« On est à bout de nerfs
«On est à bout de nerfs, on ne peut plus dormir. » Linh-Thao Doan et son compagnon Olivier Goret reçoivent dans l’appartement qu’ils louent au 59, quai des Chartrons, clair et calme en ce midi d’avril. Mais la nuit, disent-ils, c’est une autre musique.
Avec leur fille âgée aujourd’hui de 9 ans, ces ex-Parisiens ont emménagé pendant l’été 2023 dans ce grand immeuble de pierre. Le rez-de-chaussée venait d’être quitté par son locataire emblématique : La Casa Latina, bar musical qui avait animé le quartier pendant près de vingt ans. En octobre dernier, le bail commercial est repris par trois jeunes entrepreneurs bordelais.
Moquette léopard, esprit cosy et vintage, bar à cocktails, le Village 59 a tout pour séduire une foule de trentenaires, parfois plus jeunes, toujours à la recherche de spots festifs en centre-villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia. « Ils nous ont présenté ça comme un bistrot de quartier, on trouvait ça plutôt sympa », dit le couple. Ça n’a pas duré. Car l’enseigne propose aussi, deux étages en dessous de leur chambre, un espace club à la programmation éclectique, du rock à l’électro. Et contrairement à la Casa Latina qui fermait à 2 heures, il est ouvert jusqu’à 5 heures du matin, du jeudi au samedi, et depuis peu le dimanche. « Il y a le problème de la musique, avec les basses très fortes. Et peut-être plus prégnant encore, les nuisances dues aux gens qui sortent », dit le couple, qui décrit « des cris, jets de bouteille, attroupements, bagarres….»
Mains courantes
Leur complainte n’est pas isolée. « Ma locataire est partie en décembre et je n’arrive pas à louer depuis. C’est intenable », assure Loïc Faugères, propriétaire au 1er étage, qui retrace qu’auparavant, il n’a « jamais eu de problème, ni entendu parler de conflit de voisinage avec la Casa Latina ». Même son de cloche avec un autre propriétaire, Arnaud Petrissans : « Ma locataire pète un câble. Ils font du bruit jusqu’au cours de la Martinique. »
Les exploitants ont pourtant procédé à l’étude d’impact sonore réglementaire. « Des techniciens sont venus chez nous, mais on n’a jamais eu les résultats », dit Olivier Goret. À plusieurs reprises, les résidents auraient essayé de dialoguer avec les gérants du Village 59 : « Ils ont été sympa, mais en fait, ils ne font rien. »
Depuis des mois, ils appellent régulièrement la police « mais elle ne vient jamais ». Plusieurs mains courantes ont été déposées. Ils se sont tournés vers la mairie et la Métropole a procédé fin janvier à des mesures acoustiques de nuit au-dessus du club. « Le rapport relève que les niveaux sonores dépassent largement les seuils légaux », dit Linh-Thao Doan. Une autre étude est attendue.
« On veut juste dormir »
La copropriété a entrepris un recours au civil contre le bailleur. Les résidents s’interrogent aussi sur « l’autorisation dérogatoire accordée par la préfecture à cet établissement de nuit, dans un immeuble d’habitation ». Une pétition a été lancée, des tracts et appels à témoignages diffusés, plusieurs médias sollicités. Enfin, « j’ai déposé début avril une plainte individuelle pour nuisances », annonce Linh-Thao Doan, qui est juriste de profession et a constitué un gros dossier à charge. A suivi une plainte collective, cette fois « signée par 18 riverains », pour « troubles du voisinage ». Entre autres mesures, la fermeture administrative est ouvertement souhaitée. « On n’est pas des chieurs, on a été jeunes, nous aussi. Mais là, c’est insupportable. On veut juste dormir. »
Les trois jeunes associés gérants le Village 59 en octobre dernier, peu avant l’ouverture.
Archives Thierry DAVID/SO
« Mes clients ont toujours voulu maintenir un dialogue et de bons rapports de voisinage, ils sont de bonne foi »
« L’exploitation est conforme »
« Mes clients se sont conformés aux dispositions réglementaires », répond Me Jean-Baptiste Lavillénie, avocat de la société exploitante formée par les trois associés, qui précise que « d’importants travaux d’insonorisation ont été réalisés par le Village 59 sous la férule d’un bureau d’études acoustique ». L’avocat, qui « vient de découvrir l’existence d’une plainte », ne souhaite pas répondre par voie de presse aux arguments des plaignants, se disant « étonné de l’abondance des déclarations […] il faut rester dans le droit ». Il avance que « toutes les autorisations sont conformes. Mes clients ont toujours voulu maintenir un dialogue et de bons rapports de voisinage, ils sont dans une parfaite bonne foi ».
Un nouvel épisode qui témoigne du conflit éternel à Bordeaux entre la nuit et le jour, lieux festifs et voisins excédés. Fin février dernier, le restaurant Matahari, ouvert depuis quelques mois dans la rue des Piliers-de-Tutelle, a écopé d’une fermeture administrative de quinze jours pour tapage nocturne et trouble à la tranquillité publique. En juillet dernier, le bar le Tapage, près de la Grosse Cloche, a dû fermer ses portes après une plainte des riverains.
« Les fermetures administratives sont du ressort de la préfecture, rappelle pour la Ville l’adjoint à la sécurité Marc Etcheverry, même si la municipalité contribue à la procédure. Sur ce cas, on a proposé notre cellule de médiation Bordeaux la nuit, lancé les études. Sur le fond, c’est un conflit récurrent en centre-villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia et il faut trouver un équilibre entre droit au sommeil et volonté d’entreprendre. On est là pour réguler, parler aux deux parties », dit l’élu qui sait que « le temps administratif n’est pas celui des riverains », mais « on doit suivre les procédures ».
https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/on-est-a-bout-de-nerfs-a-bordeaux-des-riverains-du-village-59-bar-et-club-des-chartrons-portent-plainte-pour-nuisances-sonores-24061044.php
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