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-====== Le Monde – Le Tchad tourne le dos à la France et se cherche de nouveaux partenaires ====== https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/03/02/le-tchad-tourne-le-dos-a-la-france-et-se-cherche-de-nouveaux-partenaires_6572646_3212.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default 
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-Au foyer des anciens combattants tchadiens, à N’Djamena, le 2 février 2025. Sur les murs, des peintures évoquent des batailles auxquelles les Tchadiens ont participé aux côtés des Français. 
-VERONIQUE DE VIGUERIE/PARIS MATCH/SCOOP 
-Le Tchad tourne le dos à la France et se cherche de nouveaux partenaires 
-Par Benjamin Roger (N’Djamena, Tchad, envoyé spécial) 
-Par Benjamin Roger (N’Djamena, Tchad, envoyé spécial) 
-Par Benjamin Roger (N’Djamena, Tchad, envoyé spécial) 
-Article réservé aux abonnés 
-Décryptage N’Djamena, qui a mis fin à la présence militaire française, se tourne vers d’autres partenaires, tels la Chine, les Emirats arabes unis, la Turquie ou la Russie pour nouer des accords commerciaux et sécuritaires. 
-Les sièges des invités ont été alignés, les réglages de la sono ajustés. Sur la grande tente dressée pour l’occasion sont retouchés de derniers morceaux d’étoffes bleu, jaune et rouge : les couleurs du drapeau tchadien. Dans la tribune présidentielle, des bouquets de fleurs sont disposés, un pupitre aux armoiries de la République est installé. 
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-Vendredi 31 janvier, en début de matinée, l’heure est aux ultimes préparatifs sur le tarmac de la base aérienne Adji-Kosseï, qui jouxte celui de l’aéroport de N’Djamena. Dans quelques instants doit s’y tenir la cérémonie de rétrocession aux autorités tchadiennes de ce qui était, avec son millier d’hommes et ses Mirage 2000D, l’une des plus importantes emprises militaires françaises en Afrique. Un moment historique que le président tchadien, Mahamat Idriss Déby, entend célébrer en grande pompe pour mieux le graver dans le récit national. 
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-Sur les coups de 10 heures du matin déboule une cohorte de pick-up, sur lesquels sont juchés des militaires, suivis par de rutilants 4 × 4 blindés. L’un d’eux s’arrête au bout du tapis rouge. Le chef de l’Etat, boubou et calot blanc sur la tête, en descend et passe lentement les troupes en revue au son de la fanfare. Son père, Idriss Déby Itno – auquel il a succédé lorsque celui-ci est mort, le 20 avril 2021 –, était l’un des plus solides alliés de Paris sur le continent africain. Lui est celui qui, après plus d’un siècle de présence de soldats français dans son pays, leur a fait replier leur paquetage. 
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-A la tribune, Mahamat Idriss Déby évoque un « jour exceptionnel dans la marche » du Tchad, désormais « entièrement souverain et résolu à assumer son destin ». L’assemblée, composée des dignitaires du pays, se lève et applaudit. Le général devenu président triomphe. Elu en mai 2024, après une transition de trois ans, celui qui s’est autoproclamé « maréchal du Tchad » – le titre honorifique que portait son père – et concentre les pouvoirs vient de s’adjuger une éclatante victoire politique. 
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-De gauche à droite, l’ancien ministre des affaires étrangères Abderaman Koulamallah, le premier ministre Allamaye Halina, le président Mahamat Idriss Déby, le premier vice-président du Conseil national de transition Ali Kolotou Tchaïmi et le chef d’état-major général des armées Abakar Abdelkerim Daoud, lors de la cérémonie marquant la fin de la présence française au Tchad, à la base aérienne Adji-Kossei, à N’Djamena, le 31 janvier 2025. 
-De gauche à droite, l’ancien ministre des affaires étrangères Abderaman Koulamallah, le premier ministre Allamaye Halina, le président Mahamat Idriss Déby, le premier vice-président du Conseil national de transition Ali Kolotou Tchaïmi et le chef d’état-major général des armées Abakar Abdelkerim Daoud, lors de la cérémonie marquant la fin de la présence française au Tchad, à la base aérienne Adji-Kossei, à N’Djamena, le 31 janvier 2025. JORIS BOLOMEY / AFP 
-Du haut de ses 40 ans, Mahamat Idriss Déby se pose en héraut du souverainisme africain. Pas aussi radical que les militaires putschistes sahéliens au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger, mais suffisamment tranchant pour apparaître, lui aussi, capable de tordre le bras de l’ancienne puissance coloniale et de la sommer de traiter son pays « d’égal à égal ». 
