les dessous d’un scandale français – L'Express
Le mardi 29 avril dernier, dans les salons feutrés du ministère du Travail, le Club Landoy, un think tank en pointe sur les problématiques de transition démographique paraphait sa nouvelle Charte 50 +, lancée en 2022 avec le groupe L’Oréal. Son objectif ? Inciter les 136 “entreprises et structures” signataires à s’engager concrètement en faveur de l’inclusion des personnes âgées de 50 ans et plus. “La transition démographique est un enjeu majeur pour le marché du travail. Pourtant les seniors peinent encore à y trouver leur juste place”, déplore Sibylle Le Maire, fondatrice et dirigeante de cette structure née en 2019 dans le giron de Bayard.
Un des taux d’emploi des seniors les plus bas d’Europe
Quel euphémisme ! Malgré la prise de parole médiatique de grands groupes (Ikea, Schneider Electric, EDF…), la gestion active et bienveillante des collaborateurs dits “expérimentés” demeure limitée. Selon une étude récente de l’Association pour l’emploi des cadres, seules 5 % des TPE, 7 % des PME et 19 % des ETI et grandes entreprises déclarent avoir mis en place des mesures spécifiques à leur encontre. Une véritable aberration alors que la réforme des retraites de 2023 a porté l’âge légal de départ à 64 ans. Une situation d’autant plus préoccupante que la France affiche l’un des taux d’emploi des seniors les plus bas d’Europe (52 % des 55-64 ans sont aujourd’hui en activité, contre 61 % en moyenne). Pour les 60-64 ans, ce ratio ne franchit même pas les 30 % (sources : OCDE et Dares).
Existerait-il donc une problématique spécifique à l’Hexagone ? “Les entreprises doivent faire face à plusieurs freins lorsqu’il s’agit de mieux intégrer les seniors, constate Vincent Binetruy, directeur France de Top Employers Institute, qui certifie l’”excellence“ des pratiques RH dans le monde entier. Les stéréotypes liés à l’âge demeurent tenaces, qu’il s’agisse de supposés manques de flexibilité, d’aisance avec les outils digitaux ou d’aptitude à évoluer.
L’autre difficulté est organisationnelle : adapter les parcours en fin de carrière, proposer des transitions progressives vers la retraite ou encore offrir des opportunités de reconversion, exige une vraie anticipation des trajectoires individuelles.” Dernier frein pointé par l’expert : des pratiques RH qui ne tiendraient pas toujours compte de la spécificité des situations, les politiques de diversité étant souvent pensées de manière globale, sans dispositif ciblé pour les enjeux générationnels. “Cela peut créer un décalage entre les ambitions affichées et la réalité vécue par les collaborateurs seniors” poursuit Vincent Binetruy. “Maintenir un bon niveau de motivation et d’engagement, les placer dans des rôles de transmetteurs du savoir et de la culture d’entreprise, voici les principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises dans la gestion de cette classe d’âge, explique de son côté Patrick Scharnitzky, directeur associé, en charge du département Diversité et inclusion au sein du cabinet AlterNego.
Au-delà des mesures pouvant accompagner les collaborateurs expérimentés - bilans, formations, dispositifs d’aménagement du temps de travail, etc.-, ce psychosociologue estime que, “les entreprises doivent lutter contre toutes les formes de jeunisme qui ont tendance à stigmatiser et exclure les salariés les plus seniors”. Pour preuve, une étude menée en 2024 par son cabinet sur les enjeux de communication inclusive, a montré que seulement 6 % des visages présents sur les pages RH des entreprises françaises concernaient des salariés de plus de 50 ans qui représentent plus de… 30 % de la population active.
Promouvoir une culture inclusive de performance
Leader hexagonal des services à la personne, le groupe Oui Care (20 000 collaborateurs) mène une politique active de lutte contre l’âgisme et a mis en place une batterie de dispositifs “inclusifs” : recrutements sans limite d’âge, postes évolutifs pour préserver la santé, cumuls emploi-retraite pour permettre d’obtenir à terme un complément de revenus, tutorats, binômes intergénérationnels, etc. “Nous encourageons les seniors à jouer un rôle de référents métiers, formateurs terrain, ou responsables d’équipe, et à accompagner les nouvelles recrues. Dans notre entreprise chaque génération a un rôle à jouer dans la chaîne du care” plaide Djamila Tedjani, la DRH de l’entreprise. Même volonté d’inclusivité générationnelle au sein du groupe Apicil, l’un des poids lourds français de la protection sociale dont 31 % de l’effectif a plus de 55 ans. Outre l’instauration de dispositifs de mentorat et de campagnes de sensibilisation interne contre les discriminations liées à l’âge, la DRH a instauré un bilan santé pour les + de 50 ans dans une logique de “prévention et de maintien en santé au travail” souligne Sylvain Martinet, responsable du développement du capital humain du groupe.
Par ailleurs, il existe des mesures spécifiques d’accompagnement à destination des plus de 55 ans exerçant un rôle d’aidant : aménagements d’horaires, aide financière et psychologique, plus grande souplesse en matière de télétravail, octroi de congés supplémentaires, formations spécifiques (gestes et postures, prévention des risques). “Pour réussir ce défi démographique d’intégration des seniors, les entreprises doivent promouvoir une culture inclusive de performance, conclut Juliana Hono, experte Talent, Skills & Transformation au sein du cabinet Mercer France. En favorisant un environnement où toutes les générations collaborent et sont valorisées et respectées.”
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https://www.lexpress.fr/economie/emploi/management/seniors-en-entreprise-les-dessous-dun-scandale-francais-PMNTE3ARWFEIPM7VD7Y2XHBLPE/
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