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12 mai 2025
Les membres de la génération X, nés entre 1965 et 1980, estiment être les moins heureux, selon la majorité des études disponibles.
Les membres de la génération X, nés entre 1965 et 1980, estiment être les moins heureux, selon la majorité des études disponibles.© Reuters
Génération sacrifiée
SOS quinquas en détresse : voilà pourquoi la génération X est bien plus sacrifiée que les millennials, les Z ou les boomers
La génération X, née entre 1965 et 1980, est peu représentée dans la culture populaire et les débats publics. Toutefois, ses membres estiment être les moins heureux, selon la majorité des études disponibles.

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Pierre Bentata
Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université.

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Bertrand Martinot
Bertrand Martinot est économiste et expert du marché du travail à l'institut Montaigne, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Auteur du rapport de l'institut Montaigne : “Les Français au travail : aller au-delà des idées reçues” publié en 2023.

SOS quinquas en détresse : voilà pourquoi la génération X est bien plus sacrifiée que les millennials, les Z ou les boomers
avec
Pierre Bentata
et
Bertrand Martinot
Atlantico : La génération X est confrontée à des revenus assez faibles. Ses membres ont vu leur accumulation de patrimoine entravée et sont confrontés à un avenir incertain, notamment sur la question des retraites. Peut-on dire que cette génération est particulièrement sacrifiée aujourd'hui, notamment en matière de protection sociale et de finances publiques ?

Pierre Bentata : Il n'y a pas de raison que cette génération soit moins sacrifiée. Il s’agit de la première génération à connaître une succession de grandes crises, tout en étant confrontée à des transformations majeures au niveau mondial après la guerre, à la concrétisation de la mondialisation, à de grandes révolutions techniques. Cette génération a été la première à subir de plein fouet des crises successives, excepté la crise pétrolière. Cette génération est la première à rencontrer, dès le début de sa vie active, les grandes crises comme l’éclatement de la bulle Internet, les crises des dettes souveraines. D’un point de vue médiatique, il n’y a donc aucune raison qu’on en parle moins. Pourtant, cette génération est souvent considérée comme une génération oubliée, notamment par les spécialistes des ressources humaines et les experts en sondages.

Bertrand Martinot : Notre système montre que le débat sur les retraites dépasse largement la question des seules retraites. Le financement de notre protection sociale, dont les retraites représentent plus de 40 %, se fait au détriment du dynamisme économique. Cette situation entraîne un niveau général des prélèvements obligatoires historiquement élevé, ce qui pèse lourdement sur la rémunération des actifs et sur les entreprises. Car en réalité, il faut relativiser la séparation entre la taxation des actifs et celle des entreprises. Si le gouvernement décide de surtaxer les entreprises, par exemple via l’impôt sur les sociétés, cela impacte nécessairement les salaires versés. En sens inverse, un niveau excessif de taxation du travail entraîne des désincitations au travail et se retrouve dans les coût salariaux des entreprises.

Concernant la génération X, les réformes des retraites récentes, en particulier celles de 2023, l'obligent à cotiser plus longtemps. Elles ne se limitent pas à la réforme de 2023, bien sûr. À partir de 50 ans, cette génération rencontre des difficultés sur le marché du travail. Par ailleurs, contrairement aux générations précédentes, elle possède beaucoup moins de patrimoine. Dans les années 1970 - 1980, l'âge auquel le patrimoine était le plus élevé était généralement autour de 50 ans, voire un peu plus tôt. Aujourd'hui, cet âge se situe plutôt vers 70 ans selon l’INSEE.