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-Après s’être offert un bain de foule, il s’attarde un instant, puis repart en majesté, reprenant la gestuelle paternelle avec sa canne de maréchal brandie en l’air. « Il était aux anges. Il aurait voulu que ce moment se prolonge », déclare un de ses proches. 
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-Un nouveau revers 
-La veille, une première cérémonie, plus sobre, s’était tenue à l’abri des regards, entre militaires tchadiens et français. Après une remise symbolique des clés de la base Adji-Kosseï par le général Pascal Ianni, chef du commandement militaire pour l’Afrique, au général Abakar Abdelkerim Daoud, chef d’état-major général des armées tchadiennes, les derniers soldats français encore présents sur place avaient chanté une dernière Marseillaise, baissé le drapeau tricolore, puis embarqué dans un A400M à destination de la France. 
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-Pour Paris, c’est un nouveau revers. Après avoir été contrainte de quitter le Mali en 2022, puis le Burkina Faso et le Niger en 2023, l’armée française est renvoyée de sa base permanente au Tchad. De même a-t-elle dû, depuis, quitter la Côte d’Ivoire – le 20 février – et s’apprête à faire de même au Sénégal d’ici à la fin septembre. Le coup est d’autant plus rude que le Tchad, éminemment stratégique de par sa situation géographique au cœur du continent, était considéré par les militaires français comme l’une de leurs places fortes en Afrique depuis que les troupes coloniales ont fondé Fort-Lamy, l’ancienne N’Djamena, sur les bords du fleuve Chari, en 1900. 
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-« Une relation spéciale nous unit », reconnaissait un officier français au moment de quitter le Tchad, rappelant que, de l’épopée saharienne de la colonne Leclerc durant la seconde guerre mondiale à l’opération « Serval », au Mali, en 2013, les soldats des deux pays avaient régulièrement combattu côte à côte. 
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-Au fil des décennies, Paris a aussi défendu les différents pouvoirs qui se sont succédé à la tête du Tchad, quitte à engager plusieurs opérations extérieures (« Tacaud », entre 1978 et 1980, « Manta », entre 1983 et 1984, « Epervier », entre 1986 et 2014…) pour les protéger contre des rébellions venues de la Libye ou du Soudan voisins. 
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-Militaires tchadiens et français ont beau rappeler d’une même voix que le départ des seconds s’est fait « en bon ordre et en bonne coordination », il n’en demeure pas moins qu’il a été précipité par une décision unilatérale de Mahamat Idriss Déby, qui a surpris autant en France qu’au Tchad. Le 28 novembre 2024, le jet de Jean-Noël Barrot, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères français, vient à peine de redécoller de N’Djamena que les autorités tchadiennes publient un communiqué annonçant une rupture de leurs accords de défense avec Paris. 
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-De l’Elysée au ministère des armées, en passant par le Quai d’Orsay, la surprise est totale, et la manière jugée peu élégante. Durant leur entretien au palais présidentiel, le maréchal s’est, en effet, bien gardé d’annoncer la nouvelle à son hôte. Et pour cause : il le dissimule à peine, mais il est agacé par cette visite, qu’il n’a pas sollicitée, et par le manque de tact des Français. Le 28 novembre est un jour férié, qui marque la proclamation de la première République tchadienne. C’est aussi un jeudi, jour de son jeûne hebdomadaire. Etre contraint de bousculer son agenda pour la venue d’un ministre ne lui plaît guère. Qui plus est pour s’entendre suggérer de reporter les élections législatives, prévues le 29 décembre 2024, afin de les rendre plus inclusives, et de prendre ses distances avec le général soudanais Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », chef des Forces de soutien rapide (FSR), en guerre contre l’armée régulière au Soudan voisin. Entre les deux hommes, l’échange est tendu. 
