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Lucie a 36 ans. Elle est dans l’administration pénitentiaire depuis sept ans. « Je me suis dit que c’était temporaire, je suis toujours là. » © Jérémie FULLERINGER
Des portes. Des clefs. Des murs. Parois lissées par les cris et lustrées par les lassitudes des détenus. Bloc où vieillissent les jugés coupables. Où ont vieilli d’autres avant eux. Des portes. Des clefs. Des murs. Encore. Partout. Des corridors, où se cognent depuis 1868, les mêmes redites, les mêmes complaintes. Ici, on empile des jours et des nuits sans sel. Ici, c’est une maison d’arrêt. Une prison. Une taule. Comme l’eau qui circule dans ces tuyaux de fonte, les détenus déambulent en circuit fermé.
Des portes. Des clefs. Des murs. Une rue, avec des barreaux devant. La chaleur des radiateurs en fonte. Une odeur de cigarette froide. Celle de peaux moites enfermées. Celle d’une micro-cité emmurée. Un dimanche soir de mars. Terminées, les déambulations en circuit fermé. Terminé, bonsoir. Enfermés dans leur cellule, les détenus. De l’autre côté de ces murs-là, la pénombre gagne les ruelles d’Aurillac. Un crépuscule pourpre signe la fin de l’hiver. Les télés s’allument dans les salons. Demain, ce sera lundi. Que pèse un lundi, un boulet à la cheville ?
Lucie prend sa nuit. Les détenus ne connaissent pas leur prénom. Et d’ailleurs, Lucie n’est même pas son prénom. Pour eux, c’est « Surveillante ». Les surveillants pénitentiaires de la maison d’arrêt d’Aurillac se répartissent en six équipes de quatre. Il y a des absents. Ceux qui restent cumulent les heures sup'. Quarante, le moins dernier, pour Lucie. Elle le dit en souriant, parce que ça impacte positivement son salaire.
Depuis les fenêtres des cellules, des mots sont lancés à la volée. Des gens qu’on ne voit pas déblatèrent des phrases inaudibles. Depuis là-haut. Au sol, et partout autour, des « yo-yo ». Ficelles de fortune, faites de papier ou de sacs-poubelle, lestées d’un briquet ou d’un stylo, ils servent à s’échanger entre cellules des objets. Rien n’est gratuit en prison. Alors, le troc. De tabac, café. De pâtisseries, même. Ou d’autres choses. Ces colis volants arrivent parfois à bon port. Les moins bien lancés sont perdus. Ils parlent entre eux. Ils parlent de leurs yo-yo. Ils sont trop nombreux, en détention. Trop nombreux par cellule. Matelas par terre. Cohabitation. Et parfois, conflits. Et parfois, rires.
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