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Le Point: Les binationaux vont-ils s’indigner (aussi) de l’Algérie qui les exclut ? [ElseNews]

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Le Point: Les binationaux vont-ils s’indigner (aussi) de l’Algérie qui les exclut ?

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Les binationaux vont-ils s’indigner (aussi) de l’Algérie qui les exclut ?
Dans une tribune publiée par « Le Monde », des binationaux franco-algériens dénoncent l’exclusion en France. Mais qu’en est-il en Algérie, où ils sont exclus par la loi ?

Par Kamel Daoud

Publié le 14/03/2025 à 19h22

Kamel Daoud, prix Goncourt 2024.
Kamel Daoud, prix Goncourt 2024. © KHANH RENAUD POUR « LE POINT »
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4 min

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by ETX Majelan

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« Oui » ! Oui, nous (les binationaux, surtout franco-algériens) ne sommes pas des moitiés à exhiber en France, des demi-humains à cause de la double appartenance, ni des prétextes aux discours d'exclusion et des objets pour identités meurtrières. Oui, en France, il y a ceux qui brandissent leurs racines comme des récoltes immangeables et qui hurlent à la pureté. Oui, il y a des choses à dénoncer, comme un « climat » peut-être, des « polémiques » sur la laïcité ou l'immigration, des choses réelles ou seulement du dolorisme pour se sentir vivant. Oui, la binationalité n'incarne pas un péril, mais une chance, et elle n'a pas à subir la pression de la loyauté.

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Tout cela est vrai en France. C'est également le cas en Algérie, n'est-ce pas ? Nous le dirons un jour ? Là-bas, l'exclusion, ce n'est pas une ambiance, mais des « lois votées », des condamnations pour impiété, des soupçons, des campagnes médiatiques de haine visibles et lisibles autour des binationaux. Et si la démocratie française permet de dénoncer, de signer une pétition et de revendiquer ce droit, il faut aussi réclamer de le dire, signer cette pétition en Algérie, malgré les risques, les attaques et les insultes.

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En effet, la tenaille n'est pas composée d'une seule dent. Et la torture à la loyauté ne s'exerce pas moins en Algérie, là où l'hypernationalisme et le populisme rancunier installent « l'ambiance » malsaine et les tribunaux que l'on sait. Chacun y a fait des binationaux d'abord des traîtres et des « vendus », avant d'en imaginer la richesse et la chance. Ce cri lancé en France par nous, les binationaux, est peut-être juste et urgent, mais il reste amputé, incomplet, myope par habitude ou par calcul. Il fallait également avoir le courage de protester contre l'adoption de lois algériennes excluant presque entièrement les binationaux de toute responsabilité, de tout poste de souveraineté, comme ils disent, de toute possibilité de travailler, d'écrire ou de créer. Oui, il y a déchirement, mais il y a deux mains qui écartèlent. Boualem Sansal est binational, et il le paie « là-bas », et non pas en France. Donc, oui, il faut le sauver, au nom de l'esprit de la binationalité, comme richesse, et non comme crime puni par la prison ou le rejet.

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En effet, être binational, c'est avoir une âme fertile. Un binational recommande à la France de sortir de ses enfermements et de ses replis désastreux sur soi. Mais il faut aussi le dire, le proposer et l'imposer pour l'Algérie, qui croit que détester la France c'est être un meilleur Algérien, et où les plus forts confondent haine et histoire, guerre et avenir, identité et refus du monde.

Dire non au chauvinisme d'exclusion
Oui, les binationaux sont une chance, mais pour les deux côtés. Il faut oser réclamer le droit de vivre ici et là-bas, même si l'on a choisi une terre plutôt que l'autre, un confort plutôt que l'autre. Il faut avoir le courage de dénoncer les misères et les exclusions en Algérie, ainsi que les tribunaux d'appartenance, sans se sentir déloyal ni traître envers son pays d'origine.

Devons-nous, pour apparaître pleinement algérien, renier nos voisins, amis, enfants, gommer nos attaches d'aujourd'hui en France, abandonner les langues de nos présents et compatriotes en France ? « Devons-nous nous soumettre à un patriotisme de discrimination, à une fraternité à géométrie variable, où nous serions toujours les derniers invités ? Non », écrit-on. Et c'est juste et courageux. Mais il faut aussi l'oser, le dire, de l'autre côté, pour ceux d'en face qui nous asservissent à un chauvinisme d'exclusion, au bannissement, à l'exil et à la fatwa pour impiété. Ce pays est autant le nôtre, et nous en sommes chassés autant pour notre opposition que pour notre double appartenance.

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Car aussi en Algérie « notre présence même dérange, elle questionne, elle trouble un récit national qui voudrait se croire homogène », et nous pouvons aussi écrire une variante : « Nous savons que l'avenir ne peut se bâtir sur le repli, sur la peur de l'autre, sur la volonté de réduire l'Algérie à un seul visage. » L'oserons-nous ? Nous le devons. En Algérie, les binationaux sont aussi considérés comme des coupables idéaux, des criminels qui ont enfreint les lois « généralisant l'usage de la langue arabe » exclusive, des traîtres par l'histoire et la géographie, des « vendus » parce qu'ils sont francophones, des gens limités, comme le décrivit si bien Frantz Fanon, au corps du colonisé, c'est-à-dire à des muscles de sportifs « binationaux » et jamais à la présence de porteurs de visions, d'idées et de changements.

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Oui, je suis d'accord pour répondre à cet appel à nous réveiller et à éviter l'uniformité identitaire. Oui, on peut le dire en France, le publier sans craindre la prison, le défendre sans crainte de persécution et le signer sans ressentir de la honte ou de la peur. Oui, c'est magnifique et nécessaire et juste ! Mais il faut aussi le désirer pour l'Algérie et ne pas y mépriser l'espoir ni l'absoudre de la critique ; soyons généreux : ce que nous rêvons pour la France comme liberté, rêvons-le aussi pour l'Algérie sans craindre d'être arrêté aux aéroports. Le courage, c'est surtout cela, non ?

Refusons également ce qui se passe de l'autre côté. Souvenons-nous de notre propre terre natale. Ayons le courage de le faire. N'apparaissons pas comme ceux qui nous tournent le dos en France en tournant justement, nous-mêmes, le dos à l'Algérie pour ne pas voir ce qui s'y déroule. Aimons également l'Algérie. Ne la trahissons pas par nos silences complices et nos dénonciations borgnes.

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