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-La visite impromptue de Jean-Noël Barrot ne change rien. Mahamat Idriss Déby maintient son plan initial : l’annonce de la rupture des accords de défense en cette journée symbolique du 28 novembre. Selon un de ses proches collaborateurs, « le président songeait à mettre fin à la présence militaire française depuis longtemps », mais c’est seulement début novembre qu’il s’est décidé à l’acter. A ce moment, seule une poignée de proches est mise dans la confidence. 
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-Depuis la divulgation par Mediapart, début juillet 2024, de l’ouverture d’une enquête par le Parquet national financier (PNF) sur de possibles « biens mal acquis » par le président tchadien et sa famille, portant sur l’achat de plus de 900 000 euros de costumes de luxe et un patrimoine immobilier français d’environ 30 millions d’euros, quelque chose s’est cassé dans la relation entre Paris et N’Djamena. Le 15 août, Mahamat Idriss Déby avait snobé les commémorations du 80e anniversaire du débarquement de Provence, durant lequel 120 000 soldats issus des colonies africaines, dont de nombreux Tchadiens, se sont battus pour libérer la France. 
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-« La présence française ne nous était plus bénéfique » 
-Déjà écornée par l’enquête du PNF, la relation bilatérale se grippe définitivement le 27 octobre. Ce jour-là, des djihadistes de Boko Haram attaquent la base militaire de Barkaram, une île garnison du lac Tchad, aux frontières du Cameroun, du Nigeria et du Niger. Au moins une quarantaine de soldats tchadiens sont tués. Le président Déby prend alors personnellement la tête de la contre-offensive, une opération baptisée « Haskanite ». Il sollicite le soutien des Français. « Mais ils ont tardé à nous donner des informations sur les assaillants, malgré leurs moyens de renseignement », accuse un ministre. 
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-Par crainte d’envenimer les relations déjà exécrables avec Niamey, l’état-major français refuse aussi une demande tchadienne de frappes aériennes en territoire nigérien, à quelques kilomètres de la frontière. Mahamat Idriss Déby en tire une conclusion : il ne peut plus compter sur la France en cas de difficultés. Le divorce est acté. 
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-« La présence de l’armée française sur notre territoire ne nous était plus bénéfique. Son départ constitue, en revanche, un gain politique important et renforce notre souveraineté. En la faisant partir, le président montre qu’il est dans l’air du temps et répond aux aspirations de notre jeunesse », explique Abderaman Koulamallah, ancien ministre des affaires étrangères, remplacé lors d’un remaniement gouvernemental, début février. 
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-Pour les militaires et diplomates français, le choc est violent. Depuis la nomination, en février 2024, de Jean-Marie Bockel comme « envoyé personnel » d’Emmanuel Macron pour « refonder » les relations entre la France et les pays africains où elle dispose de bases permanentes – le Tchad donc, mais aussi le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon et Djibouti –, le message qu’ils distillaient était simple : « Nous nous plierons aux souhaits de nos partenaires africains. » Entre N’Djamena et Paris, des discussions avaient été engagées sur l’avenir du dispositif militaire français. Selon des sources officielles françaises au cœur des tractations, « les échanges étaient alors réguliers et plutôt fluides » avec les dirigeants tchadiens. Certains avaient même exprimé leur volonté de « garder des capacités françaises permanentes » dans le pays. En clair, Paris était loin d’envisager une rupture totale de la coopération militaire. 
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-Au sein de l’état-major tchadien, ce choix du chef de l’Etat ne fait pas l’unanimité, notamment parmi les officiers supérieurs, plus âgés, qui ont longtemps frayé avec son père et les Français. « Mahamat Idriss Déby manque de reconnaissance, estime l’un d’eux. Après la mort d’Idriss Déby, la France a rapidement appuyé le principe d’une succession dynastique et l’a soutenu auprès des partenaires internationaux, ce qui nous a aidés à éviter des sanctions financières durant la transition. La cassure a été trop brutale. On aurait pu y mettre davantage les formes. » 
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-Le 6 janvier, lors de la conférence des ambassadeurs, à Paris, Emmanuel Macron ne cache pas son agacement. Il affirme que la France a eu « raison » d’intervenir militairement en Afrique « contre le terrorisme depuis 2013 ». Puis il ajoute : « Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude (…) est une maladie non transmissible à l’homme. Et je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage de porter [ce message] vis-à-vis de leurs opinions publiques (…). Aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région. » Dès le lendemain, Mahamat Idriss Déby fait une réponse cinglante : « Les propos récemment tenus par le président Macron frisent le mépris envers l’Afrique et les Africains. Je crois qu’il se trompe d’époque. » 
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-Dans les cercles dirigeants de N’Djamena, comme dans ceux d’autres capitales d’Afrique subsaharienne, un tel discours dans la bouche d’un président français ne passe plus. Même les francophiles déplorent une forme d’arrogance et de paternalisme d’un autre âge. « Les Français doivent cesser leurs menaces et leurs coups de menton. Nous ne sommes plus en 1960. Il serait temps qu’ils le comprennent. C’est plutôt eux qui devraient nous dire merci, pour notre appui au Mali en 2013, ou pour la participation de nos aînés aux deux guerres mondiales », estime un gradé tchadien. 
