Il y a au moins trois raisons majeures pour lesquelles l'innovation a besoin d'immigration. La première raison est liée à un effet de diversité : des inventeurs d'origines diverses sont porteurs de cultures, de qualifications et de savoirs complémentaires ; et le savoir progresse mieux à travers la confrontation de ces savoirs et de ces cultures. La seconde raison est liée à un effet d'âge : permettre l'immigration tend à rajeunir la population, or les jeunes tendent à être plus inventifs, à prendre davantage de risques, et ils sont moins soucieux de se renier eux-mêmes en innovant. Le Japon innove moins en partie à cause du vieillissement de sa population, lui-même dû à une absence d'immigration. La troisième raison est liée à un effet de concurrence : la menace d'être concurrencé par des cerveaux venus de l'étranger stimule l'innovation par les autochtones.
Education et motivation
De fait, l'histoire montre que c'est surtout l'immigration qualifiée qui a stimulé l'innovation dans le pays d'accueil. Une première explication est liée à l'éducation : par exemple, l'immigration a contribué à hauteur de 29 % à la croissance de la population active ayant achevé un second cycle universitaire aux Etats-Unis entre 1995 et 2008. Cette immigration a été particulièrement prononcée dans le domaine des Sciences, technologies, ingénierie, et mathématiques (les « STEM »). C'est ainsi que les résidents américains nés à l'étranger sont surreprésentés dans la liste des 250 auteurs les plus cités, et également parmi les lauréats de prix Nobel, en STEM.
Le processus d'immigration lui-même rend potentiellement l'individu plus déterminé à réussir par la suite.
Lire aussi :
Immigration : Retailleau serre la vis sur les régularisations de sans-papiers
CHRONIQUE - N'oublions pas les Marie Curie perdues
Une seconde explication est liée à la notion de motivation intrinsèque. Cet argument s'appuie sur deux faits statistiques. Les individus issus de l'immigration ne sont pas, dans l'absolu, meilleurs que les individus nés aux Etats-Unis dans le domaine des STEM, mais ils ont tendance à s'y consacrer davantage dès leurs études, ce qui les conduit par la suite à être plus performants dans ces domaines. D'où provient cette motivation intrinsèque ? D'abord, d'un processus de sélection : seuls les individus les plus entreprenants et les plus motivés ont une volonté et une tolérance au risque suffisantes pour immigrer. Ensuite, le processus d'immigration lui-même rend potentiellement l'individu plus déterminé à réussir par la suite.
Encourager et réguler
Comment encourager et réguler l'immigration qualifiée ? Les Etats-Unis ont une politique de carte verte, qui passe par l'employeur ou par le conjoint. Quant au système canadien, il fonctionne différemment, sur la base d'un système à points : en fonction de ses caractéristiques personnelles (âge, éducation, profession), un candidat à l'immigration se voit attribuer un nombre de points entre 0 et 100 et chaque année le gouvernement décide, en fonction du nombre de personnes qu'il souhaite voir entrer sur le territoire.
Plutôt que de se perdre dans des débats stériles sur les droits à accorder ou non aux immigrants légaux, la France devrait se doter d'outils modernes pour favoriser une immigration qui stimule l'innovation et la croissance.
Philippe Aghion est économiste, professeur au Collège de France et à l'Insead.
https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/limmigration-comme-facteur-dinnovation-2164503
Il y a au moins trois raisons majeures pour lesquelles l'innovation a besoin d'immigration. La première raison est liée à un effet de diversité : des inventeurs d'origines diverses sont porteurs de cultures, de qualifications et de savoirs complémentaires ; et le savoir progresse mieux à travers la confrontation de ces savoirs et de ces cultures. La seconde raison est liée à un effet d'âge : permettre l'immigration tend à rajeunir la population, or les jeunes tendent à être plus inventifs, à prendre davantage de risques, et ils sont moins soucieux de se renier eux-mêmes en innovant. Le Japon innove moins en partie à cause du vieillissement de sa population, lui-même dû à une absence d'immigration. La troisième raison est liée à un effet de concurrence : la menace d'être concurrencé par des cerveaux venus de l'étranger stimule l'innovation par les autochtones.
Education et motivation
De fait, l'histoire montre que c'est surtout l'immigration qualifiée qui a stimulé l'innovation dans le pays d'accueil. Une première explication est liée à l'éducation : par exemple, l'immigration a contribué à hauteur de 29 % à la croissance de la population active ayant achevé un second cycle universitaire aux Etats-Unis entre 1995 et 2008. Cette immigration a été particulièrement prononcée dans le domaine des Sciences, technologies, ingénierie, et mathématiques (les « STEM »). C'est ainsi que les résidents américains nés à l'étranger sont surreprésentés dans la liste des 250 auteurs les plus cités, et également parmi les lauréats de prix Nobel, en STEM.
Le processus d'immigration lui-même rend potentiellement l'individu plus déterminé à réussir par la suite.
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Une seconde explication est liée à la notion de motivation intrinsèque. Cet argument s'appuie sur deux faits statistiques. Les individus issus de l'immigration ne sont pas, dans l'absolu, meilleurs que les individus nés aux Etats-Unis dans le domaine des STEM, mais ils ont tendance à s'y consacrer davantage dès leurs études, ce qui les conduit par la suite à être plus performants dans ces domaines. D'où provient cette motivation intrinsèque ? D'abord, d'un processus de sélection : seuls les individus les plus entreprenants et les plus motivés ont une volonté et une tolérance au risque suffisantes pour immigrer. Ensuite, le processus d'immigration lui-même rend potentiellement l'individu plus déterminé à réussir par la suite.
Encourager et réguler
Comment encourager et réguler l'immigration qualifiée ? Les Etats-Unis ont une politique de carte verte, qui passe par l'employeur ou par le conjoint. Quant au système canadien, il fonctionne différemment, sur la base d'un système à points : en fonction de ses caractéristiques personnelles (âge, éducation, profession), un candidat à l'immigration se voit attribuer un nombre de points entre 0 et 100 et chaque année le gouvernement décide, en fonction du nombre de personnes qu'il souhaite voir entrer sur le territoire.
Plutôt que de se perdre dans des débats stériles sur les droits à accorder ou non aux immigrants légaux, la France devrait se doter d'outils modernes pour favoriser une immigration qui stimule l'innovation et la croissance.
Philippe Aghion est économiste, professeur au Collège de France et à l'Insead.
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