Publié le 18 avril 2025 à 07h00
Cette photo d’illustration montre une vidéo d’un influenceur TikTok se martelant la pommette, à Los Angeles, le 11 avril 2025. CHRIS DELMAS / AFP
Sur TikTok, Instagram et Youtube, des influenceurs vantent la figure du «mâle alpha». Un regard séduisant, des joues creusées, un menton affiné : toutes les techniques possibles et imaginables sont inventées pour devenir «parfait».
Parmi les nombreuses tendances présentes sur l’application TikTok, le «looksmaxxing» sort du lot et fait fureur du côté des jeunes hommes. Cette tendance s’inscrit dans la «manosphère», une communauté d’hommes dans la sphère masculiniste, hostile envers les femmes, antiféministe et très active sur Internet. Ce terme est apparu dans les années 2010 sur des forums de discussions en quête de remède pour devenir des «mâles alpha».
En matière de «looksmaxxing», ces nouveaux influenceurs livrent une série de conseils, qui peuvent paraître a priori sans danger : hydratation de la peau, exercices de musculation de la mâchoire, massages faciaux réalisés avec des ustensiles tels que le «Gua Sha» et des rouleaux pour visages. Ils vont néanmoins plus loin. Ces tiktokeurs promeuvent des pratiques de «skin routine» potentiellement dangereuses. Ils pratiquent ainsi le «bonesmashing» : ils se filment ainsi, marteaux en main, en se frappant les pommettes pour redessiner leur visage afin d’atteindre l’idéal de beauté. Paraître viril est l’objectif premier, voire l’obsession de ces jeunes hommes. L’apparence idéalisée consiste à obtenir un maximum de traits ultra-accentués et perçus comme «masculins». La chirurgie esthétique fait partie des recommandations données par les influenceurs car elle permettrait d’avoir un regard sensuel et mystérieux, un terme plus connu sous le nom de «hunter eyes» («yeux de chasseurs»), pour attirer les femmes. Parfois, ils encouragent aussi la prise de stéroïdes, un dérivé de l’hormone naturelle qu’est la testostérone.
À lire aussi Aurélie Jean : «Elon Musk, porte-drapeau mondial du masculinisme ?»
Oscar Patel un influenceur présent sur plusieurs plateformes et comptabilisant plus de 100.000 abonnés sur Youtube a publié une longue vidéo explicative en janvier dernier, pour prouver à sa communauté que le «looksmaxxing» fonctionne bel et bien, et qu’il est possible pour tout le monde de devenir extrêmement séduisant en quelques mois seulement, à condition de suivre scrupuleusement tous ses conseils.
La tendance prend une large place sur la plateforme après que certains influenceurs, comme Dillion Latham et ses 1.7 millions de followers, ont expliqué à leur communauté qu’il fallait utiliser de l’eau oxygénée avec un coton-tige pour avoir les dents parfaitement blanches. Pourtant, des dentistes affirment qu’utiliser régulièrement ce produit est mauvais pour l’émail des dents. Marcel Shaar, un autre influenceur encourage ses followers à avaler un maximum de chew-gums bien spécifiques pour muscler leur mâchoire. Il a même fait de ses conseils un véritable fonds de commerce. Sur son site officiel, marcel.fit, il promet qu’en suivant sa formation payante, l’utilisateur pourra se sculpter un corps digne d’un dieu grec.
«Un mélange toxique »
Siddharth Venkataramakrishnan, chercheur au sein du think tank américain Institute for Strategic Dialogue, remarque que cette tendance est alimentée par « des influenceurs qui promeuvent des corps et des visages parfaits». « Ça se mélange avec la misogynie de la manosphère, créant un mélange toxique ». En effet le «looksmaxxing» puise ses idées autour des hommes dits «incels» (les «célibataires involontaires»), désignant, dans la culture geek, des hommes qui ont peu de succès auprès des femmes et se mettent à nourrir une haine à leur égard ou envers le féminisme, jugé responsable de leur échec. Selon eux, les relations qu’ils entretiennent avec les femmes doivent se restreindre exclusivement à des rapports sexuels, celles-ci étant perçues comme « vides » intérieurement. Andrea Solea de la School of Criminology and Criminal Justice à Portsmouth au Royaume-Uni assure que ces vidéos de «looksmaxxing» sont liées à cette mouvance «incel».
Le documentaire publié sur France.tv en 2024 «Mascus, les hommes qui détestent les femmes», indique que ces derniers arrivent à éviter de se faire bannir ou parviennent à contourner les interdictions sur les propos haineux en employant un certain vocabulaire du «looksmaxxing». Mais, une fois connectés sur des plateformes privées, ils se répandent en termes violents et dégradants contre les femmes. «Nous cherchons à protéger [celles-ci] des violences liées au genre, mais nous devrons également faire attention aux jeunes hommes», affirme Andrea Solea dans ses travaux.
Un sujet repris dans une série Netflix
Cette nouvelle tendance de conseils beauté masculiniste pourrait être inquiétante au vu du succès qu’ont les vidéos sur la plateforme, notamment auprès des jeunes hommes adhérant à ces idées. Ce sujet est par ailleurs repris dans «Adolescence», une série britannique racontant l’histoire d’un jeune accusé du meurtre d’une collégienne après avoir été abreuvé de contenus misogynes.
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/machoires-carrees-steroides-coups-de-marteau-qu-est-ce-que-le-looksmaxxing-cette-tendance-masculiniste-qui-cartonne-sur-tiktok-20250418
you see this when javscript or css is not working correct