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-====== Le Monde – Comment observer quand on est aveugle ? L’ethnographie au-delà de la cécité ======
- https://www.lemonde.fr/sciences/article/2025/03/27/comment-observer-quand-on-est-aveugle-l-ethnographie-au-dela-de-la-cecite_6586823_1650684.html
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-https://www.lemonde.fr/sciences/article/2025/03/27/comment-observer-quand-on-est-aveugle-l-ethnographie-au-dela-de-la-cecite_6586823_1650684.html
-SCIENCES
-Comment observer quand on est aveugle ? L’ethnographie au-delà de la cécité
-CARTE BLANCHE
-Anne Bory
-Sociologue à l’université de Lille
-La sociologue Anne Bory explique, dans sa Carte blanche au « Monde », qu’il y a bien d’autres façons d’observer qu’avec les yeux. Elle appelle à ouvrir la voie à une ethnographie multisensorielle.
-Aujourd’hui à 18h00
-Lecture 3 min
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-Lorsqu’on enseigne la méthode de l’observation ethnographique à l’université, on insiste souvent sur le fait que la vue n’est pas le seul sens qui doit être mobilisé. L’ouïe, mais aussi l’odorat, le toucher et le goût doivent ainsi être convoqués pour saisir de la façon la plus fidèle possible à quoi ressemble une scène, un lieu, un événement, une activité : décrire un après-midi passé dans un salon de thé cossu, bien chauffé, au sein duquel règne une musique douce et où le chocolat chaud que l’on consomme contraste avec la neige qui tombe au-dehors nécessite, par exemple, de mobiliser tous ses sens. Néanmoins, la vue continue à occuper le haut de ce qui constitue une forme de hiérarchie des sens, et il est courant de résumer l’ethnographie par une opération d’écriture de ce que l’on voit.
-Marion Doé vient de publier un article dans la revue Genèses qui remet frontalement en cause cette hiérarchie qui peut paraître évidente. A partir d’une recherche portant sur la parentalité aveugle – le fait d’être parent tout en étant aveugle – et depuis sa propre expérience de mère aveugle, la sociologue revient non seulement sur ce à quoi la cécité fait obstacle, mais surtout ce qu’elle oblige à déployer pour ne pas renoncer à l’observation directe du social. Ce qui apparaît, de prime abord, comme une contrainte devient une source de créativité méthodologique, utile à l’ensemble des ethnographes et non uniquement à celles et ceux qui ne peuvent se contenter de leurs yeux pour observer.
-Qu’observer lorsqu’on ne voit pas ? Marion Ink avait, il y a quelques années, ouvert la question dans Espaces et sociétés, depuis une position de sociologue malvoyante, dépourvue de « vision centrale ». S’attacher au « diffus », qui constitue à la fois la vision des contours et l’ensemble des autres indices sensoriels, apparaît alors comme la solution à l’absence du « précis » qui figure au centre de la vision.
-Tintement des bijoux et des talons
-De son côté, Marion Doé décrit finement comment, par une proximité physique ponctuelle mais répétée, elle parvient à décrire les femmes qui animent et fréquentent la permanence de soutien aux parents porteurs de handicap qu’elle étudie. Il ne s’agit pas de « couper l’image », comme d’autres, capables de voir, sont tentés de « couper le son » pour se concentrer sur les pratiques et non sur les discours.
-Ici, Marion Doé reconstitue l’image à partir d’autres indices sensoriels. D’abord, l’écoute prend une place primordiale. Loin d’être un simple complément du visuel, elle devient le sens structurant de l’enquête. La tonalité d’une voix, le rythme d’un échange ou la manière dont un silence s’installe dans une conversation deviennent autant de données ethnographiques essentielles. C’est aussi le tintement des bijoux et des talons, la texture de la peau, un parfum, une corpulence perçue au moment de tenir le coude qui accompagne à bon port, des éléments verbalisés sur les goûts vestimentaires et les pratiques alimentaires qui permettent, tous mis ensemble, de « voir » les femmes présentes.
-La sociologue est ainsi en mesure de décrire des scènes collectives où l’on perçoit les femmes autour d’elle vaquer à leurs occupations et interagir entre elles. Si la sociologue a le sentiment aigu de ne pas pouvoir toujours saisir ce qui se passe, elle reconstitue, grâce à tous ces différents indices, après coup, le sens de la scène dont elle a été le témoin aveugle. Mais, comme elle le souligne, les ethnographes qui voient font aussi fréquemment l’expérience de ne pas comprendre immédiatement ce qui se déroule sous leurs yeux.
-Loin de cantonner ces chercheuses à une position marginale, leur expérience perceptive singulière ouvre la voie à une ethnographie véritablement multisensorielle. La cécité révèle en creux ce que l’on ne perçoit pas lorsque l’on voit : l’influence du visuel sur notre manière de construire le réel et d’écrire nos observations.
-Le Monde Jeux
-Chaque jour de nouvelles grilles de mots croisés, Sudoku et mots trouvés.
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-Il est néanmoins difficile, dans le contexte actuel, de conclure un texte en envisageant sereinement de faire évoluer les pratiques de recherches pour une plus grande réflexivité et scientificité. Pour mesurer la déflagration scientifique suscitée par la politique actuelle du gouvernement étasunien, il suffit de souligner qu’une telle recherche serait impossible à mener, financer et publier aujourd’hui outre-Atlantique : les mots handicap (disabilities, disability), discrimination, femme et genre (female, gender, women), inclusion, inégalités, stéréotypes figurent sur la liste des mots pouvant justifier un arrêt des financements de la National Science Foundation.
-Nos dernières « Carte blanche »
-Mis à jour le 25 mars 2025 à 19h17
-Chaque semaine, l’un des scientifiques qui contribuent régulièrement au cahier « Science & médecine » du Monde nous livre sa chronique.
-Comment observer quand on est aveugle ? L’ethnographie au-delà de la cécité, par Anne Bory
-Sur l’avenir de l’IA, une variété de points de vue, par Jean Ponce et Isabelle Ryl
-Cartographie de la route du sel dans les racines, par Alice Lebreton
-Dans la pupille, derrière la langue... Comment la science permet de débusquer les menteurs, par Sylvie Chokron
-Pollution plastique : masse manquante dans les océans, par Wiebcke Drenckhan et Jean Farago
-La nature et le fascisme, une vision paradoxale, par Stéphane Van Damme
-Ampère, génial touche-à-tout et stéréotype du savant distrait, par Etienne Ghys
-Camps de concentration : comment les témoignages des survivantes ont été modelés par les attentes sociales, les normes culturelles et les rapports de pouvoir, par Anne Bory
-La prochaine décennie sera-t-elle celle de la robotique ?, par Jean Ponce et Isabelle Ryl
-Comment le spermophile rayé réprime sa soif tout l’hiver, par Alice Lebreton
-Anne Bory (Sociologue à l’université de Lille)
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-Le 18 novembre 2024 à 05h00
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