Les transmissions d'héritage se font aujourd'hui en moyenne à 60 ans. Ce phénomène est lié à la fois à la démographie et à un faible transfert de patrimoine entre générations avant décès. Le patrimoine s'accumule davantage dans les générations les plus âgées, alors que traditionnellement, ces dernières bénéficiaient de transmissions plus précoces. Ainsi, cette génération X se retrouve piégée, prise dans une situation où les perspectives économiques pour les dix prochaines années, avant leur retraite, ne sont pas particulièrement favorables. En effet, cette décennie sera marquée par des efforts pour redresser les finances publiques, ce qui impliquera une réduction des dépenses et une augmentation des impôts. De plus, l'impact des réformes des retraites va les affecter directement, tandis que la croissance économique risque de rester faible, ce qui entraînera une progression modeste des salaires. Malheureusement, l'avenir est relativement certain et, à cet horizon, il n’est pas très favorable. Cela constitue un vrai problème. Les jeunes de 20 à 25 ans ne se préoccupent pas vraiment de la retraite à cet âge-là. Cependant, les jeunes qui entrent sur le marché du travail aujourd'hui peuvent espérer qu'à l'horizon de 15 à 20 ans, les révolutions technologiques, l'intelligence artificielle, et l'augmentation de la productivité auront changé la donne. Ce n'est pas le seul scénario possible, mais il en fait partie. En revanche, pour la génération X, les perspectives pour les dix prochaines années sont relativement claires. Il est fort probable qu'une nouvelle réforme des retraites pèse sur cette génération, en plus d'une croissance ralentie, des salaires stagnants, et d'un ajustement des finances publiques sans précédent depuis 1945. Cela impliquera probablement un mélange détonnant de hausse de la fiscalité et de réduction des dépenses publiques dans des proportions qui dépendront des préférences politiques du moment. Ce qui est certain, c’est que la génération X sera impactée de plein fouet.

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Le coût d'accès au logement et l'accumulation du patrimoine entravent les certitudes sur l'avenir de la génération X. Est-ce que la croissance des revenus a été particulièrement faible pour cette génération ? Les membres de cette génération ont-ils absorbé le choc des crises économiques et dans quelle mesure cela a-t-il eu un impact ?

Bertrand Martinot : Les salaires n’ont pas diminué dans l’absolu mais ils ont ralenti depuis la fin des années 1990. En France, les salaires ont ralenti bien avant la crise des subprimes. Cela s’inscrit dans un mouvement de long terme qui est lié au ralentissement des gains de productivité. Cependant, la crise des subprimes a été plus qu'une crise ponctuelle. Contrairement aux États-Unis, qui ont rebondi très fortement, cette crise a été suivie par plusieurs années de croissance molle. D'ailleurs, si le “quoi qu'il en coûte” n'avait pas été appliqué et si les dépenses de l'État, notamment les transferts économiques, n'avaient pas explosé ces dernières années, la croissance aurait été encore plus faible, correspondant à notre véritable potentiel. En réalité, la France a été, pendant quelques années, légèrement au-dessus de ce potentiel. Ainsi, il y a eu un ralentissement marqué et durable des économies européennes depuis la crise des subprimes. En vérité, le ralentissement de la productivité — qui est le cœur du problème — avait commencé bien avant la crise, sans doute depuis le milieu des années 1990.

Par ailleurs, il n'y a pas que la génération des quinquas ou des geeks, de la génération X, qui a vu sa rémunération ralentir. Il est difficile de penser qu'ils aient été plus touchés que les autres par la crise des subprimes. En revanche, ils sont fortement impactés par les réformes des retraites. Les retraités actuels ne sont pas affectés par ces réformes, et quant aux jeunes, à l'horizon de 40 ans, il est difficile de faire des projections, car d'ici là, le système des retraites sera probablement très différent. En effet, le système actuel n'est pas soutenable, et ceux qui sont mécaniquement et à coup sûr affectés par ces réformes sont les quinquagénaires.

La génération X est entrée sur le marché du travail dans les années 1990 avec la promesse de cotiser pendant 37,5 ans, pour une retraite à 60 ans.

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Cependant, aujourd'hui, ils se retrouvent avec une durée de cotisation supérieure, soit 43 ans pour une retraite à taux plein. Les réformes prévoient désormais un départ à la retraite à 64 ans, et il est fort probable que cette mesure évolue encore. La promesse qui leur avait été faite en entrant sur le marché du travail n'est plus du tout la même de ce point de vue.

Pierre Bentata : Même si nous disposons de moins de données françaises, en examinant la situation aux Etats-Unis, il est possible de constater qu’il y a eu un enrichissement génération après génération, au-delà des revenus. Le board des gouverneurs de la Fed a établi qu’il y a eu une croissance des revenus et un enrichissement global au fil des générations. En regardant l’évolution de la génération “grandiose” née dans les années 1930 et la transition vers la génération “silencieuse”, les revenus ont progressé de 34 %. Ensuite, les baby-boomers, par rapport à la génération silencieuse, étaient 30 % plus riches. Quant à la comparaison entre la génération X et la génération Y, les X sont 20 % plus riches que les Y. Il y a donc bien eu une croissance, mais cette dernière a été moins rapide pour la génération X. Elle est seulement 16 % plus riche que les baby-boomers.

Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, cette génération a vu le jour au moment où les premiers effets d’une grande libéralisation ont commencé à se faire sentir. Cela a eu un effet contrasté. D’un côté, cela a permis d’enrichir la population mondiale, mais de l’autre, cela a exacerbé les fractures économiques locales dans les pays développés. La génération X est donc la génération qui a été confrontée, comme l’explique Angus Deaton, aux difficultés expérimentées par certaines industries qui ont souffert de ces transformations économiques.

De plus, la génération X est celle qui va amorcer la révolution technologique et expérimenter la première grande révolution Internet. Évidemment, lorsqu'on est au début d'une vague d'innovation, on ne ressent pas immédiatement ses effets. On ne bénéficie pas directement des effets de la révolution technique, qui peut souvent être un facteur de déstabilisation, voire de décroissance, avant de créer un enrichissement. C’est d'ailleurs ce qu’observait Tocqueville, et plus tard Durkheim dans Le Suicide. C’est une génération qui, au début d’une période de forte croissance, tend à ne pas percevoir immédiatement les effets positifs de cette dynamique. De plus, elle vit ce moment de manière particulièrement difficile, car elle peine à percevoir que les effets à long terme seront positifs. Sur le plan économique et psychologique, ce phénomène est très difficile à supporter. En outre, le passage au numérique et la maturation de la mondialisation se produisent à un moment où, globalement, le reste du monde et les autres générations vivent cette période avec enthousiasme. Il n'est donc pas surprenant que des mesures spécifiques n’aient pas été prises pour accompagner cette génération, en pensant qu’elle avait déjà tout gagné, ce qui a conduit à la négliger.

Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les millennials mais il s’agit bien de la génération X qui a connu la plus forte baisse du taux de propriétaires par rapport aux baby-boomers. La crise financière a fortement freiné leur accès à la propriété, et le patrimoine moyen est globalement resté en retrait par rapport aux générations suivantes, à savoir les millennials et la génération Z. A-t-on une idée précise de ce phénomène ?

Pierre Bentata : Lorsqu'une génération est confrontée à une succession de crises économiques au moment où elle progresse dans sa carrière, cela a un effet beaucoup plus important que si elle entre sur le marché au début de sa vie active, où elle peut bénéficier d’une adaptation du marché. Ou à l’inverse, si elle est déjà sortie de ces crises et a constitué une grande partie de son patrimoine. Pour des raisons économiques ou conjoncturelles, la génération X se trouve dans une situation où il est beaucoup plus difficile de se constituer un patrimoine. Il faut aussi prendre en compte le facteur démographique : cette génération vit une période de forte croissance démographique, ce qui entraîne une forte demande sur le patrimoine, notamment immobilier. En France, cela a eu un impact important, alors que les ressources disponibles sont plus limitées.

La génération X se trouve à un croisement, au confluent de certaines responsabilités. Elle soutient à la fois ses grands-parents, non seulement financièrement, mais aussi émotionnellement, moralement et souvent physiquement. En même temps, elle soutient financièrement ses enfants. En termes de rythme de vie, n'y a-t-il pas quelque chose à dire à ce sujet ?

Pierre Bentata : Il s’agit de la première génération qui n’hérite pas jeune, et c'est simultanément la première génération qui, en raison de l'allongement de la durée de vie et d'un choix politique qui a été fait dans toutes les démocraties, celui de prolonger la durée des études, se retrouve à devoir soutenir deux générations : celle qui lui succède directement et celle qui lui précède immédiatement. Cela constitue une transformation fondamentale dans la société. Si l'on revient aux enquêtes sur la génération X, il apparaît que cette génération considère la famille comme quelque chose de fondamental, bien plus que la génération précédente ou suivante. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle elle travaille. Ainsi, cette génération est fortement motivée par le soutien familial, mais elle se trouve également tiraillée économiquement et dans sa vie quotidienne entre le soutien aux anciens et celui aux plus jeunes. C'est aussi la génération qui vit la transition vers l'économie de la connaissance. Elle est celle qui fait face à l'émergence de la double dépendance : celle des personnes âgées et celle des étudiants. Cela va certainement évoluer avec le temps, mais cette génération vit véritablement cette transition. Pour elle, rien n’avait été prévu ni mis en place, car cela était difficile à anticiper. Il aurait fallu des transformations profondes, mais personne n'était prêt. Réformer le système en prévoyant un changement aussi radical est une tâche très complexe. Même dans les études économiques, cela n'a pas suscité de préoccupations majeures. Les recherches des années 60 à 80 ne témoignent pas d'une réelle inquiétude sur ce sujet. Ainsi, cette génération suit les conséquences d’une réflexion économique qui n’avait pas été anticipée.

