Ils seront 535.301 lycéens de première à plancher, ce vendredi matin, sur l'épreuve écrite anticipée du bac français. Au moment de l'examen, « les lycéens sont très loin d'avoir conscience de l'importance de ces épreuves [l'écrit et l'oral] pour l'accès au supérieur », confie Pierre Mathiot, concepteur de la réforme du bac et ancien directeur de Sciences Po Lille.
Depuis que les épreuves terminales de spécialité ont été déplacées de mars à juin, leurs notes ne peuvent plus être prises en compte dans Parcoursup, puisque les lycéens formulent leurs voeux en mars.
Les commissions d'examen des voeux du supérieur classent donc les dossiers avec les notes de contrôle continu. Certaines formations décident de retenir les notes du bac de français dans leur algorithme, estimant que le caractère anonymisé et national de l'épreuve permet de contourner les biais du contrôle continu.
« Il faut plus de transparence »
« Souvent, le français est considéré comme une espèce de juge de paix - exagéré et incorrect à mon sens - d'un certain niveau en français. L'épreuve écrite a tendance à être considérée comme l'alpha et l'oméga de l'évaluation nationale des élèves au lycée », indique Pierre Mathiot qui plaide pour des épreuves de spécialité en mars et non plus en juin.
Ce qu'il faudrait au moins, c'est que les lycéens sachent à quelle hauteur cette note de français compte dans le recrutement, plaide Catherine Mary. « Il faut plus de transparence, c'est notre grande bagarre », souligne cette ancienne proviseure, membre du Comité éthique et scientifique de Parcoursup. L'an dernier, le Comité avait suggéré de réintroduire des épreuves standardisées dans le cursus des lycéens.
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Mais le ministère de l'Education nationale n'est prêt à retoucher au bac, où l'on se dit « favorable à ce que l'on maintienne un calendrier désormais stabilisé ». La nouvelle épreuve anticipée de mathématiques, qui concernera tous les élèves de première en juin 2026 - le décret a été publié ce jeudi -, devrait donner un nouvel élément aux formations du supérieur pour le recrutement.
Le directeur de Sciences Po, Luis Vassy, avait « salué » la création de cette épreuve qui permettra à Sciences Po de « nous faire sortir de la contrainte du contrôle continu ». En attendant, l'établissement a accru sensiblement le poids de l'écrit du bac de français. Selon son directeur, c'est « le seul [élément] noté de manière homogène sur l'ensemble du territoire national ».
Pour les lycéens qui ont postulé à Sciences Po cette année, la note de l'écrit du bac de français a compté pour 60 % du total des notes. Sur la base des premiers résultats issus de Parcoursup, l'établissement évoque « une hausse assez significative du niveau » des élèves recrutés, tout en étant prudent - certains candidats doivent encore confirmer leur choix.
A Sciences Po, les lycées parisiens « tirés vers le haut »
La suppression des essais dans la procédure de sélection et le poids accru de la note de français ont eu « un impact sur les lycées parisiens qui, globalement sont tirés vers le haut par cette réforme », selon Sciences Po - ils s'étaient sentis pénalisés par la précédente réforme. Le lycée Louis-le-Grand a, par exemple, au moins 11 reçus - c'est la plus grosse cohorte. D'autres lycées réputés tels Franklin, Henri-IV ou le lycée international de Strasbourg sont aussi bien placés.
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Toutes les formations n'ont pas fait le choix de ce poids donné au français. Dans les classes préparatoires scientifiques, la note brute n'est pas la seule prise en compte, explique Denis Choimet, à la tête de l'Union des professeurs de ces classes préparatoires (UPS). « Nous regardons en priorité les spécialités et options scientifiques », mais aussi le français « avec attention » car « il est affecté d'un fort coefficient aux concours ».
« Un travail très humain »
La note de l'épreuve de français ne dit pas tout cependant, selon Alain Joyeux, président de l'Association des professeurs de classes préparatoires économiques et commerciales qui évoque son « poids modeste pour le recrutement ». « Une note décevante au bac de français ne suffit pas à bloquer un recrutement, confie-t-il. Nous allons voir les bulletins de première pour considérer si cette épreuve a été un accident. »
« Ce qui compte, c'est le qualitatif et pas le quantitatif », souligne aussi Philippe Masanet, professeur d'histoire en classe préparatoire et dans le Cycle pluridisciplinaire d'études supérieures d'Henri IV et de PSL (Paris Sciences et Lettres). « Un algorithme sert d'abord à écarter les dossiers qui, de toute façon, n'auraient eu aucune chance d'entrer. » Dans cet algorithme figurent - entre autres - les notes de l'épreuve de français mais aussi les moyennes de l'année dans cette discipline. Et ensuite commence « un travail très humain qui consiste à regarder toutes les appréciations », confie-t-il.
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