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-====== Le Monde.fr: Capucine, 27 ans, analyste en fusions-acquisitions, 5 300 euros par mois : « On regardait les salaires et on se disait qu’on allait vivre comme des rois » ======
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-LA BONNE PAYE
-Capucine, 27 ans, analyste en fusions-acquisitions, 5 300 euros par mois : « On regardait les salaires et on se disait qu’on allait vivre comme des rois »
-« La bonne paye ». Chaque semaine, « Le Monde » parle d’argent avec les jeunes, de leurs factures, leur loyer, leurs loisirs. Que signifie bien gagner sa vie ? Comment se projettent-ils dans l’avenir ? Capucine (le prénom a été modifié), analyste en finance dans une grande banque à Londres, s’épuise au travail la semaine, puis dépense tout son salaire en logement, voyages et sorties le week-end.
-Propos recueillis par Diane Merveilleux
-Publié aujourd’hui à 05h15
-Temps deLecture 4 min.
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-JULIE JUP
-Je gagne 5 300 euros net par mois, ou plutôt 4 500 livres sterling, étant donné que je travaille à Londres, dans une grande banque américaine. C’est mon salaire de base, mais ce qui compte dans ce métier, c’est le bonus, qu’on touche une fois par an et qui évolue vite en fonction de notre séniorité. Je suis analyste en fusions-acquisitions depuis trois ans maintenant, donc j’espère avoir 77 000 euros brut en bonus cette année.
-Mon travail est de conseiller des entreprises qui veulent acheter d’autres entreprises, ou se faire acheter. C’est du M & A – pour mergers and acquisitions – ou de la fusion-acquisition, en français. Je suis dans l’équipe healthcare, qui s’intéresse à ce qui touche au domaine de la santé. Je commence à travailler vers 9 h 30, et je finis en moyenne à minuit, mais ça dépend beaucoup. Je peux travailler jusqu’à quatre heures du matin, toute la nuit, ou finir à 20 heures. Dans ce cas-là, je suis trop fatiguée pour faire quelque chose de ma soirée.
-La progression de carrière est définie d’année en année – analyste 1, 2, puis 3, avant de passer associate, puis senior. Et l’environnement de travail est compétitif : pour répartir les bonus, la banque décide d’un budget global pour les salariés de chaque promotion, puis celui-ci est partagé entre eux en fonction de leur classement.
-« Plus ou moins de bonus selon nos notes »
-Chaque année, on est notés par certains de nos collaborateurs sur la base notre performance, nos initiatives, notre esprit d’équipe. Cette année, dans mon équipe, nous sommes trois analystes 3, et nous aurons plus ou moins de bonus selon nos notes. Les classements ne sont pas publics, mais il y a beaucoup de ragots, tu sais facilement qui ne performe pas et qui est très fort. C’est aussi assez politique : si tu t’entends très bien avec un des chefs d’équipe, ça peut être plus simple pour toi d’être mieux évalué.
-Je ne rêvais pas de finance, quand j’avais 15 ans. J’ai grandi à Lyon, très confortablement. Mon père est entrepreneur dans l’informatique et ma mère a été comptable pour lui un temps, puis elle s’est beaucoup occupée de mes deux grandes sœurs et moi. Mon père nous a toujours motivées à travailler dans le commerce ou à être cadre ; en tout cas, à faire une carrière. J’étais une bonne élève, mais je ne voulais pas faire de classe préparatoire – j’avais des exemples de gens qui avaient gâché deux ou trois ans de leur vie comme ça.
-Lire aussi : Le « Tage Mage », le test de vitesse devenu étalon de la sélection dans les écoles de commerce
-J’ai donc fait une école de commerce post-bac, l’Ecole supérieure du commerce extérieur (ESCE), où ma grande sœur était déjà allée. C’était trois ans de bachelor à Lyon, puis deux ans à Paris, avec deux semestres à l’étranger. Je ne savais pas ce que je voulais faire. Mes sœurs travaillaient dans le marketing, donc je pensais suivre leur voie. Lors de ma dernière année de master, j’ai passé un concours de logique, le TAGE-MAGE, par curiosité, et j’ai obtenu le score le plus élevé de l’année en France. J’avais révisé, mais je ne me l’explique toujours pas – un mélange de chance et de talent en logique analytique. On m’a alors dit qu’il serait dommage de ne pas essayer d’entrer dans une école de management du Top 3 – à l’époque, HEC Paris, l’Essec ou l’EM Lyon – avec mon score.