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-Une coopération trop militaire et pas assez économique 
-Dans un tel climat, difficile de prédire comment va évoluer la relation franco-tchadienne. Bien que les soldats français aient quitté leur base Adji-Kosseï, ainsi que celles de Faya Largeau, dans le nord du Tchad, et d’Abéché, dans l’est, la coopération militaire n’est pas encore totalement rompue. Une dizaine de coopérants détachés auprès de différents ministères tchadiens sont toujours en poste à N’Djamena. De leur côté, près d’une vingtaine d’officiers tchadiens sont encore en formation dans différentes écoles militaires en France. Reste à savoir ce qu’ils vont devenir et, plus largement, si de nouvelles pistes de collaboration sont envisageables. Pour Paris, l’idée semble de préserver ce qui peut l’être. « Notre départ marque la fin d’un modèle. Maintenant, nous allons devoir discuter de la suite, de manière dépassionnée, presque chirurgicale », explique une source militaire française, qui insiste sur la nécessité de ne pas « hypothéquer l’avenir ». 
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-Dans son discours du 31 janvier, Mahamat Idriss Déby a tenu à le rappeler : le Tchad a demandé le départ des troupes françaises installées sur son sol, mais il n’entend pas rompre ses relations avec la France pour autant, à condition d’un « dialogue franc », dans le « respect mutuel » de la souveraineté de chacun. De fait, le cas tchadien n’est pas comparable à ceux du Mali, du Burkina Faso ou du Niger, avec lesquels la séparation a été bien plus violente entre 2021 et 2023. « Les Français doivent tout de même faire attention, prévient le gradé tchadien précité. Soit ils sont intelligents et on s’entend pour établir une relation équilibrée, où chacun trouve ses intérêts stratégiques, soit ils perdent définitivement pied au Tchad en plus du reste, et cela va commencer à devenir très compliqué pour eux. » 
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-Dans l’entourage du président Déby, reproche est souvent fait d’une coopération française trop militaire et pas assez économique. Ceux qui la coordonnent le démentent et déplorent un problème de perception : selon eux, les projets de développement menés par Paris, dans le domaine de l’éducation ou de la formation, par exemple, sont bien moins visibles des Tchadiens que les routes et les différentes infrastructures bâties par les Chinois, tel l’emblématique palais du 15-Janvier ou l’Assemblée nationale, à N’Djamena. 
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-Depuis 2023, TotalEnergies et la Société générale ont, par ailleurs, fermé leurs filiales locales, renforçant l’idée d’un abandon des capitaux français. « Certes, les Français ont fait des écoles. Mais ils pourraient faire bien plus dans d’autres domaines, comme l’agriculture, l’élevage ou l’énergie », affirme une source à la présidence tchadienne. 
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-Pékin se pose en allié prometteur 
-Présente au Tchad depuis plus de trente ans, la Chine est aujourd’hui son premier fournisseur et son deuxième client, en achetant principalement du pétrole. Face à une France en perte de vitesse, Pékin se pose en allié prometteur et respectueux de la souveraineté du Tchad. 
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-Lors de sa dernière tournée africaine, début janvier, le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, s’est rendu à N’Djamena, où il a été reçu par Mahamat Idriss Déby. Avec, à la clé, l’annonce de l’approfondissement du partenariat stratégique entre leurs pays et la signature d’un accord de coopération économique d’un montant de 17 milliards de francs CFA (environ 26 millions d’euros). 
