Une pierre dans le jardin des médecins. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les députés ont adopté, contre l'avis du gouvernement, une disposition censée aider les Français à décrocher plus rapidement un rendez-vous médical en empêchant les médecins de s'installer là où ils sont déjà considérés comme suffisamment nombreux, pour favoriser les ouvertures de cabinets dans les déserts médicaux.
« Un vote historique », a salué le député LFI Hadrien Clouet. En débat depuis des années sur fond de manque chronique de médecins à travers la France, l'idée de limiter la liberté d'installation des médecins a été portée ces dernières semaines par le socialiste Guillaume Garot et quelque 250 députés de tous les bords politiques, sauf celui du Rassemblement national.
« Stopper la progression des inégalités »
Le principe d'une régulation de l'installation avait été rejeté - de peu - en commission des affaires sociales la semaine dernière. Hier soir, les députés ont finalement réintroduit, dans une ambiance houleuse, les dispositions qui avaient été supprimées, avec 155 voix pour et 85 contre. « Après trois ans de travail transpartisan, l'Assemblée a adopté ce soir à une large majorité la réintroduction de dispositions encadrant l'installation des médecins », s'est félicité Guillaume Garot.
A ce stade, il est donc prévu que les médecins obtiennent le feu vert de l'Agence régionale de santé (ARS) pour « poser leur plaque ». S'il s'agit de s'implanter dans une « zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins », ce feu vert sera garanti. En revanche, si le médecin souhaite s'installer là où ses confrères sont déjà considérés comme nombreux, il ne pourra le faire que pour remplacer un professionnel de la même spécialité sur le départ.
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Ces règles, censées « stopper la progression des inégalités entre territoires » en matière d'accès aux soins, doivent s'appliquer aussi bien aux médecins salariés qu'aux libéraux. Une façon de répondre aux critiques arguant que l'encadrement de l'installation pousserait les médecins à s'installer dans des centres de santé en salarié, alors que ce mode d'exercice est réputé moins productif, dans la mesure où les horaires de travail sont moins importants qu'en libéral.
Le vote d'hier soir n'est cependant qu'une étape. La suite de la proposition de loi - prévoyant également d'obliger les médecins à faire des gardes ou de supprimer les pénalités financières imposées aux patients ne passant pas par leur médecin traitant pour se faire soigner - doit se poursuivre début mai. Si elle est bien adoptée, elle devra encore passer l'étape du Sénat.
Ministre de la Santé embarrassé
Le gouvernement s'est déclaré défavorable à la réintroduction des mesures de régulation et le ministre de la Santé est apparu embarrassé. Evoquant un problème « relativement insupportable », Yannick Neuder a plaidé pour « coconstruire » des solutions avec les élus et les professionnels et promis des « propositions à la fin du mois » d'avril.
Plus tôt dans la semaine, le Premier ministre, François Bayrou, avait déjà évoqué la présentation dans quelques semaines d'« un plan de solution concrètes », tout en se montrant favorable à la régulation de l'installation.
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Depuis 2022, les initiatives se sont multipliées pour réguler l'installation des médecins mais elles s'étaient jusque-là heurtées à l'opposition des gouvernements successifs et de leur majorité. Les détracteurs de la régulation, au premier rang desquels figurent les syndicats de médecins libéraux, dénoncent une mesure au mieux inefficace, compte tenu de l'ampleur de la pénurie de médecins, et porteuse d'illusions pour les citoyens ; au pire contre-productive et délétère pour le dynamisme de la médecine de villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia car elle dissuaderait les jeunes médecins de travailler en cabinet.
Face à ces arguments, les défenseurs de l'encadrement de l'installation font valoir qu'il est déjà entériné pour les pharmaciens, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes ou encore les dentistes. Pour les médecins, « c'est une voie qui n'a jamais été encore explorée », a plaidé le député centriste Philippe Vigier mercredi soir, rejetant l'idée qu'il s'agit d'une « coercition ».
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