-J’avais fait quelques stages en marketing et en événementiel, qui ne m’avaient pas du tout plu. Je voyais aussi que c’était très bouché et les salaires étaient très faibles. Je me suis dit : pourquoi pas la finance ? C’est comme ça que j’ai atterri en master à l’Essec pour un an. Il coûtait 32 000 euros, donc j’ai fait un prêt étudiant, que j’ai remboursé moitié-moitié avec mes parents.
-« Sur une promotion de cent, on était dix filles »
-Le changement a été un choc. Tout le monde était tellement ambitieux, ça n’avait rien à voir avec mon école précédente. C’étaient des gens du monde entier, qui avaient fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là. Et puis c’était beaucoup plus masculin : sur une promotion de cent personnes, on était dix filles. Ils ont tous commencé à postuler pour les summer internships, ces stages d’été des banques et fonds d’investissement. Pendant trois mois, on passait quinze heures par jour à la bibliothèque à candidater pour tous les stages possibles entre Londres et Paris. Je le faisais parce que tout le monde le faisait.
-A l’Essec, on regardait les salaires, accessibles sur des forums en ligne, et on se disait qu’on allait vivre comme des rois. Tu voyais que tu pouvais gagner 70 000 livres sterling dans les banques anglo-saxonnes, plus un bonus. Quand tu es encore étudiant, ça te paraît hallucinant. Je pense qu’en tant que femme, j’ai toujours voulu être très indépendante de ma famille, et aussi potentiellement un jour de mon mari. Je sais que je veux faire mon propre argent, avoir mon propre patrimoine.
-La première banque qui m’a répondu est celle dans laquelle je suis aujourd’hui. Il y a trois grandes banques américaines, qui sont les plus connues, les meilleures et les plus demandées. Avoir l’une d’entre elles, c’est vraiment le top du top. En deux mois de stage d’été, ce métier m’a plu. Tu travailles sur des projets concrets, sur une courte période, et tu apprends beaucoup. Ils m’ont proposé un CDI à partir de l’été 2022.
-« Je vis comme je veux »
-Aujourd’hui, j’habite dans le centre de Londres, à côté de la City, en colocation avec une collègue, et on paye 3 800 euros par mois pour un appartement de 70 m². C’est très cher, mais le bon côté d’avoir ce salaire, c’est que je vis comme je veux. Je dépense entièrement mon salaire mensuel, et j’économise mon bonus.
-Avec mon copain ou des amis, je voyage environ deux fois par mois, parfois plus. En mai et juin, c’est presque tous les week-ends. On ne se pose pas trop la question, on prend les billets d’avion deux jours avant pour partir en Europe. C’est bien, parce que ça permet de décrocher : la semaine on ne dépense rien, parce qu’on n’a pas le temps et on ne peut rien faire. Mais le week-end, on fait beaucoup de restaurants, on sort…
-Je pense quitter ce job d’ici un an. Ça a eu un impact sur ma santé physique, mon corps est fatigué. Et puis c’est tellement de stress, d’heures de travail. Après trois ans aussi intenses, j’aimerais prendre le temps de voyager, réfléchir à ce que je veux faire. La plupart de mes potes en finance sont partis de la banque d’investissement vers le private equity (capital-investissement) – on devient client des banques, avec des salaires hallucinants et un meilleur équilibre vie pro, vie perso. Mais de plus en plus, je pense que quand j’arrête ce métier, j’arrête la finance. Je veux fonder une famille d’ici trois à cinq ans, déménager à New York ou en Italie avec mon copain.
-Lire le récit | Article réservé à nos abonnés « Je veux le plus gros nombre de zéros sur ma fiche de paye » : ces étudiants qui vont en finance pour être « le meilleur et le premier »
-Diane Merveilleux
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