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-Abderaman Koulamallah (à droite), alors ministre des affaires étrangères du Tchad, rencontre le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, à N’Djamena, le 8 janvier 2025. 
-Abderaman Koulamallah (à droite), alors ministre des affaires étrangères du Tchad, rencontre le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, à N’Djamena, le 8 janvier 2025. JORIS BOLOMEY / AFP 
-Autre soutien de taille pour le pouvoir de Mahamat Idriss Déby : les Emirats arabes unis, qui lui ont apporté une précieuse aide financière depuis qu’il a pris la relève de son père. En juin 2023, il était reparti d’un premier voyage à Abou Dhabi, où il s’était entretenu avec le cheikh Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, avec un prêt de 1,5 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) et la livraison de véhicules militaires. En octobre 2024, second voyage, même destination et mêmes acteurs. Cette fois, le président tchadien revient avec un nouveau prêt de 500 millions de dollars. « L’argent émirati a été la première source de financement – et de loin – du régime de Mahamat Idriss Déby, à un moment où celui-ci en avait besoin pour asseoir son autorité et sa crédibilité, mais aussi étouffer d’éventuelles contestations internes, en particulier au sein de l’armée », explique Charles Bouëssel, analyste Afrique centrale à l’International Crisis Group. 
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-Cette aide financière émiratie a-t-elle été conditionnée à un appui tchadien aux FSR du général « Hemetti » au Soudan, dont Abou Dhabi est le principal partenaire ? Malgré les démentis formels des sources officielles tchadiennes, qui affirment que leur pays est neutre dans la guerre civile qui déchire ses voisins, le soutien discret apporté par Mahamat Idriss Déby aux paramilitaires soudanais depuis la mi-2023 est un secret de Polichinelle. 
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-Selon des sources concordantes, des armes et du matériel militaire sont fournis par les Emirats arabes unis aux FSR via le Tchad. L’aéroport d’Amdjarass, ville du nord-est du pays, située à une cinquantaine de kilomètres de la frontière avec le Soudan, est ainsi considéré comme une des plaques tournantes de cette aide. Des dizaines d’avions-cargos s’y sont posés depuis la fin de 2023. Dans leur rapport publié en janvier 2024, le groupe d’experts de l’Organisation des Nations unies sur le Soudan écrivait que « plusieurs fois par semaine, des caisses d’armes et de munitions étaient déchargées » de ces appareils, « puis chargées à bord de camions » pour, ensuite, être remises aux FSR de l’autre côté de la frontière. 
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-A N’Djamena, ce parti pris en faveur du général « Hemetti » dans la guerre au Soudan suscite des tensions au sein de la communauté zaghawa, présente dans les deux pays et dont est en partie issu Mahamat Idriss Déby. Beaucoup de ses cadres, y compris des haut gradés tchadiens, soutiennent l’armée régulière du général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane et ne supportent pas cet appui à leurs ennemis. Alors que les militaires soudanais – dont certains menacent ouvertement le président Déby sur les réseaux sociaux – semblent prendre le dessus, ces dernières semaines, certains observateurs redoutent déjà des représailles et la formation d’éventuelles rébellions zaghawa qui pourraient déstabiliser le Tchad depuis leur fief du Darfour. 
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-Hongrie, Turquie et Russie 
-Pour se prémunir contre de potentielles menaces sécuritaires, le pouvoir tchadien mise sur d’autres partenaires que la France. Parmi eux, la Hongrie (qui a annoncé le déploiement de 200 militaires pour former et appuyer l’armée tchadienne), mais surtout la Turquie. Dès le 31 janvier, quelques heures à peine après la cérémonie de rétrocession de la base Adji-Kosseï, le vice-ministre des affaires étrangères turc, Burhanettin Duran, était reçu à N’Djamena par Abderaman Koulamallah, alors chef de la diplomatie tchadienne, à qui il a fait une nouvelle offre de fourniture d’armement. 
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-Depuis la mi-2023, le Tchad a acquis plusieurs drones armés, ainsi que des blindés, auprès d’Ankara. Selon une source gouvernementale, le carnet de commandes tchadien ne devrait pas en rester là. Sur les anciennes bases françaises de Faya Largeau et d’Abéché, des drones Bayraktar TB2 et des TAI Anka sont désormais positionnés, ainsi que des instructeurs turcs. « Ces drones nous permettent de mener des frappes aériennes, mais aussi d’avoir nos propres capacités de surveillance et de renseignement sans avoir à compter sur les autres », confie un gradé tchadien, dans une allusion à peine voilée aux informations que pouvaient leur fournir les militaires français. 
