d'entrer dans une période de stagnation économique », a alerté le chef économiste de la Banque, Indermit Gill, dans un point presse, vendredi.
Indermit Gill, le chef économiste de la Banque mondiale redoute une période de stagnation pour les pays en développement.
Indermit Gill, le chef économiste de la Banque mondiale redoute une période de stagnation pour les pays en développement. World Bank
Pour l'institution multilatérale, les facteurs à l'origine du grand miracle économique des cinquante dernières années - lorsque le PIB par habitant des pays en développement a presque quadruplé et que plus d'un milliard de personnes ont échappé à l'extrême pauvreté - se sont dissipés. « Les taux d'intérêt historiquement bas des deux premières décennies de ce siècle, par exemple, appartiennent désormais au passé », relève Indermit Gill, dans le préambule du rapport sur les perspectives. Ce dernier note la forte dépendance des pays en développement au commerce qui a tendance à se gripper tandis que le prix des matières premières, en recul, pénalise leurs exportations vers les pays riches dont la croissance est, elle aussi à la peine.
Chute des investissements
Pour le monde en développement, « l'importance du secteur manufacturier, la forte participation aux chaînes de valeur mondiales et la dépendance aux marchés financiers mondiaux amplifient les répercussions négatives des récents chocs sur le commerce », souligne la Banque. La forte augmentation de leur endettement liée à la crise pandémique , la présence de taux de pauvreté élevés, la diminution de l'aide publique au développement des pays riches et le manque d'investissement sont autant de handicaps pour l'avenir.
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La Banque mondiale redoute également un ralentissement des investissements directs étrangers (IDE). Ces derniers ont chuté à moins de la moitié de leur niveau record de 2008 et devraient rester faibles. C'est pourtant un moteur essentiel de la croissance puisqu'ils favorisent la hausse de la productivité, la participation aux chaînes de valeurs et la diffusion des meilleures technologies dans ces pays.
La richesse par habitant pénalisée
A ce stade, la croissance anticipée ne sera pas suffisante pour créer suffisamment d'emplois par rapport à l'évolution à venir de la population. Pire, elle ne suffira pas à combler les écarts de richesse avec les économies des pays riches. La croissance du revenu par habitant dans les pays émergents et en développement sur la période 2025-2027 devrait atteindre 2,9 %. C'est plus d'un point de pourcentage de moins que la moyenne observée entre 2000 et 2019, calculent les économistes de la Banque.
Hors Chine et Inde, cette croissance du revenu par habitant devrait être encore plus lente puisqu'elle ne progresserait que de 1,8 % au cours des trois prochaines années. Résultat : d'ici à 2027, le PIB par habitant dans les pays riches atteindra à peu près le niveau prévu avant la pandémie de Covid-19. En revanche, pour les pays en développement, il sera inférieur de 6 %. Il leur faudra environ vingt ans pour récupérer les pertes économiques subies depuis 2020. Les pays en développement « qui ont récolté par le passé les fruits de l'intégration commerciale, se retrouvent aujourd'hui en première ligne d'un conflit mondial », pointe dans un communiqué, Ayhan Kose, l'économiste en chef adjoint de la Banque.
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