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-====== Le Monde – À Shuitou, capitale chinoise des jouets pour chien et chat, le choc de la guerre commerciale ======
- https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/04/16/dans-la-ville-chinoise-des-jouets-pour-chien-et-chat-le-choc-de-la-guerre-commerciale_6596504_3234.html
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-https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/04/16/dans-la-ville-chinoise-des-jouets-pour-chien-et-chat-le-choc-de-la-guerre-commerciale_6596504_3234.html
-ÉCONOMIE
-À Shuitou, capitale chinoise des jouets pour chien et chat, le choc de la guerre commerciale
-Il y a vingt ans, cette ville usine du Zhejiang avait dû fermer ses 1 000 tanneries, trop polluantes. Reconvertie peu à peu dans les accessoires pour animaux de compagnie, elle est à nouveau menacée par les droits de douane américains.
-Par Jordan Pouille (Shuitou (Chine), envoyé spécial)
-Par Jordan Pouille (Shuitou (Chine), envoyé spécial)
-Par Jordan Pouille (Shuitou (Chine), envoyé spécial)
-Aujourd’hui à 06h00, modifié à 17h24
-Lecture 4 min
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-Une employée emballe des aliments pour animaux de compagnie à Shuitou, dans la province du Zhejiang, en Chine, le 17 mai 2017. VISUAL CHINA GROUP VIA GETTY IMAGES
-A Shuitou, en Chine, jeudi 10 avril, ils sont des dizaines de fabricants à avoir reçu cet e-mail laconique de la part de Maersk, le géant du transport maritime : « En raison de l’impact des barrières douanières entre la Chine et les Etats-Unis, le client xx [le nom de la chaîne importatrice a été anonymisé] a décidé de suspendre sa livraison cargo jusqu’à nouvel ordre, avec effet immédiat. Aucun conteneur ne devra être expédié vers son terminal portuaire. Ceux en cours de remplissage devront être vidés sur-le-champ. »
-Les barrières douanières de 145 % décrétées ce jour-là par la Maison Blanche ont assommé cette petite ville-usine de l’est de la Chine, dans la province du Zhejiang, presque entièrement tournée vers l’export d’articles pour chien et chat. Dans un article du magazine chinois Sixth Tone de 2023, il est dit que quatre propriétaires américains d’animaux domestiques sur cinq disposent d’une laisse ou d’un jouet fabriqué à Shuitou.
-Depuis quinze ans, cette ville de 120 000 habitants respire au rythme des chiens et chats américains et européens. Une reconversion radicale après trente années dans l’industrie du cuir et un coup d’arrêt. En août 2003, Shuitou s’est retrouvée sur une liste recensant les dix sites les plus pollués de Chine. En cause : son industrie de tannerie dont les eaux usées, gorgées de chrome, se déversent impunément dans la rivière. Les récoltes alentour sont devenues médiocres, de nouvelles maladies apparaissent, les jeunes hommes échouent aux tests physiques d’entrée dans l’armée. Sommées d’agir, les autorités locales font fermer près d’un millier de tanneries familiales. Les plus grosses, huit à peine, se maintiennent, après une sévère mise en conformité.
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-Pour beaucoup, il faut vite se reconvertir pour ne pas sombrer. L’idée vient d’un instituteur local qui comprend que la peau des porcs peut être séchée et transformée sans chimie en bâtons à mâcher pour chien. Chen Zhenbiao lance son affaire et décroche rapidement une commande du Canada. Encore aujourd’hui, dans les ruelles encerclant son usine, des peaux fines et translucides s’entassent dans l’attente d’être découpées en lamelles puis tressées. Au fil des ans, Shuitou a aussi étendu son emprise sur les laisses, les jouets et les cordes à mâcher. Yuanfei, l’autre grosse usine de Shuitou, fabrique 50 millions de laisses par an.
-Prospérité retrouvée
-En 2016, pour marquer la renaissance économique, les officiels locaux du Parti communiste chinois ont inauguré leur centre de formation au milieu de ces usines nouvelles. La nuit tombée, ce bâtiment blanc en forme d’os à chien scintille de rose et de bleu. Des dames y convergent alors pour leur séance de gym quotidienne. Partout à Shuitou, des façades se parent de fresques représentant des chats ou des chiens forcément euphoriques. La signalétique est modifiée et Shuitou devient aussi « Pingyang Pet City », du nom du comté. Les autorités locales facilitent au mieux les démarches administratives des nouveaux entrepreneurs et les encouragent à exposer leur savoir-faire au salon annuel d’Orlando (Floride), en remboursant jusqu’à la moitié des frais.
