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Le mythe de la solidarité sociale [ElseNews]

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Le mythe de la solidarité sociale

https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/le-mythe-de-la-solidarite-sociale-2153379

La redistribution des richesses est un élément fondamental du système social français, sans équivalent dans le monde. Nos dépenses publiques se montent à 58 % du PIB, 8 points de plus que la moyenne de l'Union européenne. Sur ces 58 %, les dépenses dites de protection sociale représentent 32 % du PIB, contre 15 % pour celles de l'Etat proprement dit et 11 % pour celles des collectivités locales.

De cette singularité redistributrice, nous sommes collectivement fiers. Nous aurions raison de l'être si le partage portait sur de vraies richesses. Mais tel n'est pas le cas. Nous distribuons en fait des richesses fictives, creusant ainsi le déficit public. La notion même de solidarité relève du mythe.

La structure de l'ensemble des dépenses sociales, compte tenu de leur importance sans pareille, devrait être simple, expliquée à tous les citoyens, comprise et approuvée par eux. S'agissant de dépenses de pure solidarité, le système devrait être, en outre, en état d'équilibre permanent, puisqu'il ne crée aucune richesse mais se contente officiellement de redistribuer une large partie de celles qui existent : les actifs payent pour les retraités, les bien portants pour les malades, les riches pour les pauvres.

Dissimuler
Or l'immense majorité de nos compatriotes, la plupart des économistes et la quasi-totalité des hommes politiques ignorent les composantes d'un système dont la complexité interdit la compréhension. Comme s'il valait mieux, dans l'intérêt commun, dissimuler la manière dont un mécanisme aussi exceptionnel a été construit, de façon que personne ne soit capable de le remettre en cause sans se heurter à une volonté majoritaire d'immobilisme, comme l'a bien montré l'affrontement sur les retraites.

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Or le système social français, ainsi conçu, est à l'origine de trois problèmes dont le cumul explique une large part de nos difficultés. Premièrement, il est plus généreux que celui de tous nos pays concurrents. Nous redistribuons cinq points de PIB de plus que la moyenne de l'UE (32 %, contre 27 %) pour un total de près de 900 milliards d'euros, soit près de 13.000 euros par habitant.

Deuxièmement, la France est en même temps l'un des pays où le poids des cotisations sociales supporté par les employeurs est parmi les plus hauts (11 % du PIB, 3 points de plus que la moyenne européenne). Si l'on ajoute les impôts dits de production, très élevés chez nous, les prélèvements sur nos entreprises (17 % du PIB) dépassent de 4 points la moyenne européenne.

Nous distribuons en fait des richesses fictives, creusant ainsi le déficit public. La notion même de solidarité relève du mythe.

Faire payer davantage les entreprises est une conséquence de la prégnance du vieux conflit entre le capital et le travail dans notre vie politique. Comment en sommes-nous arrivés là ? L'histoire est, en elle-même, tout à fait significative. En 1960, les dépenses de protection sociale représentaient 15 % du PIB et étaient financées à 80 % (soit 12 % du PIB) par les cotisations sociales (employeurs et salariés). En 1990, elles s'étaient envolées jusqu'à 25 % du PIB et étaient financées à 90 % (23 % du PIB) par des cotisations sociales dont la charge relative avait donc doublé.

Sauver l'appareil productif
Une telle évolution, si elle s'était poursuivie, eût été totalement destructrice pour notre appareil productif. Devenus plus lucides, les gouvernements successifs se sont employés à baisser les contributions sociales, pour l'essentiel sur les bas salaires. Remarquons cependant, oh surprise, qu'à environ 17 % du PIB (soit un peu plus de la moitié des 32 % que représentent les dépenses de protection sociale) la contribution des cotisations sociales tant salariales que patronales est aujourd'hui à un niveau supérieur à ce qu'il était il y a soixante-cinq ans (12 %).

Aucun progrès n'a donc été accompli sur cette très longue période, l'une des raisons de notre déclin économique. Nos gouvernements n'ont fait qu'éviter le pire. Mais le mal ne s'est pas arrêté là.

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Les baisses nécessaires, encore que lourdement insuffisantes, des niveaux de cotisations sociales auraient dû, bien sûr, être compensées, s'agissant d'un financement, équilibré par principe, des dépenses de protection sociale. Tel ne fut pas le cas. Les cotisations, on l'a déjà dit, ne représentent que 17 % du PIB. Comment sont financés les 15 % restants, soit plus de 400 milliards d'euros ?

La contribution la moins suspecte est celle de la CSG, créée par Michel Rocard en 1991, pour faire face précisément à une situation de couverture des dépenses de protection sociale en train de se dégrader rapidement. Elle rapporte aujourd'hui 170 milliards d'euros. Que faire du solde à couvrir, plus de 230 milliards, soit 8 % du PIB ?

Dans un contexte où les exonérations de cotisations sociales sont devenues des instruments de la politique de l'emploi, une loi de 1994, faussement vertueuse, a prévu « leur compensation intégrale » par l'Etat. Et donc, aujourd'hui, le solde est financé soit par ce qu'on appelle des « impôts affectés », soit par des contributions directes de l'Etat.

170 milliards d'euros par an
Les « impôts affectés » sont composés d'une soixantaine de milliards provenant de la TVA plus une petite centaine de milliards d'autres impôts et taxes, dont la liste (une quarantaine) est tellement complexe qu'il est difficile de savoir ex post lesquels ont été créés à cette fin (comme la CSG) ou simplement reversés à taxation globale inchangée (comme pour la TVA). Faisons, dans l'obscurité où nous sommes plongés, l'hypothèse d'une répartition par parts égales entre le bien et le mal. A cela s'ajoutent les « contributions publiques », soit un montant annuel d'une soixantaine de milliards d'euros. Au total, le coût pour l'Etat des dépenses de protection sociale, soigneusement dissimulé, serait donc de 170 milliards, c'est-à-dire 6 % du PIB (dont la moitié pour le régime des retraites).

Conclusion : la totalité de notre déficit public annuel est égale à la partie non couverte des dépenses de protection sociale qui, par principe, ne devrait pas même exister.

Jean Peyrelevade est économiste.

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