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-En dépit de cet activisme turc, ce sont plutôt les ambitions présumées de la Russie au Tchad qui focalisent l’attention française. Depuis 2018, Moscou n’a cessé, à travers le groupe paramilitaire Wagner, d’étendre son influence dans l’ancien pré carré africain de la France, à mesure que celle-ci en était congédiée. Certains redoutent donc une énième répétition de ce scénario à N’Djamena. 
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-Ces derniers mois, les Russes sont en pleine reconfiguration de leur dispositif militaire en Afrique. Contraints de se réorganiser depuis la chute, le 8 décembre 2024, de leur allié Bachar Al-Assad en Syrie, pays qui leur servait de hub logistique pour se projeter sur le continent, ils entendent aussi acter le remplacement de Wagner par l’Africa Corps, le dispositif paramilitaire mis sur pied par le ministère de la défense russe pour piloter ses activités en Afrique. 
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-Déjà bien introduits en Libye (où ils développent de nouvelles bases dans les territoires contrôlés par leur allié, le maréchal Khalifa Haftar), au Soudan (où ils espèrent construire une base navale à Port-Soudan, en échange de leur soutien au général Al-Bourhane), en Centrafrique (où ils ont noyauté le pouvoir du président Faustin-Archange Touadéra), ou au Niger (où ils sont un des principaux alliés de la junte du général Abdourahamane Tiani), ils lorgnent le Tchad, qui constitue, outre son statut d’ancien bastion français, une pièce manquante de choix dans leur puzzle africain. 
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-Dans cet environnement prorusse, Mahamat Idriss Déby s’est à son tour rapproché de Moscou. En janvier 2024, il a rencontré Vladimir Poutine au Kremlin, avant de recevoir, en juin, à N’Djamena, le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. A chaque fois, il est question d’approfondir la relation bilatérale. Sur le plan militaire, mais pas uniquement. « Un petit cercle pousse le président à aller davantage vers les Russes, en mettant en avant leurs capacités dans le domaine sécuritaire, mais aussi énergétique ou minier », assure un officier, qui prédit leur « influence croissante » dans le pays « d’ici à la fin de l’année ». 
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-Le président russe, Vladimir Poutine, rencontre le président du Tchad, Mahamat Idriss Déby, au Kremlin, à Moscou, le 24 janvier 2024. 
-Le président russe, Vladimir Poutine, rencontre le président du Tchad, Mahamat Idriss Déby, au Kremlin, à Moscou, le 24 janvier 2024. MIKHAIL METZEL / AFP 
-En plein retrait français, une délégation de généraux tchadiens s’est rendue, à la mi-décembre 2024, à Moscou. Comme en Centrafrique, au Mali ou au Burkina Faso précédemment, l’hypothèse de l’arrivée significative de militaires ou paramilitaires russes au Tchad est scrutée de près par les Occidentaux. Mais, pour l’instant, assure une source française, « pas de signaux faibles sur autre chose que de la fourniture et de la maintenance de matériel, ou de la formation, tel qu’ils le font depuis longtemps » avec l’armée tchadienne. L’armée de l’air, notamment, est équipée d’avions et d’hélicoptères de conception russe qui nécessitent un entretien régulier. De petits contingents continuent donc à venir en mission ponctuelle à N’Djamena, au gré des besoins. 
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-Quant aux officiers tchadiens, ils rappellent à l’unisson que leur pays n’est pas la Centrafrique ou le Mali, et que des renforts russes ne leur sont pas nécessaires. « Nous avons une armée forte et structurée, avec des capacités opérationnelles et une chaîne de commandement qui fonctionne, affirme l’un d’eux. Nous n’avons besoin de personne pour nous défendre. Ni Russes ni Français. Nous ne changeons pas de maîtres. Nous n’avons plus de maîtres. » 
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-Retrouvez l’intégralité de nos dossiers géopolitiques ici. 
-Benjamin Roger (N’Djamena, Tchad, envoyé spécial) 
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