N’y a-t-il pas une forme d'invisibilisation de la souffrance de cette génération, alors même que toutes les études tendent à montrer qu'elle est ou du moins se perçoit comme étant la plus en souffrance aujourd'hui ?

Bertrand Martinot : Oui, ils sont en souffrance, surtout en dynamique. Cependant, en termes de niveau de rémunération, ce sont eux qui ont les salaires les plus élevés, car le pic des rémunérations se situe à cet âge. Le véritable problème réside davantage dans le patrimoine. En effet, contrairement à la génération précédente, les quinquagénaires disposent de beaucoup moins de patrimoine, car ils héritent plus tard. En outre, leurs salaires auront progressé moins vite que ceux des baby-boomers, tout simplement parce qu'ils ont connu plus souvent le chômage, et parce que les salaires ont augmenté plus lentement pour eux que pour les baby-boomers.

Cela contribue d'ailleurs au fait qu'ils auront des pensions relativement plus faibles par rapport à leurs salaires comparativement aux baby-boomers actuels, qui sont leurs parents. Les baby-boomers avaient également des taux de cotisation plus faibles, évidemment, dans les années 1970 - 1980. Pour résumer, la génération X verra le taux de rendement du système de retraite fortement diminuer par rapport à celui des baby boomers. C’est ce que montrent d’ailleurs les projections du Conseil d’Orientation des Retraites.

Pierre Bentata : Il y a plusieurs raisons à cela. La première est que cette génération n'est pas encore en âge de partir à la retraite, et donc elle ne représente pas un segment nouveau et politiquement très important. Ce n'est pas une génération jeune, mais une génération au cœur de sa carrière, qui, comme nous l'avons dit, doit jongler entre le soutien aux parents et celui aux enfants. C'est aussi une génération qui, d’un point de vue cynique, a moins de capacité à se mobiliser, que ce soit par le vote, comme les générations plus âgées, ou par la rue, comme les plus jeunes. Elle est donc, mécaniquement, moins visible. Ensuite, cette génération a été témoin du début de la transition numérique, mais elle n'a pas été la plus visible dans l'adoption ou l'utilisation immédiate des outils numériques. Par conséquent, elle est moins présente en ligne, notamment comparée aux générations suivantes, comme les millennials ou la génération Z. Cela contribue à son invisibilité. Enfin, d'un point de vue plus philosophique et historique, cette génération peut être considérée comme celle de la fin de l’histoire, telle qu’elle a été définie par Fukuyama.

Cette génération devient mature à un moment où l’on considère que l’histoire est terminée. On pense que nous avons trouvé le meilleur système, et une forme d’euphorie se développe, dans laquelle on oublie même les problèmes que nos propres systèmes peuvent engendrer. Les grands conflits idéologiques sont perçus comme résolus, et il n’y a donc pas de réelle dynamique autour de cette génération. On estime que c’est la première génération qui pourra se détacher de la grande histoire pour se concentrer sur ses petites histoires personnelles. D’une certaine manière, c’est vrai, car d'après les enquêtes sur la génération X, il apparaît que la famille, la vie privée et l’amélioration de la situation personnelle sont des préoccupations importantes. Cependant, cela s’accompagne également du fait que c’est à ce moment-là que le politique commence à se détacher des grandes décisions et des grandes réformes. Gérald Bronner l’observe également : c’est en parallèle, ou du moins au même moment, que dans le domaine scientifique, on cesse de parler de progrès pour évoquer l’innovation. En conséquence, l’avenir, en tant que concept porteur, perd de son attrait. Politiquement, cette génération arrive à un moment où il n’y a plus de projet politique concret.

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Mots-Clés
génération X , Génération Z , Millenials , accès à la propriété , Patrimoine , retraites , Baby-boomers

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