Politique 14/03/2025 07:00 Actualisé le 14/03/2025 09:11
À la tête d’un ministère aux multiples enjeux, l’ancien chef du gouvernement est salué pour sa méthode d’écoute et de dialogue. Il « n’est plus le même », disent certains.
DELPHINE MAYEUR / AFP
Au gouvernement, Manuel Valls (ici le 22 février) change de style (et s’évite de nombreux pièges)
POLITIQUE - Le Valls nouveau est arrivé. Et beaucoup disent qu’il s’est bonifié. Après des années de déboires électoraux et polémiques en tous genres, Manuel Valls goutte son retour au gouvernement. Nommé à la surprise générale aux Outre-mer en décembre dernier, la veille du réveillon de Noël, l’ancien socialiste doit atterrir ce vendredi 14 mars à Saint-Martin, dans les Antilles, où il débute une visite de six jours qui l’emmènera également en Guadeloupe et en Martinique.
Avec le même succès qu’en Nouvelle-Calédonie fin février ? Le ministre, 62 ans, est resté plus d’une semaine à sillonner l’archipel encore meurtri par les émeutes de 2024. Accueilli par les sifflets et la pression du camp « loyaliste », il est reparti huit jours plus tard en réunissant tous les acteurs autour de la table et en promettant un retour aux négociations rapides pour rompre avec la période de violence qui a fait 11 morts et des centaines de blessés.
Exit le responsable clivant, critiqué pour son autoritarisme et sa faculté à investir (ou créer) toutes les polémiques qui occupent le champ médiatique. Manuel Valls est aujourd’hui loué pour ses qualités de dialogue, d’écoute et d’apaisement. Mais que s’est-il passé ?
« Ce n’est plus le même »
Nombreux de ses interlocuteurs réguliers le disent : Manuel Valls a changé. « Ce n’est plus le même. Il a vraiment pris le poids de la fonction et du contexte sur les épaules. On le sent tout de suite en discutant avec lui », veut croire par exemple un de ses visiteurs réguliers, un élu qui le côtoyait déjà quand il était « premier flic de France » à Beauvau (2012-2014) puis Premier ministre (2014-2016) sous François Hollande.
Dix ans plus tard, le millésime Valls 2025 se compose de deux ingrédients principaux : une volonté de faire avancer les sujets de son ministère - qu’il connaît bien depuis ses passages à Matignon comme conseiller de Michel Rocard puis Premier ministre - mais sans trop d’esbroufe ni grand rendez-vous médiatique. Et un refus assez catégorique, pour l’instant, de sortir de son pré-carré. Et ça marche.
Ainsi, on aurait pu attendre de l’ancien député français et conseiller municipal espagnol qu’il s’engage de plain-pied dans les polémiques lancées régulièrement par son collègue Bruno Retailleau, sur le port du voile, l’Algérie ou l’État de droit, entre autres. Ou qu’il joue tous les ballons (comme dans sa vie d’avant) en apportant sa voix à la cacophonie gouvernementale, sur la mise à contribution des retraités, l’allongement du temps de travail, et tous ces sujets qui rythment le débat. Il n’en est rien.
Sans pièges ni reproche
Manuel Valls évite les pièges et se préserve des controverses qui naissent un jour et disparaissent le lendemain. Il « rappelle que la politique pour être pertinente et donc utile, ne doit pas être résumée à des simples polémiques », se réjouit en ce sens la députée Renaissance Prisca Thevenot, avant de tresser quelques lauriers au nouveau ministre : « Aucune » querelle « depuis son entrée au gouvernement, que des actions sur la base d’échanges directement faits auprès des territoires qu’il a dans son portefeuille. » Puisqu’on vous dit qu’il a changé.
« Je ne suis pas dans sa tête, mais il veut jouer de son expérience pour incarner un semblant de sagesse dans un gouvernement assez faible, analyse de son côté notre interlocuteur, qui connaît bien le ministre, en évoquant le calme de celui qui revient d’une décennie en enfer ».
Dans ce contexte, d’autres voient derrière cette aventure positive… La maestria du Premier ministre. « Bayrou a eu la bonne idée de lui donner ce portefeuille unique alors que personne ne l’envisageait, observe ainsi un conseiller de l’exécutif. Valls est très haut dans l’ordre protocolaire, il a tout un tas de dossier sur lesquels il doit s’activer. Tout ça en autonomie presque parfaite. » En d’autres termes, avec une telle surface, pas besoin de lorgner ailleurs et d’intervenir sur le domaine de ses collègues.
D’autant que le ministre des Outre-mer commence (à peine) à récolter les menus fruits de ce changement de braquet. Dans notre baromètre de personnalités, réalisé par l’institut de sondage YouGov chaque mois, l’ancien socialiste recueille 14 % d’opinions favorables en mars 2025. C’est peu. Mais c’est sans commune mesure avec les 3 % de mars 2022.
Un accord à concrétiser à Nouméa
Il en faut donc encore davantage. Dans les sondages, pour valider ce retour. Sur le fond, pour transformer ses succès d’estime en victoire politique. Les enjeux liés à la Nouvelle-Calédonie sont en ce sens révélateurs. La plupart de ses interlocuteurs saluent la méthode de Manuel Valls, mais la route est encore longue pour que l’ancien député de l’Essonne puisse se glisser dans les pas de Michel Rocard et Lionel Jospin, ses maîtres politiques, en parvenant à nouer un nouvel accord, comme ceux de Nouméa.
En attendant, rares sont ceux dans la sphère politique à trouver des griefs au Catalan dans ses nouveaux habits. Même au sein des partis de gauche, où on lui reproche toujours ses « trahisons » successives, sur la déchéance de nationalité en 2016 après la vague d’attentats islamistes. Ou pendant la course présidentielle 2017 quand il avait refusé de soutenir Benoît Hamon - qui venait de le battre dans la primaire socialiste - pour lui préférer un Emmanuel Macron qui n’hésitait pas alors à le rudoyer.
« Il est moins abrasif, c’est certain. Mais c’est son ministère qui veut ça. Il sait qu’il ne peut pas se permettre d’être clivant », relativise par exemple la cheffe des députés écologistes Cyrielle Chatelain, sans plus de critiques à l’égard de l’ancien socialiste. Même à la France insoumise, qui avait célébré son départ en Espagne avec des pancartes « bon débarras » dans l’hémicycle en 2018, on trouve difficilement les prises pour attaquer le ministre. « Il n’y a rien à dire », confie un mélenchoniste, presque désabusé. Car rien à dire pour un insoumis, c’est déjà dire beaucoup.
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