-Le Monde Jeux
-Chaque jour de nouvelles grilles de mots croisés, Sudoku et mots trouvés.
-Jouer
-Signe de cette prospérité retrouvée, les dons des fidèles aux églises protestantes locales réapparaissent. Celles-ci s’embellissent et s’agrandissent. Trop, sans doute, pour les officiels, qui lanceront un raid contre les nouvelles croix poussant au sommet des clochers. Le 21 juillet 2014, face à 400 policiers, un millier de chrétiens tenteront vainement d’empêcher le retrait de l’une d’entre elles, juste en face d’un atelier.
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-En 2020, la pandémie de Covid-19 se répand. L’épidémie est d’abord vécue comme un drame sanitaire, puis comme une opportunité commerciale. Confinés, les Occidentaux s’entourent encore davantage d’animaux de compagnie. Les commandes pleuvent. En 2023, Shuitou a vendu à l’export pour 630 millions de dollars (555 millions d’euros) d’articles pour animaux de compagnie.
-En 2024, Limi Lin, 37 ans, expédiait encore vers les Etats-Unis 40 conteneurs de jouets et 35 conteneurs de bâtonnets à mâcher. La jeune femme gère, avec son mari, la société Hpets, soit deux usines et une centaine de salariés. Ses bureaux sont situés à la sortie de Shuitou dans un bâtiment moderne, entre deux fermes maraîchères. C’est aussi là que se trouve le showroom : des jouets de toutes tailles pour divertir l’ensemble du genre canin, du bichon maltais au dogue allemand. Avec aussi des produits saisonniers, aux couleurs de Noël par exemple. « Les Américains raffolent des nouveautés et mes clients m’en demandent tous les mois. Pour les Européens, c’est plutôt l’inverse. Ils préfèrent la continuité », explique-t-elle. Limi Lin vend, en moyenne, chaque jouet autour de 80 cents de dollar.
-« Les usines vont se mettre à licencier »
-Début mars, le président américain, Donald Trump, a signé un décret faisant passer les droits de douane sur les produits chinois entrant aux Etats-Unis de 10 % à 20 %. Sur WhatsApp, Limi Lin a alors reçu des messages très directifs de ses clients américains, d’habitude si avenants. « Pour la livraison en cours, nous avons besoin d’un meilleur prix parce que les droits de douane sont à 20 % maintenant », dit l’un d’eux. Et d’ajouter, comme pour convaincre : « Toutes les usines nous aident. » Limi Lin réagit : « Mais la marchandise est déjà livrée et vous attend au port. » Réponse : « Et alors ? Aucun rapport ! » Début avril, de nouveaux droits s’accumulent. Et rebelote : « Salut. Qu’allez-vous faire au sujet des “tarifs” douaniers ? » Désemparée, Limi Lin ne répond pas. Le lendemain, son acheteur américain la relance d’un : « ???? »
-Afin de lancer la production, un avoir de 30 % est toujours versé par le client. Le solde est ensuite réglé au moment de la réception sur le sol américain. « J’avais déjà fait une faveur à un client, en lui proposant de me payer une partie de cette commande lors de la livraison de la commande suivante, c’est-à-dire quand il aurait déjà été payé par son client à lui, une enseigne de magasins », raconte Limi Lin. Il est peu probable qu’elle en voit un jour la couleur.
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-Depuis neuf ans, les produits de Limi Lin se vendent aussi dans les rayons d’une chaîne européenne de magasins discount. La patronne se demande si l’Europe et le marché domestique chinois auront la capacité d’en absorber encore davantage, maintenant que le marché américain est en passe de s’évaporer : « Mais cela prendra du temps. Alors si la situation demeure ainsi, avec ces taxes à 145 %, les usines vont se mettre à licencier, à commencer par les plus grosses, car ce sont elles qui travaillent le plus pour les Américains. » Entre eux, les businessmen de Shuitou ont du mal à dévoiler leurs difficultés. D’ailleurs, ils s’évitent : le Tonino Lamborghini Hotel, le plus prestigieux établissement de Shuitou, où la bonne société dîne le vendredi soir ou déjeune le lendemain, est devenu fantomatique. « Nous retenons tous notre souffle avec l’espoir que la situation revienne à la normale bientôt, dit Limi Lin. Cela se réglera forcément entre Trump et Xi Jinping [le président chinois]. Je pense que notre gouvernement a les capacités pour défendre nos intérêts. »
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