Les Échos: Défense : pourquoi il n'y aura pas d'« argent magique » européen pour la France https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/defense-pourquoi-il-ny-aura-pas-d-argent-magique-europeen-pour-la-france-2152261
Le financement européen qui se dessine pour la hausse des dépenses militaires des Etats membres se traduirait in fine pour la France par une hausse de sa contribution au budget de l'Union européenne. Celle-ci doit déjà augmenter fortement ces prochaines années.
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La présidente de la Commission européenne, aux côtés d'Emmanuel Macron lors d'un sommet à Bruxelles l'an passé, a annoncé un nouveau prêt de 150 milliards d'euros pour financer la défense.
La présidente de la Commission européenne, aux côtés d'Emmanuel Macron lors d'un sommet à Bruxelles l'an passé, a annoncé un nouveau prêt de 150 milliards d'euros pour financer la défense. (Olivier HOSLET/POOL/AFP)
Par Stéphane Loignon, Sébastien Dumoulin
Publié le 5 mars 2025 à 17:47Mis à jour le 5 mars 2025 à 19:23
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Toujours sous procédure de déficit excessif à Bruxelles, la France va pouvoir s'appuyer sur l'Union européenne pour financer une partie de la hausse des dépenses militaires. Mais ce recours ne sera pas indolore pour les finances publiques.
Mardi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé un nouveau prêt de 150 milliards d'euros aux Etats membres pour les aider à augmenter leurs dépenses de défense. La France, dont les comptes sont dans le rouge avec un déficit public de 6 % du PIB en 2024 et une cible de 5,4 % cette année, pourra, comme les autres, en bénéficier. Elle profitera ainsi de la capacité d'emprunt de la Commission européenne - qui bénéficie de taux préférentiels par rapport à la France - sans creuser directement sa propre dette.
Une contribution déjà en forte hausse
Pour autant, « il n'y a pas d'argent européen magique », prévient un membre du gouvernement, car les milliards prêtés par Bruxelles finissent toujours par être payés par les Etats bénéficiaires. Et « lors des prochains exercices, la contribution française à l'Union européenne doit déjà augmenter sensiblement », pointe la même source. Alors que la France doit verser cette année 23 milliards d'euros à l'Union européenne, ce montant devrait bondir de 7 milliards d'euros l'an prochain, pour dépasser 30 milliards d'euros, puis encore de 2 milliards d'euros, à 32 milliards d'euros en 2027, selon la Commission des finances du Sénat.
Cette hausse subite est en réalité un rattrapage. Ces dernières années, la contribution française a été sensiblement inférieure au niveau moyen de26,2 milliards d'euros inscrit dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui régit le budget de l'UE, car les fonds européens ont globalement été sous-consommés, ce qui a allégé la note. Mais en fin de période, les capitales vont accélérer leur recours aux enveloppes européennes disponibles - et les appels de fonds de Bruxelles vont inévitablement remonter.
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Notons que si la France contribue davantage que d'autres pays membres, elle en bénéficie aussi en proportion, tout en restant contributrice nette au budget. En 2023, la France a ainsi bénéficié de 16 milliards d'euros de dépenses européennes. Avec un solde négatif de 9 milliards d'euros (selon la méthode comptable), Paris est ainsi le deuxième contributeur net de l'Union, derrière Berlin (20 milliards) et devant Amsterdam et Rome (6 milliards chacun).
Le plan de relance à rembourser
Même si le cadre financier pluriannuel suivant (2028-2034) n'est pas encore négocié, l'addition risque de ne pas s'alléger. « Si aucun accord n'était trouvé pour accroître les ressources propres de l'Union européenne, la contribution de la France devrait être majorée de 2,5 milliards d'euros à partir de 2028, sur trente ans, pour participer au remboursement des 750 milliards d'euros du plan de relance européen », rappelle le sénateur Jean-Marie Mizzon (Union centriste), rapporteur de la mission Affaires européennes pour le budget 2025.
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Or, le coût des intérêts de ce plan (« Next Generation EU ») s'est renchéri de près de 19 milliards d'euros sur la période 2021-2027 par rapport au chiffrage initial, en raison de la hausse des taux et du calendrier d'émission obligataire de la Commission sur les marchés lié au rythme de décaissement du plan de relance, soulignait un rapport de la Cour des comptes l'an passé. Le prêt européen s'est ainsi avéré moins intéressant que prévu.
Opposition du RN
Il faudra donc ajouter à tout cela le remboursement du nouveau prêt annoncé par Ursula von der Leyen pour financer la défense des Etats membres. « Cela va alourdir la contribution de la France, c'est certain », admet le sénateur. Dans ce contexte, alors que les modalités de ce nouvel emprunt ne sont pas encore détaillées, « l'enjeu est de s'assurer que cela va vers des priorités », insiste un poids lourd de l'exécutif, qui se refuse à l'idée de « faire un chèque en blanc ».
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Pour Jean-Marie Mizzon, ce financement par l'UE est néanmoins une nécessité. « Je ne vois pas comment on pourrait augmenter les dépenses militaires sans s'appuyer sur un emprunt européen », tranche-t-il, en rappelant la situation critique du budget français. Son point de vue est loin d'être partagé par le député RN Jean-Philippe Tanguy, qui juge le plan d'Ursula von der Leyen « totalement hors sol, puisqu'il n'y a pas d'industrie de défense européenne pour l'absorber. On va financer le complexe militaro-industriel américain », critique-t-il. L'élu RN, également rapporteur de la mission Affaires européennes du budget 2025 à l'Assemblée, y voit aussi « un saut fédéraliste dans le dos des gens ». Le débat promet d'être vif dans les mois à venir.
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